Les États-Unis ont accéléré la mise en service d’une version plus précise de leur bombe nucléaire principale sur les bases de l’OTAN en Europe, selon Politico. Des bombes tactiques B61-12 améliorées seront livrées dans les bases européennes de l’OTAN plus tôt que prévu.
L’arrivée de la bombe à gravité améliorée B61-12, initialement prévue pour le printemps prochain, est désormais prévue pour décembre prochain, ont déclaré des responsables américains aux alliés de l’OTAN lors d’une réunion à huis clos à Bruxelles. Il s’agit de remplacer les anciennes armes par la version la plus récente dans diverses installations de stockage en Europe pour une utilisation potentielle par les bombardiers et les avions de combat américains et alliés :
« Bien que nous n’allions pas discuter des détails de notre arsenal nucléaire, la modernisation des armes nucléaires américaines B61 est en cours depuis des années et prévoit de remplacer en toute sécurité et de manière responsable les anciennes armes par le B61-12 amélioré. » (Général Patrick Ryder)
Le B61 est une famille de bombes nucléaires développée pour la première fois au début des années 1960 et initialement testée lors d’essais nucléaires souterrains au Nevada. Une douzaine de versions ont été développées au fil des décennies et la plupart d’entre elles ont depuis été retirées.
Le programme de prolongation de la durée de vie du B61-12 de 10 milliards de dollars est géré par le ministère de l’Énergie et est destiné à remplacer les versions antérieures des bombes au nombre de 100 environ stockées dans des bases aériennes en Allemagne, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas et en Turquie.
La nouvelle version est également conçue pour que les bombardiers et les avions de combat américains et alliés – y compris les bombardiers B-2 et B-21 et les avions de chasse F-15, F-16, F-35 et Tornado – soient tous capables de transporter l’arme, contrairement aux nombreuses versions plus anciennes du B61.
Cette accélération de la date d’arrivée a surpris certains observateurs qui craignent qu’elle n’attise davantage une situation déjà dangereuse en Europe. L’annonce lors de la réunion de Bruxelles est intervenue quelques jours avant que l’OTAN ne lance son exercice nucléaire annuel, connu sous le nom de Steadfast Noon, mettant en scène quelques 70 avions.
La doctrine stratégique américaine « d’ambiguïté calculée »
L’objectif affirmé est toujours le même : répondre à la prétendue « menace nucléaire brandie par Moscou » et dissuader un Poutine qui serait prêt à « passer à l’acte » en Ukraine.
En pratique, le message qui sous-tend l’envoi des premières bombes en décembre s’adresse peut-être davantage aux alliés européens qui se sentent particulièrement vulnérables à Moscou. Des observateurs précisent qu’il y a déjà des B61 [plus anciens] en Europe et que les Russes le savent. Ils fonctionnent très bien. Les nouveaux seront plus récents, mais ça n’est pas vraiment une grande différence.
D’autant que Poutine, lui, n’a jamais utilisé d’armes nucléaires, ni d’ailleurs non plus jamais menacé d’utiliser des armes nucléaires en Ukraine. Le chef du Kremlin a systématiquement et simplement affirmé la doctrine russe selon laquelle la Russie aurait recours à « tous les systèmes d’armes à sa disposition » si « l’intégrité territoriale de son pays était menacée ». (politique de « transparence » pour convaincre l’ennemi de la puissance nucléaire dont on dispose). Par ailleurs, la Russie affirme s’en tenir à une politique de « non-utilisation en premier » en ce qui concerne le recours aux armes nucléaires, contrairement aux Etats-Unis.
S’exprimant hier au forum de Valdaï, Vladimir Poutine a réitéré encore une fois la position russe sur l’accusation qui lui est faîte de vouloir recourir à l’arme nucléaire en Ukraine :
« Nous n’avons pas besoin de faire cela, cela ne sert à rien – ni sur le plan politique, ni sur le plan militaire. Ils [l’Occident] recherchent une sorte d’incident nucléaire pour blâmer la Russie (…) L’objectif de l’agitation d’aujourd’hui autour des menaces nucléaires est très primitif… Ils [l’Occident] recherchent des arguments supplémentaires pour affronter la Russie. »
Le président américain Biden s’est, lui, éloigné cette année d’une telle politique qui n’autorise les frappes nucléaires que comme réponse à une première frappe nucléaire ennemie. Le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, avait par exemple déclaré il y a peu de temps aux alliés de l’OTAN à Bruxelles que la révision tant attendue de la position nucléaire de l’administration maintiendrait la politique déclaratoire nucléaire de Washington « d’ambiguïté calculée » (politique « d’ambiguïté » qui consiste à maintenir un doute sur les cas d’emploi de l’arme atomique pour que l’ennemi ne soit pas en mesure de connaître précisément les conséquences de ses agissements).
