Depuis plusieurs semaines en Géorgie, des manifestants brandissant des drapeaux américains, européens et ukrainiens, assiègent le Parlement et tentent de percer les cordons de police, bombardant les fonctionnaires de pierres, de bouteilles, de feux d’artifice et de cocktails Molotov. Les autorités ont répondu avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau.
Les émeutiers rassemblés devant le parlement exigeaient la libération de toutes les personnes arrêtées au cours des précédents jours de troubles à Tbilissi à cause d’un projet de loi sur les « agents étrangers ». Des observateurs décrivent ce qui s’y passe comme une répétition du « Maïdan » ukrainien.
La comparaison avec le coup d’État du Maïdan a été formulée par Serguei Lavrov mais également par le président du parti au pouvoir en Géorgie, Rêve géorgien, au sujet des manifestations contre le projet de loi sur les ONG, alertant sur les conséquences envisageables : « L’Ukraine, au final, a perdu 20% de son territoire » après ces événements, a-t-il affirmé, dénonçant en outre l’action de « radicaux ».
En effet, les troubles se poursuivent bien que le gouvernement ait accédé aux revendications des manifestants, libéré les personnes arrêtées et déjà retiré cette loi. Une loi qui a été très critiquée par les États-Unis, les chancelleries européennes et bien sûr les pseudo-ONG occidentales sorosiennes, habituels leviers des « révolutions de couleur » que les États-Unis cornaquent de par le monde.
Selon cette loi destinée à protéger la souveraineté et à renforcer l’indépendance de la Géorgie, toutes les organisations qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger doivent s’enregistrer en tant qu’agents étrangers.
Où est le mal ?
Lutte contre les agents étrangers et « ordre mondial basé sur des règles »
En effet, de telles lois existent ailleurs, par exemple en Russie mais aussi… aux États-Unis. Des lois comme celle-ci, sur l’enregistrement des « agents de l’étranger », ont été adoptées pour la première fois par les États-Unis à la fin des années 1930, avec la loi FARA (pour « Foreign Agents Registration Act »).
Dans cet exercice d’hypocrisie équilibriste, les États-Unis ont donc violemment critiqué la loi géorgienne et l’ambassade américaine a déclaré que son adoption serait un « jour sombre pour la démocratie ». Pas à une contradiction près, Kelly Degnan, l’ambassadrice a rajouté : « Les États-Unis sont opposés à la Loi géorgienne sur les agents étrangers, même si elle s’inspire à la lettre dune Loi américaine éponyme ». Comprenne qui pourra. C’est le discours américain habituel de donneur de leçons : faîtes ce que je dis, pas ce que je fais…
En tout cas, voici un pays, les États-Unis, qui veut dicter aux Géorgiens quelles lois ils doivent adopter ou ne pas adopter. C’est la conception du pays leader du monde occidental d’un « ordre mondial basé sur des règles », si cher aux Atlanto-sionistes.
Le vrai motif : la neutralité géorgienne
Cette loi sert, bien sûr, de prétexte pour attaquer le gouvernement géorgien qui a choisi une ligne de neutralité dans la guerre en Ukraine. Ce qui ne convient pas à l’Occident, qui veut intensifier l’expansion de l’OTAN sur le territoire de la Géorgie et l’inciter à soutenir l’Ukraine en rouvrant les conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Le but : disperser l’effort militaire et économique russe. Et l’Occident se contrefout particulièrement des conséquences de cela pour la Géorgie et les Géorgiens…
En bon agent américain, la présidente Salomé Zurabishvili, actuellement en visite aux États-Unis, a approuvé les protestations et a déclaré que le projet de loi saperait « l’intégration euro-atlantique » de la Géorgie… Le chef de la diplomatie de l’UE avait qualifié le projet de loi d’« incompatible avec les valeurs et les normes de l’UE ». La porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, avait dénoncé un texte allant « à l’encontre du large soutien de la population géorgienne à la perspective européenne du pays ».
Le projet est clair : rien n’est caché de la volonté d’annexion de la Géorgie dans le camp euro-atlantiste, quelque soit la volonté du peuple géorgien et pas seulement de quelques manifestants menaçants et vraisemblablement manipulés.
