Question : Durant ces dernières années on évoque le mouvement national en Russie comme quelque chose de marginal, de dangereux.
Mais ce point de vue est-il objectif et quelles sont les fondamentaux idéologiques et sociales des nationalistes ? Nous avons discuté avec le leader du mouvement nationaliste de Toula, membre de l’Union National Russe, un des organisateurs de la Marche russe, Vitali Goryunov.
Chez les gens, les nationalistes sont associés soit avec les crânes rasés avec les bombers et les paraboots, soit avec les cent-noirs barbus. Quel est le nationaliste du XXIe siècle d’après vous? Comment vous combattez ces clichés?
Vitali: La conscience de masse forme les médias et c’est pour ça qu’ils se focalisent sur des skinheads, « oubliant » des scientifiques, comme le docteur des sciences philologiques Alexandre Nikitich Sevastyanov (NDPR), le fondateur de « Rossiiskaya Gazeta » (Gazatte Russe) Boris Sergeevitch Mironov (Union du Peuple Russe), le candidat des sciences humaines, professeur du MGIMO Valerii Dmitrievitch Solovei (Force Nouvelle) et tant d’autres. Alexandre Belov, leader du Mouvement Contre l’Immigration Clandestine (DPNI), actuellement interdit, ne ressemble pas au crâne rasé.
Q : Qui forme la grande partie du noyau actif de l’Union nationale Russe? Est-ce qu’on peut citer un portrait typique?
Vitali: Le mouvement national – c’est une tranche du peuple russe. Dans le NSR nous avons des personnes d’âges et de catégorie sociale différentes. Etudiants et retraités, professeurs des écoles et médecins, entrepreneurs et ouvriers. Chacun reste à sa place et fait son travail particulier dans la mesure de ses moyens et habitudes.
Q : Quelles sont les bases idéologiques et sociales du mouvement? Etes-vous pour le capitalisme ou pour le socialisme?
Vitali: Nous sommes pour un socialisme national russe dans un Etat national Russe. Nous sommes pour les garanties sociales et la justice, l’éducation et la médecine gratuites, les retraites, le soutien des jeunes familles… Car le socialisme national russe n’est pas un nivellement comme veulent nous le prouver nos ennemis ayant accès à la TV et au ministère de l’éducation. Le socialisme national russe – pour donner à tous les citoyens de Russie de débuter dans la vie au même niveau. Nous soutenons la petite entreprise contre la toute-puissance des multinationales. Les moyennes entreprises aussi, sauf qu’il y aura l’impôt sur la fortune! Il n’y a pas d’oligarques dans l’Etat national russe, puisque toutes les ressources sont nationalisées ainsi que les moyens de production. Personne n’a droit d’obtenir pour lui tout seul le bien national pour lequel nos ancêtres ont versé leur sang et sueur.
Q : Le mouvement nationaliste se ressemble-t-il en Russie et dans la région de Toula? Qu’est-ce qui se fait pour faire leur union?
Vitali : Il existe en Russie une demi dizaine de grandes organisations, une partie est interdite par la Cour de la Fédération de Russie et même si l’objectif est un, il n’en demeure pas moins quelques différends. Chaque organisation vit à son rythme. Il existe également des structures extra-organisationnelles qui mobilisent les organisations nationales et régionales. Le plus connu -la Marche russe le 4 novembre sous l’égide du Comité central de l’organisation de la Marche russe. Les actions de plus petite ampleur comme celles contre l’ethno-criminalité, pour retirer les lois antirusses 282 et 280, pour la libération des prisonniers politiques et d’autres, prépare et organise le Conseil de coordination des forces nationales.
Q : Comment le nationalisme se marie-t-il avec la conception fabriquée par la propagande du multiculturalisme?
