Cet éclairage biographique et historique sur Stepan Bandera et ses ambitions est paru dans le numéro 746 de mars 2022 de la revue MILITANT.
Les nationalistes galiciens placent leur combat sous le patronage de Stepan Andriïovytch Bandera (Степа́н Андрі́йович Банде́ра). Dans notre monde shoatisé, le personnage est diabolisé. Mais si nous essayions d’en savoir plus ?
Stepan Bandera est né le 1er janvier 1909 d’un père prêtre gréco-catholique (uniate) dans le village de Staryï Ouhryniv, dans la province de Kalouch, en Galicie, faisant partie de l’Empire austro-hongrois, et actuellement dans l’oblast d’Ivano-Frankivsk (Stanislau avant 1918). La Galicie étant devenue polonaise en 1919, il conclura ses études par un diplôme d’agronomie à l’Ecole polytechnique de Lvov en 1932.
Mais, élevé dans le patriotisme ukrainien, il devient membre en 1928 de l’Organisation militaire ukrainienne, puis en 1929 entre dans l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), devenant en 1931 responsable de la propagande anti-polonaise. Il reçoit à Dantzig une formation sur les techniques de renseignement Alors que le gouvernement polonais accroît sa répression à l’encontre de la minorité ukrainienne, l’OUN recherche et obtient le soutien financier de l’Allemagne et Bandera devient agent de renseignement au profit du Reich en 1934. Pour répondre à la répression polonaise, il organise avec le chef de l’OUN, Konovalets (cf ci-dessous), de nombreux attentats dont l’assassinat du ministre de l’Intérieur polonais, Bronislaw Pieracki. Arrêté, il est jugé et condamné à mort en janvier 1936. En mai 1936, lors d’un autre procès contre les dirigeants de l’OUN, il est à nouveau condamné à mort. Mais les deux peines sont commuées en emprisonnement à vie, en vertu d’une clause secrète du pacte de non-agression germano-polonais et passera trois ans en prison, à l’isolement, effectuant trois grèves de la faim.
Libéré après la défaite de la Pologne en septembre 1939, Bandera est recruté comme espion en URSS avec le nom de code « Consul II ». Il provoque une scission de l’OUN en février 1940, reprochant à Andriy Melnyk, devenu chef de cette organisation après l’assassinat de Konovalets en 1937, sa tiédeur dans l’action. Il crée l’OUN-B, Melnyk dirigeant l’OUN-M.
Le 19 avril 1940, au château du Wawel, il affirme sa loyauté au gouverneur de Pologne Hans Frank, offrant 38 cloches d’église aux fonderies allemandes puis, en novembre 1940, l’OUN-B installe son siège à Vienne. Au congrès de Cracovie d’avril 1941, l’OUN-B prend la résolution de combattre les Juifs, considérés comme favorables aux Soviétiques, considérés comme l’avant-garde de l’impérialisme moscovite en Ukraine et le principal ennemi. En 1941, l’OUN-B et le prêtre nationaliste Ivan Itynolch créent une unité de renseignement, le SB (Sloujba Bezpeky, « service de sécurité »), aux méthodes similaires au Sicherheitsdienst.
En février 1941, Stepan Bandera reçoit de l’Abwehr 2,5 millions de marks pour former une légion ukrainienne, le corps de la future armée d’une Ukraine indépendante. Lors de l’opération Barbarossa, la légion ukrainienne se bat aux côtés de l’armée allemande dans les bataillons Nachtigall et Roland, équipés par l’Abwehr et participe à un important pogrom de Juifs à Lvov.
Le 30 juin 1941, la population ukrainienne de Galicie accueille l’armée allemande en libératrice et la déclaration d’indépendance de l’Ukraine est proclamée à Lvov/Lviv, avec pour chef du gouvernement Iaroslav Stetsko, le nouvel État travaillant « en étroite collaboration » avec l’Allemagne. Toutefois, Hitler n’accepte pas cette proclamation qui est en contradiction avec ses projets consistant à transformer les territoires de l’Est en colonies allemandes. Le 5 juillet 1941, Bandera est arrêté à Cracovie et placé en résidence surveillée à Berlin avec Stetsko, puis sera emprisonné dans le camp de Sachsenhausen en 1942.
Néanmoins, si début 1942, l’OUN-B distribue des tracts en Volhynie pour encourager les Ukrainiens à aider matériellement et moralement les nationaux-socialistes qui combattent contre le bolchevisme, certains de ses membres, tel Mykola Lebed (qui, ayant émigré aux États-Unis en 1945, travailla pour la CIA jusque dans les années 1960), crée une « Armée insurrectionnelle ukrainienne » (UPA) ayant pour objectif de lutter contre l’Allemagne national-socialiste, l’URSS et les partisans polonais. Bandera la soutient.
Le 20 mars 1943, il lance aux auxiliaires de police ukrainiens, l’UP, un appel à déserter avec leurs armes. C’est la « sortie par la forêt » : refusant de combattre contre leurs compatriotes, dix mille membres de l’UP prennent le maquis. En août 1943, au cours de son troisième congrès, l’OUN-B modifie son programme en préconisant le pluralisme et la social-démocratie, mais Bandera, toujours en prison, rejette tout abandon du nationalisme radical. En 1943, l’UPA massacre entre 40 000 à 60 000 Polonais dont beaucoup de femmes et d’enfants.
Les forces de Bandera ne doivent pas être confondues avec la division SS Galicia composée de volontaires uniquement engagés dans la lutte contre le bolchevisme dont ils redoutaient le retour.