Et Washington a publié ce jour, 28 octobre, le document mise à jour de la Stratégie de Défense nationale (NDS) dans lequel il est affirmé que les États-Unis se réserve le droit de répondre de façon préemptive à des menaces conventionnelles avec l’arme atomique. Contre qui ? La Chine est «le seul concurrent qui ait à la fois l’intention de remodeler l’ordre international et, de plus en plus, le pouvoir de le faire», la Russie ne représentant qu’une «menace aiguë» selon ce document. «Des capacités non nucléaires développées par des concurrents pourraient infliger des dommages de niveau stratégique aux Etats-Unis et à leurs alliés et partenaires», note le Pentagone, admettant en filigrane la suprématie des armes non nucléaires russes (hypersoniques), et bientôt chinoises.
C’est donc un changement par rapport aux commentaires du président Joe Biden lors de la campagne présidentielle de 2020, dans lesquels il affirmait à l’époque qu’il modifierait la politique américaine pour que le seul but des armes atomiques soit de dissuader une attaque nucléaire contre l’Amérique ou ses alliés…
La guerre en Ukraine est de nature existentielle pour les États-Unis
Sans surprise, le narratif de la prétendue menace nucléaire russe sert bien un objectif précis : Washington et son proxy Bruxelles ne voient aucun inconvénient à transformer l’Europe en théâtre de conflit nucléaire, si nécessaire, pour affaiblir voir annihiler la remontée en puissance de la Fédération de Russie. Et cela, quand bien même l’Union soviétique, institutionnelle et prosélyte (à ne pas confondre avec l’idéologie communiste), n’existe plus depuis plus de 30 ans, ni le Pacte de Varsovie qui réunissait 8 pays d’Europe (URSS, Albanie, RDA, Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie) dont 7 sont maintenant membres de l’OTAN !
Les propos hallucinants du chef d’état-major US en fonction aux États-Unis actuellement, le général Mark Miley, qui sont quasiment des aveux d’entrée en guerre, le corroborent :
« Si l’Ukraine tombe, le système international qui a été créé 80 ans avant et après la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’effondrera. Ce combat n’est pas seulement dans l’intérêt de l’Ukraine, il est d’intérêt global de protéger l’ordre mondial fondé sur les règles [comprendre : « sur nos règles »] » (Mark Miley, 12 octobre 2022)
Le chef d’état-major américain en poste reconnait publiquement que la guerre en Ukraine est de nature existentielle pour les États-Unis et le système mondialisé qu’ils ont conçu pour conserver leur hégémonie !
Au passage, on peut observer la schizophrénie – ou la panique ? – des mondialistes occidentaux aujourd’hui, en contradiction avec les ambitions des mêmes depuis les années 90.
À partir de la chute de l’Union soviétique en 1991, ils ont lancé un processus d’agrégation et d’intégration de la Russie (mais aussi de la Chine, de l’Inde…) au système économique et financier mondialisé qu’ils ont conçu et patiemment construit. Ils espéraient alors, peut-être naïvement, que l’adoption par ces pays du modèle économique libéral mondialisé les conduiraient aussi au renoncement à leurs particularismes culturels, civilisationnels et à leurs souverainetés. La Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil… ont été admis dans toutes leurs organisations internationales (l’OMC, le G8, le G20, le FMI, l’OMS, l’UNESCO, la Banque mondiale…) et le deal était à peu près le suivant : ces pays émergents entraient dans le système mondialiste, vendaient à l’Occident leurs matières premières, devenaient les « usines du monde » et ouvraient en contrepartie leurs marchés et leurs services publics aux grandes multinationales occidentales (eau, assainissement, électricité, transports, produits de luxe et plus généralement à haute valeur ajoutée).
