Le 4 avril 2024, des conseillers de l’Élysée ont informé la presse du fait, qu’à l’occasion du trentième anniversaire du génocide des tutsis au Rwanda (800 000 à un million de morts), le Président de la République allait s’exprimer dans une vidéo pour dire que « la communauté internationale avait les moyens de savoir et d’agir » et que « la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté. » Mais dans la vidéo diffusée ce dimanche 7 avril à Kigali, le Président de la République n’a en aucune manière confirmé, ni démenti ces propos…
Cette communication hasardeuse, ainsi que l’absence de démenti clair, sont de nature à créer de la confusion sur la position d’Emmanuel Macron et l’action de la France à l’époque ! Alors voici quelques éléments d’éclaircissements fournit par Bernard Lugan, spécialiste incontestable, qui rappelle surtout la responsabilité des forces britanniques, canadiennes et Yankee pourtant mandatées par les Nations-Unies.
Monsieur le président Macron, en avril 1994, c’était aux 2539 soldats de l’ONU commandés par général canadien Roméo Dallaire de s’opposer au génocide…Non aux forces françaises qui avaient quitté le Rwanda depuis le mois d’octobre 1993…
La seule question qui se pose est en effet celle de la responsabilité de l’ONU. Pourquoi le général Roméo Dallaire qui avait tous les moyens de le faire, ne fit-il rien de sérieux pour empêcher le génocide ?
Devant le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), loin du héros médiatique, « capitaine courageux » face à l’indicible génocidaire, c’est tout au contraire le portrait d’un homme désemparé qui est ressorti des longues audiences. Ses fautes de commandement, ses atermoiements, ses hésitations, son absence de décision sur le terrain ainsi que ses initiatives politiques aberrantes, et parfois même incohérentes, prises en violation de la chaîne de commandement de l’ONU, font que nous sommes désormais devant l’alternative suivante :
– Soit le général Dallaire commandant des Forces de la Mission d’assistance des Nations Unies au Rwanda fut dépassé par les évènements.
– Soit, comme l’a écrit son supérieur, M. Booh-Booh[1], il avait reçu pour ordre de faire gagner le général Kagamé et le FPR[2].
En application des accords de paix d’Arusha, l’ONU devait en effet garantir la Transition démocratique. La Résolution 872 (1993) du Conseil de Sécurité du 5 octobre 1993 porta ainsi création de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).
Le chef de cette mission était M. Jacques Roger Booh-Booh, nommé Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Rwanda. Il avait sous ses ordres le général canadien Roméo Dallaire qui était le chef militaire de la mission. Or, ce dernier était un officier qui n’avait aucune expérience du commandement opérationnel. De plus, il ne connaissait rien de l’Afrique.
Après l’attentat du 6 avril 1994, le général Dallaire ne fit rien pour s’opposer à la reprise des hostilités par les forces du général Kagame.
Alors qu’il se devait de sécuriser au moyen de ses 2539 hommes et de ses blindés, l’axe menant du centre-ville de Kigali à l’aéroport, au lieu de montrer sa force, il la replia tout au contraire dès la nuit du 6 au 7 avril, en commençant par abandonner cet axe vital pourtant sous sa garde et que le FPR coupa…
Plus largement, dès la reprise des hostilités, le général Dallaire aurait dû imposer un couvre-feu et déclarer qu’il ferait tirer sur quiconque le violerait. Le général Kagamé aurait alors hésité à lancer son offensive. Avec la compagnie para-commando belge, il disposait d’une excellente unité qui pouvait sans problèmes majeurs remplir une telle mission. Il lui aurait également fallu, avec ses blindés, occuper en ville les points stratégiques dont la tenue aurait freiné l’extension des massacres et des débordements, ce qu’il n’a pas davantage fait.
Le 7 avril, quand le FPR eut unilatéralement rouvert les hostilités, le général Dallaire ne condamna pas cette violation gravissime des accords d’Arusha. Encore plus insolite, au lieu d’agir sur la partie qui avait déclenché la reprise de la guerre, il somma au contraire les forces gouvernementales de rester dans le cadre des Accords d’Arusha, leur interdisant de fait de simplement se défendre.
Les manquements du général Dallaire qui présida au plus grand échec militaire de l’ONU depuis sa création sont à ce point nombreux qu’il est licite de demander si une telle incompétence est concevable chez un officier général, ou si l’explication de tels errements ne se trouve pas dans l’hypothèse de M. Booh-Booh, à savoir la « connivence » avec le général Kagamé.
Ce général canadien aurait-il donc été nommé à la tête de la MINUAR afin de permettre la réalisation du plan américain visant à évincer la France du Rwanda puis du Zaïre, et pouvoir faire main basse sur les richesses du Kivu ?
Page 123 de son livre qui a pour sous-titre éloquent « Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda », J.R. Booh-Booh qui était donc le supérieur hiérarchique de Roméo Dallaire écrit ainsi sans détours que :
« Dallaire n’était pas neutre : il était plutôt de connivence avec le FPR. Voilà la clé qui permet de comprendre cette situation ».
Tant que François Mitterrand eut la capacité de gouverner, ce plan anglo-saxon fut mis en échec. Mais, après les élections législatives de 1993, et la « cohabitation » qui s’en suivit, le suivisme atlantiste des dirigeants français fit que tout fut bouleversé.
Ces évènements provoquèrent même une totale redistribution des cartes en Afrique centrale au profit du Rwanda, principal allié de Washington qui reçut un blanc-seing pour mettre l’est de la RDC (l’ex-Zaïre), à savoir le Kivu, en coupe réglée.
Monsieur le président Macron étiez-vous informé de cela, avant de faire porter la responsabilité des évènements sur votre propre pays et sur son armée… ?
On lira également le communiqué de l’Institut François Mitterrand et celui du général Lafourcade, pour compléter cette remise des pendules d’Emmanuel Macron à l’heure.
Une fois de plus, l’irresponsabilité des positions et de la communication d’Emmanuel Macron, sur les affaires africaines et notre présence, conduisent à dynamiter la réputation de la France. Pas étonnant que nous soyons éjectés de nos positions historiques en Afrique une à une…
Notes :
[1] Booh-Booh, P-R., (2005) Le patron de Dallaire parle. Révélations sur les dérives d’un général de l’ONU au Rwanda. Paris.
[2] Pour tous les détails concernant l’attitude et les responsabilités du général Dallaire, on se reportera au chapitre VIII de mon livre « Rwanda, un génocide en question »
LORSQU’ON CONNAIT LE PARCOURS EXEMPLAIRE DE BERNARD LUGAN, A LA FOIS HOMME D’ACTION COURAGEUX ET BRILLANT INTELLECTUEL, AYANT ACQUIS SUR LE TERRAIN UNE CONNAISSANCE DE CE QU’IL NOMME A JUSTE RAISON « L’AFRIQUE REELLE », ON NE PEUT QUE PRENDRE SES ANALYSES AU SERIEUX. QUEL DOMMAGE QU’IL NE SOIT PAS AUX RESPONSABILITES… PAR EXEMPLE AU QUAI D’ORSAY AUQUEL IL SERAIT A MEME DE RESTITUER SON PRESTIGE !