Les factions palestiniennes, divisées depuis plus de 15 ans, ont signé jeudi 13 octobre à Alger un accord de réconciliation, s’engageant à de nouvelles élections législatives et présidentielle d’ici à un an en Palestine occupée. Dans la foulée, le Hamas a réchauffé ses relations avec l’Iran et la Syrie de Bachar el-Assad qui est un soutien du Fatah et de la résistance à l’Entité sioniste. Pendant ce temps, sur le terrain, de jeunes palestiniens ont formé une nouvelle brigade déterminée à libérer leur terre : la Tanière aux lions.
L’accord a réuni près de 14 organisations dont les 2 principales :
- le Hamas, mouvement de résistance musulman sunnite qui est classé comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, Il a été créé en 1987 après le début de la première intifada. Il est présidée par Ismaïl Haniyeh et possède deux branches : l’une armée, les brigades Izzal-Din al-Qassam, et l’autre politique.
- et le Fatah, parti politique nationaliste laïc, fondé par Yasser Arafat en 1959 qui est le plus important de l’Organisation de libération de la Palestine et qui dirige l’Autorité palestinienne.
La Déclaration d’Alger
Les factions palestiniennes, réunis sous les auspices de l’Algérie, sont tombés d’accord sur un document baptisé « Déclaration d’Alger » :
« Nous nous sommes entendus pour tenir des élections du conseil législatif, de la présidence et du Conseil national palestinien d’ici à un an. Les discussions étaient positives et nous remercions l’Algérie », a déclaré Hossam Badran, haut responsable du bureau politique du Hamas.
« Nous sommes satisfaits des résultats. Le dialogue interpalestinien était positif et serein », a assuré le chef du Hamas Ismaël Haniyeh.
« Les Palestiniens étaient divisés depuis plus de 15 ans, ce qui a affaibli énormément notre cause », a abondé Azzam el-Ahmad, chef de la délégation du Fatah.
Au total, ce sont donc 14 factions palestiniennes qui ont participé à cette rencontre intervenue peu avant un sommet de la Ligue arabe prévu à Alger les 1er et 2 novembre.
Les dernières législatives palestiniennes, en 2006, avaient conduit à une victoire du Hamas, qui n’avait été reconnue ni par le Fatah ni par la communauté internationale. Quelques mois plus tard, des affrontements sanglants avaient opposé les deux camps, débouchant sur la naissance de deux systèmes politiques séparés.
L’Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas et contrôlée par le Fatah, gère la Cisjordanie et Jérusalem-Est occupée par Israël où vivent 2,8 millions de Palestiniens. L’enclave palestinienne de Gaza, mince bande de terre de deux millions d’habitants sous blocus israélien, est dirigée par le Hamas.
Les premières élections – législatives et présidentielle – en quinze ans, ensuite programmées pour les 22 mai et 31 juillet 2021, avaient été reportées sine die.
Le président algérien Tebboune a lancé fin 2021 une initiative pour réconcilier le Fatah et le Hamas, et est parvenu début juillet à réunir à Alger le président palestinien Abbas et Ismaïl Haniyeh, une rencontre dépeinte comme « historique ».
Le rapprochement de la résistance palestinienne avec la Syrie et l’Iran
Dans la foulée, le président syrien a reçu le19 octobre une délégation du Hamas, une réunion « historique » après les dissensions consécutives au différend après le début de la répression des groupes rebelles syriens à partir de 2011 qui tentaient d’abattre le gouvernement de Bachal el-Assad. La Syrie avait alors reproché au Hamas de soutenir les rebelles syriens poussant au départ de l’organisation vers le Qatar. Mais désormais l’organisation devrait rouvrir un bureau de représentation à Damas.
«C’est un jour de gloire, un jour important, au cours duquel nous rétablissons notre présence en Syrie et reprenons le travail conjoint» avec Damas, a déclaré le 19 octobre Khalil Hayya, chef du bureau des relations arabes et islamiques du Hamas. Khalil Hayya a été reçu par le président syrien Bachar el-Assad dans le cadre d’une délégation de formations palestiniennes. «Cette rencontre est historique. Elle constitue un nouveau départ pour l’action palestino-syrienne», a affirmé le responsable du mouvement islamiste gazaoui lors d’une conférence de presse.
