La rédaction de « Mayenne Aujourd’hui » explore, semaine après semaine, les révélations des documents déclassifiés par WikiLeaks. Elle s’est penchée sur un rapport explosif de la CIA daté de 2010. Ce document dévoile les coulisses d’une guerre de communication visant à maintenir le soutien des populations européennes – notamment en France – à la mission de l’ISAF (Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) en Afghanistan.
L’arme de la culpabilité : manipuler les émotions pour justifier la guerre
Le rapport révèle une série de tactiques psychologiques et médiatiques sophistiquées destinées à influencer l’opinion publique. En France, la stratégie repose principalement sur l’éveil de la culpabilité et de l’indignation. La CIA recommande d’insister sur les conséquences d’une défaite en Afghanistan : une possible résurgence des Taliban et un recul brutal des droits des femmes et des filles afghanes.
Ce discours, habilement calibré, cible un public français laïc et sensible aux questions des droits humains. Le message est clair : s’opposer à la guerre, c’est abandonner les femmes afghanes, c’est accepter l’inacceptable. Une manipulation émotionnelle qui cherche à transformer un engagement militaire controversé en obligation morale.
Quand les réfugiés deviennent un levier de communication
Les documents mentionnent également un autre levier : celui de la mobilisation émotionnelle autour des réfugiés afghans. En fin 2009, la France prend la décision, largement médiatisée, d’expulser des réfugiés afghans « vers un pays ravagé par la guerre ». Ce choix, vivement critiqué par l’opinion publique, devient paradoxalement un outil pour justifier la présence militaire : maintenir l’ISAF, c’est limiter l’exode et protéger les civils sur place.
Le rapport montre ainsi à quel point les campagnes médiatiques peuvent être orientées pour jouer sur la sensibilité collective. L’indignation face au sort des réfugiés, loin d’être un échec politique, devient un argument en faveur de la poursuite de la guerre.
L’instrumentalisation des femmes afghanes : une éthique en question
Autre point clé : l’utilisation de la figure des femmes afghanes comme porte-voix du soutien à l’ISAF. Les témoignages de ces femmes, présentés comme des récits authentiques, sont utilisés pour humaniser l’intervention militaire et convaincre les populations européennes du bien-fondé de l’engagement.
Pourtant, cette approche soulève une question éthique fondamentale : peut-on instrumentaliser les souffrances réelles de populations vulnérables pour servir une politique militaire ? Car derrière ces récits, il ne s’agit pas de solidarité sincère mais bien d’une stratégie calculée pour orienter les émotions collectives. Une manipulation qui, en jouant sur des symboles puissants, brouille les frontières entre humanitaire et propagande.
La différence d’approche entre la France et l’Allemagne
Si la France est particulièrement ciblée, le rapport mentionne aussi l’Allemagne, confrontée à une opposition populaire similaire. Toutefois, la stratégie diffère :
En France, on privilégie l’indignation morale et la mise en avant des droits humains.
En Allemagne, le discours s’articule autour des risques sécuritaires : une défaite en Afghanistan favoriserait la montée du terrorisme, l’augmentation des trafics de drogue et un nouvel afflux de réfugiés.
Moins émotionnelle, cette approche vise un public plus pragmatique, sensible aux enjeux de sécurité intérieure.
Une ingérence flagrante : quand les émotions dictent la politique
Les révélations de WikiLeaks mettent en lumière une réalité troublante : celle d’une ingérence étrangère dans les débats nationaux de pays « souverains ». La manipulation de l’opinion publique par des stratégies médiatiques et psychologiques ne vise pas seulement à informer, mais à orienter les choix politiques.
Les responsables européens, et particulièrement français, portent une responsabilité immense. En acceptant de relayer ces discours, ils se font les complices d’une instrumentalisation qui dénature les débats publics. Plutôt que d’assumer un dialogue transparent et honnête sur les enjeux militaires, ils préfèrent céder aux logiques de communication imposées par des puissances étrangères.
Vous voulez les noms des complices français ? Ressortez les archives et voyez ceux qui étaient porte-voix de la CIA.
Pour une politique transparente et indépendante
Face à ces révélations, le rejet de telles pratiques est impératif. La manipulation des émotions collectives pour justifier des engagements militaires doit être dénoncée avec la plus grande fermeté. Les gouvernements européens doivent rendre des comptes et s’engager à mener une politique étrangère indépendante et transparente, fondée sur des faits plutôt que sur des émotions manipulées. Mais à quel prix ? Julian Assange et son enfermement ? Un avertissement ?
Car à l’heure où les débats publics sont trop souvent contaminés par des discours préfabriqués, le droit à une information libre et honnête est plus crucial que jamais.
Conclusion
En dévoilant les stratégies de la CIA, WikiLeaks met en lumière un pan souvent caché des politiques internationales : la guerre des perceptions. L’objectif n’est pas seulement de gagner des batailles sur le terrain, mais aussi dans les esprits. Une réalité qui, en 2010 comme aujourd’hui, rappelle l’importance de rester vigilants face aux discours qui nous sont servis, aussi bien par nos gouvernements que par les puissances étrangères.
La manipulation des émotions est une arme redoutable – et il est grand temps de s’en défendre. Alors soyons éveillés.
Pierre d’Herbais
Source : Mayenne aujourd’hui