A partir de mars 1944, l’UPA commence à combattre l’occupation allemande, mais en mai 1944 la direction de l’OUN-B donne l’ordre de « basculer complètement de la lutte menée contre les Allemands à la lutte totale contre l’Union soviétique ». Les forces de l’UPA combattront alors sans réserve contre les soviétiques.
Le 25 septembre 1944, alors que l’Armée rouge avance, les Allemands créent un Comité national ukrainien et placent à sa tête Bandera qui est libéré aussitôt. Toutefois, il n’adhère pas à ce Comité, sachant la guerre perdue pour l’Allemagne et que toute collaboration avec elle est désormais sans intérêt Cependant, en septembre 1944, il incite les Ukrainiens à s’armer contre l’avancée soviétique et envoie des troupes de l’OUN-B et de l’UPA, équipées et armées par les Allemands, derrière les lignes soviétiques. Plus de 200 000 Ukrainiens ont combattu au côté des Allemands, la presse allemande valorisant leurs actions.
Puis Bandera s’installe à Berlin avant de s’éclipser fin 1944, sachant proche la défaite de l’Allemagne. Après une errance, il finit par s’installer à Munich, sous protection britannique et américaine avec sa femme et ses enfants, alors que l’URSS demandera en vain son extradition. Sous l’identité de Stefan Popel, il va continuer de diriger l’OUN-B. Dans l’Ukraine soviétisée, l’UPA, poursuivra des combats sans merci jusqu’en 1954, les deux côtés commettant des atrocités. Bandera, par la force des choses, en restera éloigné.
En 1947, l’OUN-B devient OUN-R (R pour révolution) et en devient le chef unique. Mais en 1956, le mouvement OUN-R se divise en deux entités, dont l’OUN-Z mené par Lev Rebet et Zinovy Matla, qui reprend le programme modéré d’août 1943 qu’avait rejeté Bandera.
En dépit de son antisoviétisme, Stepan Bandera n’obtint jamais officiellement l’appui des Etats-Unis, car jugé trop anti-américain et trop extrémiste. Mais les services de contre-espionnage américains travaillent de concert avec les cadres de l’OUN-R afin de recruter des membres de l’OUN en territoire soviétique pour des missions d’espionnage ou d’assassinat
Bandera travaille aussi avec le BND, le Service fédéral de renseignement. Mais celui-ci est infiltré par le KGB qui finit par retrouver Bandera. Il sera assassiné le 15 octobre 1959 par un agent au service du KGB, Bogdan Stachynsky, au moyen d’un pistolet à gaz projetant une capsule de cyanure de potassium qui, en s’écrasant, vaporise le poison en fines gouttelettes, provoquant un arrêt cardiaque. Bandera est enterré au Waldfriedhof à Munich.
Bandera est évidemment une figure controversée : héros en Galicie, dans l’Ouest de l’Ukraine, martyr de l’indépendance après son assassinat, il est honni par la Russie et nombre de Russes en tant que « collaborateur des envahisseurs nazis ».
Le président ukrainien Iouchtchenko l’a toutefois élevé à la dignité posthume de Héros d’Ukraine par un décret du 22 janvier 2010 « pour l’invincibilité de l’esprit dans la poursuite de l’idée nationale, l’héroïsme et le sacrifice dans le combat pour l’indépendance de l’État ukrainien » (Unian.info, 21/08/ 2015). Puis, à l’automne 2014, le président Porochenko a remplacé le « Jour du défenseur de la patrie », fête d’origine soviétique célébrée le 23 février par la « Journée des défenseurs de l’Ukraine » le 14 octobre, jour de la fondation de l’UPA.
Chaque année, le 1er janvier, des défilés sont organisés par les mouvements nationalistes et nationaux-socialistes telle l’organisation paramilitaire Tryzub, les partis Svoboda et Pravii Sektor, pour commémorer la naissance de Stepan Bandera.
De fait, Bandera a lutté, au prix de sa vie, pour la liberté de son peuple et de son pays dans un contexte où la violence et la brutalité étaient partout qui expliquent les moyens violents utilisés. Qu’il n’appartienne pas aux habitants de l’Est de l’Ukraine, cela se comprend. Mais il ne peut être enlevé à ceux de l’Ouest, aux Ruthènes, qui ont droit, au moins, à leur autonomie.
Vitali Orschark
Source : Revue MILITANT, n°746, Mars 2022
Pour aller plus loin :
23 mai 1938 : Assassinat de Yevhen Konovalets par le NKVD
Nouveaux détails sur l’assassinat du nationaliste galicien Yevhen Konovalets par le NKVD
Il a tout de même eu un parcours sinueux difficile à suivre
Vous omettez, volontairement ou non, fe parler des origines du banderisme (la shoah ukrainienne connue sous le nom d. HOLODOMOR mais très étrangement oubliée par les historiens et chouineurs actuels)… Ceci explique cela, sauf le neo banderisme à la sauce casher qui fait que de soit disant néo nazis ukrainiens obéissent désormais sans sourciller à zelensky, représentant officiel du sanhédrin en Ukraine…
C’est entendu qu’ils ont droit à leur autonomie, mais apparemment ce n’est pas le but qu’ils recherchaient en bombardant le Donbass. S’ils recherchaient cela, ils négocieraient. Ils n’ont peut être aussi pas été très inspiré, lorsqu’ils ont élu leur président (le reproche peut également être fait aux français) ! C’est aussi un peu curieux qu’avant ils étaient contre les polonais et que maintenant ce sont leurs alliés. Mais ce qu’il faut bien comprendre c’est que cette guerre n’oppose l’Ukraine (création de l’URSS) à la Russie, mais l’OTAN à la Russie. Si on est contre les USA, on est forcément pour la Russie.