Sans surprise, Zelensky s’est également empressé de soutenir les émeutiers. Et les contestataires ont défilé avec les drapeaux de l’UE et de l’Ukraine dans les rues de la capitale, allant jusqu’à chanter l’hymne du régime de Kiev ! Zelensky les a remerciés et s’est dit fièrement convaincu que l’Ukraine et la Géorgie seraient annexées par l’UE !
Au total, 133 personnes avaient été arrêtées pendant les troubles, mais la plupart ont été « relâchées après l’expiration du délai légal de leur détention provisoire », a indiqué la police dans un communiqué (la loi géorgienne limite la détention sans inculpation à 48 heures) même si elle enquête toujours sur plusieurs cas d’agressions contre des fonctionnaires lors des « événements violents » à l’extérieur du parlement.
Là, pour le coup, le siège et les tentatives de pénétrer dans le Parlement géorgien ne sont pas condamnés par les Occidentaux comme l’avait été l’invasion du Capitole aux États-Unis, par des partisans de Trump, qui avait été qualifiée de tentative de coup d’État… Et idem pour les manifestations post-électorales de partisans de Bolsonaro au Brésil, après l’élection de Lula, présentées dans les médiats comme une tentative de renverser « la démocratie ».
Un deux poids, deux mesures qui en dit long sur le événements en cours en Géorgie.
Déstabilisation pour enclencher un « Maïdan » géorgien
Bien que le gouvernement ait donc retiré la loi, les politiciens de l’opposition exigent maintenant la démission du cabinet et menacent que les manifestations deviendront « brutales et intransigeantes » selon les médiats locaux. La coalition au pouvoir a justifié le retrait du projet affirmant que « la machine à mensonges a réussi à le présenter sous un jour négatif et à tromper une certaine partie du public ». Le parti de la majorité au pouvoir, Rêve géorgien, a déclaré qu’il avait l’intention de « mieux expliquer au public en quoi consiste le projet de loi et pourquoi il est important d’assurer la transparence de l’influence étrangère dans le pays » après le retour au calme dans les rues.
Il n’est finalement pas surprenant que l’opposition ait immédiatement annoncé qu’elle poursuivrait les protestations même après le retrait du projet et la libération des émeutiers. Tout ça ressemble comme deux gouttes d’eau à une répétition du scénario de l’Euromaïdan où les « révolutionnaires sorosiens », cornaqués et financés par Viktoria Nuland à l’époque, avaient poursuivi l’objectif fixés par les néo-conservateurs américains, malgré l’assouplissement de la ligne de conduite de Ianoukovitch et l’accord qui avait été trouvé entre le pouvoir et l’opposition représentés à la Rada ukrainienne.
Et l’intérêt national géorgien ?
En plus des tentatives de déstabilisation d’un pays limitrophe de la Russie, les ONG occidentales, qui sont des agents d’influence étrangers, sont mécontentes aussi de la relance de la très pauvre économie géorgienne par le gouvernement géorgien. Car leur objectif principal est de lutter contre leur rivale la Russie, même si cela conduit à détruire des liens économiques mutuellement bénéfiques entre deux pays voisins. Un peu comme les rafales de sanctions européennes antirusses qui détruisent des pans de l’économie européenne…
En effet, les principaux revenus de la Géorgie proviennent de la Russie : affaires, transferts d’argent, tourisme, commerce, tous ces liens sont solides et établis depuis de nombreuses années. Et, sans surprise, l’économie géorgienne a connu une croissance impressionnante au cours de l’année écoulée suite à l’afflux de Russes délocalisant leurs activités économiques hors de leur territoire.
Mais les ONG occidentales cherchent malgré tout à limiter la coopération avec le voisin, ce qui ne fera que conduire à une récession économique et à un nouvel appauvrissement du pays. Et la perspective d’adhérer à l’UE n’est pas de bon augure pour la Géorgie, en particulier au moment où l’Europe elle-même est en crise économique.
À Washington et à Bruxelles, on n’en a cure.