Vitali : Ce sont des notions opposées. Nous nous battons pour la survie de notre peuple russe et des peuples autochtones. Les peuples autochtones sont des peuples qui n’ont pas de formations étatiques en-dehors de notre pays et pour lesquels la Russie est la seule Patrie. C’est le gouvernement actuel –de Poutine- qui mène sa propagande multiculturelle; elle souhaite tasser tout le monde dans un tas difforme, mélangé à volonté pour mieux asservir les derniers hêtres libres. Les gouvernants actuels essaient de créer une chaudière ou tous nos identités seront fondues, dans laquelle comme ils le pensent, cuira la compote multiculturelle –multi-kulti. Mais les gens ne sont pas des céréales, ils ont leur avis ! Il est normal que chaque peuple ait sa conscience nationale – c’est le nationalisme. Les tatars veulent rester tatars, tchétchènes – tchétchènes, et russes – russes! Personne ne veut tomber dans leur chaudière, tout le monde désire vivre.
Q : Les nationalistes soulèvent souvent le problème de l’immigration clandestine. Comment peut-on la combattre selon vous?
Vitali: Seulement au niveau de la législation. Mettre en place un système de visa avec les pays d’Asie Centrale.
Q : Récemment Vladimir Poutine a plaidé en faveur d’une loi pour redéfinir le concept de « nation russe ». Comment vous accueillez cette idée?
Vitali : Avis négatif. Avant on essayait de créer un peuple soviétique – on a eu un pays détruit et des conflits locaux. Les pouvoirs actuels tentent artificiellement de créer une ethnie des autochtones et des immigrés – ces derniers provenant des ex-républiques soviétiques. Les Russes forment déjà le noyau indispensable dans la construction étatique. Sans la nation russe il ne peut pas avoir de Russie. C’est à l’éclatement du pays qu’on aboutira si on essaiera de remplacer les Russes par les autres.
Q : Qu’est-ce que vous pensez de l’Eglise orthodoxe russe et de l’esprit religieux, de l’orthodoxie dans la société contemporaine?
Vitali : Notre organisation soutient l’idée que la Russie est un Etat laïque et il ne faut pas imposer une religion quelconque. C’est une affaire intime de chaque être humain, personne ne doit intervenir. Il existe des lieux de culte pour tous les croyants. De l’autre côté on voit comment l’Eglise officielle s’est transformée dans une entreprise, alors qu’elle devrait être l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Le cortège du patriarche ne peut concurrencer peut être que celui de Kadyrov. Et l’Eglise. On y vend du vin et des cigarettes. Et tout ça alors que le peuple s’appauvrit de plus en plus.
Q : A la Marche russe il a été dit que les organisateurs ne soutiennent pas le « projet Novorossia ». Quelles positions adoptent les nationalistes sur la Crimée, Donbass, les relations avec les ex-républiques sœurs, l’Union européenne, USA?
Vitali : On considère que les frontières de l’Etat national russe doivent se conformer aux frontières de la résidence compacte de l’ethnie russe. Nous sommes d’avis qu’il y a un peuple uni coupé en trois qui a le droit d’être réuni (grands-russes, petits-russes, biélorusses). Aujourd’hui à Moscou et à Kiev gouvernent les régimes qui utilisent la guerre et ils vont tout le temps soutenir un conflit sans cesse renaissant. Seulement le pouvoir national russe pourra éteindre ce feu dévastateur et unir dans un seul pays donc l’union des russes avec des ukrainiens et des biélorusses. Et cette union sera accueillie non pas par des chars mais par des fleurs. Et en Crimée et à Moscou et à Toula et dans n’importe quelle région le Russe n’est pas le maitre de sa terre. Partout gouverne un clan étroit de proches de Poutine qui « conquièrent » le budget, en remplissant leurs poches. Parallèlement le peuple s’appauvrit et est en voie d’extinction.
Comment alors considérer les ex-républiques sœurs ? Il faut voir ce qu’ils font, leurs relations avec le peuple russe qui y vit. Aujourd’hui nos gouvernants ont mis notre pays dans l’isolation de tout le monde civilisé. On a peur de la Fédération de Russie non pas parce qu’on a une superpuissance technologique mais parce que nous faisons peur avec notre grenade – personne ne sait où on mettra nos « Iskander » et avec qui on fera la guerre. Il nous faut du bon sens, du partenariat avec les européens et les USA. Il faut chercher des points de rencontre, se développer, créer et échanger des nouvelles technologies. On a beaucoup en commun avec les Occidentaux. Il faut des unions contre l’islamisme radical qui est comme un cancer pour les pays du monde blanc. Il faut changer la politique pétrolière de notre pays. Et toujours se souvenir que la Russie n’a pas d’amis, seulement des alliés temporaires.
