La destruction de la culture nationale
Le concept de culture est maintenant, pour ainsi dire, énucléé, son noyau national est, en effet, rejeté, pour composer une espèce de salade attrayante, mais le fruit est mort, et n’est que consommé ; il ne repoussera point. On veut nous faire partager entre peuples ce qui n’appartient plus à une individualité, formée avec le temps qui a trié le meilleur pour rapprocher l’homme de son modèle de perfection, que la religion nomme adamique. C’est en ce sens que Baudelaire voulait que le poète efface le péché originel, et il y a en effet une régénération par la culture, qui est une étincelle divine. Ceci est combattu par le slogan de la diversité ou addition des différences par le bas, qui les réunissent dans une égalité devenue l’obsession des esprits forts et la cause de l’affaiblissement de l’énergie des peuples. Une liberté associée à une égalité est le seuil de la tyrannie, et il y a longtemps que nous avons franchi la porte de la demeure ou ménagerie égalitaire ou communiste.
Ces considérations sont pour amener le lecteur à remonter le temps, et entendre mon regretté maître de français, du lycée Henri IV, dont le nom fut célèbre et qui fut promptement effacé par la subversion révolutionnaire post soixante-huitarde ou révolution de couleur parisienne ! Ce Laurent Michard, qu’on surnommait « la miche », a, avec son camarade d’études de Toulouse, composé des manuels de littérature trop connus pour qu’on en refasse l’éloge ! Je cite souvent ma dernière rencontre, et le refais pour les lecteurs, surtout les plus jeunes qui sont les graines de la victoire, de l’Œuvre Française. Devant la statue de saint Michel terrassant le dragon, devant les quais de la Seine, nous nous revoyions ainsi après dix ans : « J’ai été, vous le savez, après vous avoir quitté, inspecteur général de l’enseignement, à la vue des instructions ministérielles et des comités pédagogiques, j’ai compris que tout était fait pour que n’existe plus la culture que vous avez reçue. Ce n’est plus la peine d’aller enseigner, conclut-il, il n’y a plus d’enseignement. »
Un de ses collègues, qui fut un ami, Henri Dreyfuss Le-Foyer médecin et notre professeur de philosophie à Louis le Grand et à Henri IV où je l’accompagnais, disait de Mitterrand qui devait trôner une dizaine d’années plus tard, et dont l’avènement fut marqué par un orage parisien qui eût été pour les vieux Romains de nos livres humanistes un signe de la colère de Jupiter et des dieux olympiens, que son pouvoir marquait la fin de la culture. Celle-ci est un obstacle à la tyrannie mondiale qui se prépare, dans l’apparence du chaos, mais avec une volonté et une mobilisation bien marquée des élites, nouveaux commissaires politiques d’une plus grande Soviétie.
La culture est nationale, car elle est une volonté et une finitude -une acceptation de soi et donc de sa limite ; et quand cette dernière est sentie et bien formée, elle touche à la beauté, et sans celle-ci point de base matérielle à la moralité qui est la reconnaissance de cette dominance, comme le définissait l’Athénien Aristoclès dit Platon -je me conforme au savoir académique !- « au-delà de l’être, toute majesté et toute puissance. » Définition du Bien. Tout ceci n’est écrit que pour aider à voir le désordre en face !
Prenez un pays de forte volonté et qui a le sentiment de sa finitude, en Asie : le Japon. Son équipage a beau faire des courbettes au Neptune qui l’a atomisé, la coque du bâtiment est solide. C’est une œuvre nationale continuée, car la culture est restée, sous l’écorce pourrie, intacte. Que l’Œuvre Française garde cette étincelle !
Pierre Dortiguier