Les sanctions américaines contre l’Iran n’étonnent guère, car elles sont exigées, comme on sait, pour affaiblir son soutien de la Syrie-Palestine et répandre l’influence israélienne qu’augmente le fractionnement des tribus arabes et des Etats bâtis par le nationalisme, au seul profit de l’Etat qui ne groupe pas, dira-t-on avec raison, tout les ayant-droits potentiels d’un quelconque judaïsme antique reconstitué, mais indique son influence ou persistance , est devenu son bras armé par sa colonie U.S. Les Etats-Unis rongés par la crise sont en effet sous pression financière, et il ne sert de rien d’attribuer au caractère d’un Trump ou d’un chef nominal de l’exécutif le fait de se plier aux exigences d’un pareil Etat ! Sa défaite en Syrie marquée par la perte de contrôle par Daesch, son instrument, de la plupart des territoires conquis par la terreur, explique sa rage, et c’est en effet une sorte de bombardement massif causant une catastrophe financière et une paupérisation des classes moyennes, avec une souffrance des gens démunis, que subit, par vengeance, l’Iran.
En 1914 et en 1939 ce pays avait déclaré sa neutralité germanophile, ce qui lui valut deux occupations successives anglo-russes, les forces britanniques employant des troupes indiennes et « birmanes » pour réduire un pays à la famine : ce fait est peu connu en Occident, et aussi jamais rappelée l’alliance entre Churchill et Staline pour monter, fin août 1941, une coalition anglo-bolcheviste afin de détrôner le fondateur et restaurateur moderne, sous l’influence de la célébration du millénaire de l’auteur légendaire de l’épopée nationale du « livre des rois » (Châh Nameh), du nom d’Iran, Reza Châh : ce dernier se vit imposer par le clergé soucieux de sacré, de devenir roi et non président d’une république, comme il l’eût souhaité, sur le modèle turc. Après une alliance militaire avec la France, cette dernière versant dans la boue du Front Populaire, et l’Angleterre étant toujours dominatrice, le chef de l’Etat se tourna vers l’Allemagne toujours populaire ,et le triomphe de cette coopération fut, à la veille de la guerre, le premier ouvrage considérable auto-financé de l’Iran, le chemin de fer Sud-Nord dit le transiranien qui avait reçu une aide soviétique en fournitures de ciment. L’Allemagne avait livré des dizaines de locomotives, des rails, des wagons, ingénieurs.
Cette indépendance fortifiée par la coopération européenne continentale était insupportable et à l’impérialisme britannique et au communisme soviétique ne pouvant tolérer une révolution par le haut, tout comme elle avait eu lieu en Allemagne impériale, à la fin des années 80 de l’autre siècle, par la première législation sociale contre les accidents, bref ce qu’un ancien combattant breton nous confiait : au printemps 1941, venu comme travailleur volontaire à Berlin, de s’entendre dire par son médecin consulté pour un accident de travail, que le pays célébrait le cinquantenaire de sa sécurité sociale ! L’Allemagne était crédible et forte parce qu’elle avait des ressources humaines qui accroissaient les effets de sa technique ! C’est justement ce type d’enseignement qui se répandit en Iran, et un autre exemple serait à citer, celui dû à la coopération germano-italienne, de l’industrialisation et donc production en série du tapis !
L’invasion anglo-soviétique du 25 août 1941
Le Chah d’Iran, peu avant l’entrée des troupes soviétiques à Téhéran, en septembre 1941, fit introniser son fils par l’Assemblée nationale, puis informa les vainqueurs qui avaient ainsi violé le droit international protégeant la déclaration de neutralité de l’Iran, en faisant expulser tous les coopérants des pays de l’Axe européen, de sa volonté de s’exiler en Argentine. Mais le pays de Churchill et de Eden, lui ôtant sa liberté, le plaça en résidence surveillée à Johannesburg : il y mourut, à la fin de la guerre, non sans avoir enregistré sur disques sa voix recommandant à son héritier de se méfier de l’Angleterre !
L’on sait la suite, et peut-être devrait-on insister sur les premières relations communes franco-allemandes avec l’Iran marquées par la visite de De Gaulle et ensuite de Pompidou (lequel visitera l’Afghanistan, pays où, rappelons cette confidence reçue par l’auteur de ces lignes du général Remer en personne, que ce dernier y avait avec son épouse vécu après guerre comme conseiller militaire : le général le dit pour expliquer la présence à ses pieds d’un couple de lévriers afghans, cadeau royal à lui et à sa femme). Ce dernier fait de coopération militaire germano-afghan, n’est point généralement mentionné, mais celui qui avait fait échouer le complot du 20 juillet 1944, l’a bien dit ! Sa voix résonne encore aux oreilles de l’auteur. Fiez-vous ensuite à la manière dont on écrit l’histoire remplie de mensonges par omission !