Q : Qu’est-ce que vous pensez des autres mouvements non-alignés et des organisations comme « Sens du Temps » (Sout Vremeni en russe) « NOD » (pro-Poutine), cercles patriotiques, cosaques? Avec qui est-il possible de coopérer?
Vitali : « Sout Vremeni » est dirigée par le régisseur théatral Kourginyan, « NOD » – par le député de la Russie Unie, Fedorov; ce sont des structures pro-gouvernementales, il ne peut y avoir de coopération avec eux. Il peut y avoir avec les forces de la gauche, des libéraux, des anarchistes, si nos objectifs coïncident, par exemple pour l’annulation des lois liberticides 280 et 282 mais dans le plan médiatique des actions communes sont peu probables. Quant aux cosaques, ils sont si différents et opposés les uns aux autres qu’on ne peut pas parler d’eux comme d’un corps entier. On coopère avec certaines unités, une partie est déjà dans nos rangs. Les cercles patriotiques qui sont sur les positions nationales sont nos alliés. Nous sommes prêts à coopérer avec tout le monde, pourvu que la question russe se pose, cruciale. Il est important pour nous que nos alliés mettent aussi les intérêts du peuple russe sur le premier plan.
Q : L’organisation envisage-t-elle de participer dans la vie sociale et politique de la région de Toula? Y a-t-il des perspectives hormis les marches ?
Vitali: Avant nous avons toujours pris part dans la vie de la région, en réclamant la limitation des quotas pour les immigrés, en ramassant des signatures pour le régime de visa avec les pays de l’Asie Centrale, en militant pour les droits de la population russe dans les conflits multiethniques. On a participé aux manifestations pour la conservation du parc Toulskie berezki et ainsi de suite. Avec nos propres fonds on ramenait plus de sympathisants que les partis de la Douma ! On nous invitait à la radio, on prenait des entretiens. Ce qui a forcément déplu au gouvernement c’est qu’on sortait des limites, qu’on mettait de la lumière sur les questions taboues et que le nombre de nos sympathisants ne cessait d’augmenter.
Mais après c’est le Centre de Lutte contre l’Extrémisme (TséPE) qui a pris l’affaire en main. Ces droitsdelhommistes luttaient non pas contre l’islam radical, non pas contre le nombre augmentant des immigrés clandestins ou non, ce qui a engendré beaucoup de criminalité par la suite, mais avec des activistes russes, des autochtones, qui souffrent pour leur peuple. Des dossiers ont été ouverts, des affaires criminelles sont nées. On parlait avec des nationalistes, on essayait de leur faire peur par ces méthodes. Ils venaient dans les lieux de cours et de travail pour mieux influencer les militants. Cette politique a donné ses fruits car notre organisation a été un peu ébranlée, mais nous passerons tous les obstacles et retrouverons notre potentiel d’antan. Il faut dire aussi que nous avons un nouveau gouverneur (chef de la région), nous observons la situation dans notre région. Certains de nos militants participent dans la vie active de la ville et de la région ce qui est très important pour notre combat.
Q : Les critiques comparent souvent le mouvement national russe avec les nationalistes ukrainiens. En quoi êtes-vous meilleurs et ne pensez-vous pas au Maidan?
Vitali : On peut trouver beaucoup de ressemblances et beaucoup de différences. C’est une erreur que de penser que le Maidan a été fait que par les nationalistes. Maidan c’est la réaction des peuples ukrainiens et russe contre le pouvoir usurpateur, contre les WC en or du président, contre les portraits dorés à la César du procureur général, contre les oligarques, contre la pauvreté et la vie sans perspective des gens simples. Seulement les ukrainiens ont simplement changé de parasites. Nous ne pouvons pas commettre la même erreur. Il faut changer de gouvernement par la voie légale. Un gouvernement qui sortira le pays de la crise, qui donnera au peuple l’assurance dans l’avenir et dans le jour présent.