Les interdictions de participer aux manifestations contre la « loi travail » permettent « de concilier le droit de manifester avec la protection des Français face au péril imminent que constitue la menace terroriste ». En tentant une corrélation hasardeuse, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a défendu, mardi 17 mai, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, les arrêtés préfectoraux d’interdiction de séjour pris sur la base de l’état d’urgence à l’encontre de 53 personnes à Paris, Nantes, Toulouse et Rennes. Le jour même, dix de ces arrêtés étaient contestés devant le tribunal administratif de Paris, selon une procédure d’urgence. A l’issue de l’audience, le juge des référés en a suspendu neuf, considérant qu’ils portaient « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir et à la liberté de manifestation ». Le préfet de police de Paris s’était appuyé sur des « notes blanches », des fiches des services de renseignement non étayées, pour justifier les mesures prises à l’encontre de militants qualifiés de « membre(s) très actif(s) de la mouvance ultragauche ». Ces derniers ont contesté le contenu des notes qui leur attribuent, pour certains, des délits ou font état de « soupçons » ou de leur interpellation par la police au cours de manifestations ayant dégénéré. Aucun procès-verbal ni décision de justice ne venaient pourtant étayer ces éléments.
Dans l’une de ses décisions, le juge relève : « Le préfet de police ne produit aucun élément permettant de retenir que Mme X. a personnellement participé à ces dégradations et violences (…), il n’a pas davantage produit de justifications de ce que la requérante aurait été interpellée pour participation, le 17 mars, à un attroupement en étant porteur d’une arme et avec le visage dissimulé. » La contestation des éléments contenus dans la note blanche a été insuffisante pour l’un des dix requérants. L’arrêté le visant a été maintenu. Les renseignements affirment qu’il aurait commis des violences sur deux militaires lors d’une manifestation en janvier. « Il n’a pas été interpellé, ni placé en garde à vue ni même fait l’objet d’une convocation », remarque son avocat. Lors des manifestations contre la « loi travail », mardi 17 mai, onze policiers ont été blessés et des dégradations « limitées » ont été commises. 87 personnes ont été interpellées, parmi lesquelles 46 ont été placées en garde à vue.