Cette alliance germano-iranienne, qui commença par la visite en 1873 de Nasredine Châh à Berlin, reçu par le Chancelier Bismarck (lequel décida d’ouvrir à Strasbourg une chaire de persan), est donc à la base de la formation technologique de l’Iran, et si un détail prend son sens, c’est le fait que dans la conférence de la Jamaïque où les pays occidentaux décidèrent d’abandonner à son sort le fils de Reza Châh, un seul pays s’opposa à cette immixtion dans les affaires intérieures, l’Allemagne en la personne de l’ancien pilote de chasse de la Luftwaffe, le Chancelier Helmut Schmidt.
Il ne s’agit pas de se mêler des affaires de ce grand pays d’Asie, et un dicton français du XVIIIe siècle philosophique veut avec raison que l’on ne s’occupe point de deux choses, dans un pays étranger, de la Religion et de la forme de gouvernement ! Elles n’ont de sens que pour les indigènes et toute critique devient vite superflue et insolente ou vaine. Citons cependant cette réflexion du Père de la dernière révolution qui donne une idée plus nuancée que celle reçue dans notre pays passé de l’intransigeance religieuse à des mœurs libertines imposées administrativement, l’administration étant selon un bon mot du comte Gobineau, une forme de révolution. « Ce monde est la demeure du devoir et la terre à cultiver pour l’au-delà. C’est un lieu de commerce et de profit, tandis que l’au-delà est la demeure de la récompense et de la punition, de la bonté et de la condamnation. » (« Les épreuves et les souffrances du croyant », in Imam Khomeyni, Quarante Hadiths, septembre 2009, édition Zamarat, 758pp.p.286.)
Tout la question morale se résume donc à la formule bien connue de l’accomplissement du devoir, au « tu dois donc tu peux » que justement la philosophie pratique allemande a popularisée au XIXe siècle. Il n’en saurait avoir d’autre.
Est-ce que cette description du monde d’ici-bas, comme lieu du commerce et du profit ne peut se déformer en égoïsme opposé au patriotisme ? L’auteur de ces lignes a ainsi entendu un orateur sacré de la grande prière du Vendredi demander avec le bon sens philosophique d’un Voltaire enquêteur, comment il avait été possible qu’un banquier exfiltre d’Iran au Canada trois milliards cinq cent millions de dollars sans complicité ? La télévision montrait aussi une trentaine d’hommes passant au tribunal pour avoir détourné cinq cent millions de dollars, cependant que cinq banquiers auteurs de ce crime économique et financier avaient pu s’échapper.
Il coûte de rapporter la situation dramatique du pays étranglé par l’étranger et qu’une certaine stupeur, ou selon le propos d’un ami, incurie ou manque d’énergie empêche d’affronter ! C’est le cas de reprendre ce vers de Boileau, « la critique est aisée, mais l’art est difficile ».Tout cela revient à cette vérité que les peuples européens comprirent un temps, avant l’effondrement du continent partant à la dérive, qu’un chef est plus important qu’une idée, tout comme une princesse réveillée par un prince charmant, quoique aussi belle endormie, est bien plus aimable. L’idée sans chef est un concept vide, un chef sans idée est un concept aveugle.
Un conservatisme social nécessaire et vital.
Dans un rapport qui mériterait d’être popularisé, et fut présenté au milieu du XIXe siècle à l’Institut des Sciences Morales et Politiques, le comte Gobineau, ami de l’Iran, et des plus dévoués, qui traduisit en persan le Discours de la Méthode de Descartes, et portant sur l’état présent politique et moral de la Perse, relève qu’autant les soins particuliers portés à la famille y sont admirables, autant le sens général patriotique fait défaut, au profit des étrangers. Il s’agit de la distinction du bien propre et du bien commun, familière à Platon et Aristote, et commentée par Avicenne, l’astre iranien de la métaphysique et des sciences naturelles, et sans lequel l’Etat manque d’ailes et ne peut prendre la forme d’aigle que lui attribuèrent Romains, Parthes dans l’antiquité, et Germains à l’âge des temps modernes.
Les conservateurs insistent que la politique doit être soutenue par la multitude pauvre, et que les riches doivent aider les plus démunis car leur destin est commun. C’est le nombre qui fait la base solide de la patrie et d’où la race sélectionne les meilleurs talents. Ainsi se renouvelle le lot des meilleurs ou l’aristocratie. L’illustre Ahmadinejad qui le dit est écarté, comme tous ceux qui lui ressemblent, et une autre partie de la jeunesse dorée, une fois obtenue ses diplômes, rêve d’être reçue sujets de Sa Majesté, bref d’honorer le club de Churchill qui causait hier la famine et aujourd’hui se réjouit des misères de ceux qui furent notre souche, sur les plateaux d’Asie et dont la langue porte nos racines.
Pierre Dortiguier