Nous savons qu’il est vital de diminuer la pression fiscale en France et de réduire le poids de l’Etat, dans la mesure où celui-ci agit dans des domaines qui ne le concernent pas pour mieux ne rien faire dans les domaines régaliens, comme celui de la défense nationale, par exemple, dont le budget demeure à la portion congrue, quoi qu’en dise le gouvernement.
Or le budget 2018 ne prend pas le chemin de cette politique de bon sens. Plus encore. Le gouvernement trompe les Français. Tandis que le ministre Darmanin annonce que l’on va supprimer 1600 postes dans la fonction publique d’Etat, nous apprenons, de manière plus discrète que le gouvernement va créer plus de 16.000 emplois en titularisant fonctionnaires d’actuels emplois dits « d’avenir» ou emplois aidés dans l’éducation nationale!
Cela ne va pas contribuer à alléger la masse salariale de l’État, déjà la plus importante d’Europe, qui va augmenter de 2,4 en 2018, ne serait-ce que par l’effet mécanique des mensures d’avancement statutaires.
En fait, la loi de finances 2018, annoncée comme préparant une baisse des dépenses publiques et des impôts, va se traduire par une augmentation des dépenses et un alourdissement de la fiscalité pour nombre de Français.
Mécaniquement, encore, l’endettement de la France va s’accroître dans les années à venir. La dette cumulée de la France actuellement de 2.243 milliards dépassera les 2.500 milliards en 2022, soit plus de 100 du PIB, puisque, selon l’Agence France Trésor, elle augmentera de 185 milliards dès 2018, entraînant une charge de la dette de plus de 45 milliards (actuellement 43), alors qu’elle est déjà le deuxième poste de charges du budget avec 10,9 , juste derrière l’Éducation nationale.
En fait de baisse de la fiscalité, il va y avoir une baisse du revenu disponible par le truchement de l’augmentation de multiples taxes. Déjà, contrairement aux annonces du candidat Macron, l’ampleur des baisses d’impôts directs a été réduite. Initialement prévue à 11 milliards d’euros, elle a été ramenée à 7 milliards d’euros sur l’année et 10 milliards d’euros fin 2018, par rapport à 2017.
Certes, de nombreuses dispositions paraissent favorables aux ménages modestes et aux classes moyennes. Mais certains allégements se révèlent beaucoup plus bénéfiques pour les foyers aisés, et surtout très aisés. C’est évidemment le cas de la refonte de l’ISF et de celle de la fiscalité du patrimoine, qui représentent à elles deux près de la moitié du total des baisses d’impôts. Au lieu de supprimer l’ISF, il devient un super impôt sur les biens immobiliers : par exemple les Rétais, « millionnaires» par suite de la spéculation immobilière sur leur île, mais souvent des gens aux revenus modestes apprécieront.
La mesure phare de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron figure évidemment dans ce projet de budget. Elle vise à redonner du pouvoir d’achat aux salariés en opérant un mouvement de bascule entre une hausse de 1,7 point de la CSG et une suppression des cotisations salariales sur la famille et le chômage, qui va baisser les charges sociales de 3,15 points.
Au total, les salariés seront donc gagnants, le gain augmentant à mesure que le salaire s’élève. Le surcroît de revenu atteindra 263 € par an pour un salarié au smic et autour de 1 000 € annuels pour un salarié payé 5 000 €.
Mais si la plupart des actifs bénéficient de compensations face à la hausse de la CSG, ce ne sera pas le cas pour une majorité de retraités. Tous ceux qui paient la CSG au taux normal vont en effet voir dès le 1 er janvier ce prélèvement augmenter, passant de 6,6 à 8,3 sur leur pension. Une hausse qui ne sera pas contrebalancée par la baisse des cotisations qu’ils n’acquittent pas.
Cela représente environ 9 des 16 millions de retraités, soit, selon Bercy, ceux qui touchent au moins « l’équivalent d’une pension nette mensuelle de 1 289 € pour un retraité de moins de 65 ans» ou 1 394 € après 65 ans. Bref, la baisse annoncée de la taxe d’habitation pour 3 milliards sera plus qu’effacée en 2018 par la charge qu’induit le basculement des cotisations sur la CSG (+3,7 milliards). Un tiers des retraités restera perdant.
A cela il faut ajouter une prévision de + 25 sur les rentrées d’amendes sur les automobilistes grâce à cent radars « bien placés» supplémentaires.
N’oublions pas non plus d’autres alourdissements de taxes, telle l’augmentation de 3,7 milliards de la fiscalité énergétique, qui se répartit sur tous les contribuables, mais pèse davantage sur les ménages.
Dans le même temps, les redistributions seront réduites. Ainsi, le gouvernement annonce l’augmentation de l’allocation de garde des enfants de familles monoparentales et des primes à la naissance et à l’adoption, soit 40 millions d’euros; mais il passe sous silence le fait qu’à partir d’avril 2018 le remboursement des frais de garde des jeunes enfants (PAJE) va baisser de 10 . Pire encore : il va diminuer les plafonds modulant cette allocation. Ainsi, 26 des ménages seront exclus de son bénéfice au lieu de 20 jusqu’à présent. Ainsi, un couple avec deux enfants gagnant 3.300€/mois ne touchera désormais par enfant que 84,51 € par mois au lieu de 184,62 €, soit une perte de 2.400 € par an.
Par ailleurs, la fixation d’un taux unique à 30 sur les revenus du capital mobilier (actions, participations, etc.) avantagera les tranches supérieures, pouvant être taxées jusqu’à 65 mais les petits et moyens détenteurs d’un portefeuille, qui payaient en moyenne 7 sur leur capital mobilier ne s’y retrouveront pas. Une fois de plus, ce sont les classes moyennes qui font les frais de l’opération.
Il faut donc moins que jamais attendre quelque chose des tenants du régime en place empêtrés dans le marais inextricable d’un régime en décomposition lente mais sûre et soucieux de satisfaire les classes dominantes. La situation générale ne peut qu’empirer, hors même de tout événement imprévisible catastrophique, les classes moyennes, celles qui ont acquis une petite aisance, continuant à faire les frais de tous ces errements.
Emile Mallien
Source : Revue Militant n°698, Novembre 2017
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