Dans un communiqué rapportant la rencontre avec les organisations palestiniennes, la présidence syrienne a affirmé qu’«en dépit de la guerre menée contre la Syrie, cette dernière n’a jamais changé ses positions soutenant la résistance» face à Israël.
De son côté, le Fatah a déjà opéré depuis 2015, un rapprochement avec Bachar el-Assad en partie lié à l’intervention militaire russe en Syrie, étant donné les relations privilégiées entre la Russie et l’autorité palestinienne, d’un côté, et le fait que la Russie soit venue au soutien du président syrien, de l’autre.
Cette décision de renouer officiellement avec Damas, et la réconciliation intra-palestinienne, s’inscrivent également dans une volonté de changer de paradigme et d’éviter l’isolement géopolitique de la résistance. C’est une réponse au récent rapprochement entre les pays du Golfe et Israël, et à la réconciliation entre la Turquie et l’Etat hébreu en août dernier.
Ce rapprochement a même été prévu de longue date. Plusieurs officiels du Hamas ont fait le déplacement à Beyrouth pour rencontrer les cadres du Hezbollah. Le secrétaire général du parti libanais Hassan Nasrallah avait par ailleurs rencontré le chef du bureau politique du mouvement palestinien, Ismail Haniyeh, en juin dernier. Fidèle allié de Damas, le parti chiite libanais et l’Iran ont milité pour un réchauffement des relations, permettant à Téhéran de renforcer sa position régionale opposée aux intérêts israéliens et américains.
Sur le terrain : la Tanière aux lions
Sur le terrain, en Palestine occupée, on peut observer aujourd’hui que des combattants, affiliés au Fateh, au Jihad islamique ou au Hamas, ont formé un regroupement au sein d’une même plate-forme : la « Tanière aux lions » pour lutter contre l’occupation israélienne et la brutalité des colons qui ont envahi les Palestiniens dans les villes de la Cisjordanie et les rues de Jérusalem. Cette nouvelle brigade qui donne du fil à retordre à l’armée de l’État hébreu est basée à Naplouse.
La Tanière des Lions n’est cependant pas un cas isolé, elle fait partie d’un phénomène plus large qui comprend les Brigades de Naplouse, les Brigades de Jénine et d’autres groupes, situés pour la plupart dans le nord de la Cisjordanie.
Ce groupe, ainsi que d’autres unités militaires palestiniennes armées, réagit du tac au tac au meurtre de Palestiniens, notamment d’enfants, de personnes âgées, de soignants ou journalistes. Depuis le début de l’année 2022 en cours, l’occupant a perpétré plus de 10 assassinats de résistants palestiniens à Jénine et Naplouse, dont les plus importants étaient Ibrahim al-Nabulsi, Muhammad al-Azizi, Abd al-Rahman Sobh et un certain nombre d’autres combattants.
En réponse, les Palestiniens ont notamment exécuté deux soldats israéliens, l’un à Shuafat le 8 octobre et l’autre près de Naplouse le 11 octobre. À la suite de l’attaque de Shuafat, Israël a complètement bouclé le camp de réfugiés de Shuafat, forme de punition collective, similaire aux récents sièges de Jénine et d’autres villes palestiniennes.
C’est le fruit d’une Cisjordanie qui est en train de changer, d’une nouvelle génération qui n’a que peu ou pas de souvenirs de la seconde Intifada (2000-2005). Elle n’avait pas connu l’invasion israélienne à l’époque, mais elle a grandi sous l’occupation et l’apartheid, en se nourrissant des souvenirs de la résistance à Jénine, Naplouse et Hébron.
« L’axe de la résistance » (à l’entité sioniste au Proche-Orient) et le « front du refus » (de la normalisation des relations avec l’occupant de la Palestine), se renforcent à l’intérieur comme à l’international. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’Entité sioniste et le protecteur américain auquel elle est adossée.
Souhaitons leur bonne chance. Sur la photo, ils sont une petite quarantaine. Espérons qu’il y ades réserves derrière.