Et depuis le 24 février 2022, que voit-on ? Les mêmes tentent frénétiquement de dresser de nouveaux murs entre eux (l’Occident d’un côté), et ceux d’en face (Russie et Chine entre autres), en sabrant à grands coups de diplomatie punitive et de sanctions dans les mailles de leur système économique et financier global. Par exemple en débranchant la Russie du système bancaire de paiement dématérialisé (SWIFT), par exemple en contraignant les entreprises européennes à quitter brutalement le marché Russe avec de lourdes pertes, à se passer des matières premières ou énergétiques pourtant vitales pour l’industrie européenne (et non substituables rapidement), en sanctionnant les entreprises qui commerceraient encore avec la Russie, etc… Et la montée des tensions américano-chinoises autour de Taïwan semble les conduire dans la même direction.
C’est la faillite apparente de la mondialisation. Mais en réalité, tout n’est pas perdu pour tout le monde : les seuls réels dindons de la farce sont les Européens que les sanctions atteignent beaucoup plus durement que la Russie, permettant au États-Unis de s’y substituer comme fournisseurs sur un certain nombre de marchés vitaux…
Fermons la parenthèse et revenons au chef d’état-major US. Déjà, il y a 6 ans, l’arrogance du même Miley cachait mal son courroux, furieux qu’il était de l’intervention russe en Syrie fin 2015, qui a fait dérailler le plan de mise à bas du régime de Bachar el-Assad :
« Voilà votre armée : 187 000 soldats, actuellement déployés dans 140 pays. La volonté stratégique de notre nation, les États-Unis, est remise en cause et nos alliances sont testées.
Mais l’armée des États-Unis est la force de combat décisive de l’Amérique. Et quand la direction politique des États-Unis décide de déployer son armée, quand nous arrivons sur votre pelouse, vous comprenez que le jeu est réel et vous soupesez pour de bon les enjeux. Et l’autre chose que vous comprenez, c’est que vous allez perdre ; vous perdrez face à l’armée américaine, ne faites aucune erreur à ce sujet !
La guerre entre grands États est pratiquement certaine, elle sera hautement mortelle. Nous possédons et nous conserverons à l’avenir, la capacité de nous déployer rapidement et nous détruirons n’importe quel ennemi, n’importe où, n’importe quand. »
Une Europe affranchie dans un monde multipolaire
Les élites américaines refusent d’accepter un système de relations internationales multipolaire tel que souhaité par Vladimir Poutine. Mais ce dernier n’est pas le seul à le vouloir : les candidatures récentes de l’Iran, de l’Argentine mais aussi de l’Indonésie, de l’Algérie, du Mexique pour adhésion au groupe des BRICS, le démontrent ! Et de même le démontre l’attitude de nombreux autres pays dans le monde qui, sans se déclarer alliés ni même approuver l’opération russe, refusent par principe de participer à une condamnation unanime de la Russie et aux sanctions qui leurs seraient dictées par les Occidentaux contre leurs propres intérêts et souverainetés.
Dans ce jeu, il est bien évident que la France et l’Europe ont tout intérêt à l’émergence d’un nouveau système de relations internationales. Une redistribution des cartes qui leur donnerait l’occasion de s’affranchir de la tutelle atlantiste – servie par une trahison des élites européistes américanisées – une soumission qui s’apparente depuis trop longtemps à un système de prédation économique, financier, et de laminage identitaire et culturel de notre civilisation.
L’Ancien Monde européen, qui a fait la preuve depuis le début de l’histoire de l’humanité de sa force, servie par le génie de ses peuples, pourrait y jouer sa carte et y faire entendre sa voix indépendante au service des intérêts propres et dans le respect des souverainetés et traditions des pays qui le composent.
Mais de leur côté les élites néo-conservatrices américaines et les oligarchies d’Europe américanisées ne veulent pas voir « l’ordre mondial » leur échapper. Elles veulent leur superpuissance unique et diriger cet ordre mondial comme l’a annoncé Joe Biden devant les dirigeants de General Motors, Apple, Amazon, JP Morgan… le 21 mars 2022, lors de la réunion trimestrielle des PDG de la Business Roundtable (lobby des dirigeants des grandes entreprises américaines) :
« Comme l’un des meilleurs militaires me l’a dit lors d’une réunion l’autre jour, 60 millions de personnes sont mortes entre 1900 et 1946. Et depuis lors, nous avons établi un ordre mondial libéral […] Et maintenant, c’est un moment où les choses changent. Il va y avoir un nouvel ordre mondial et nous devons le diriger. Et nous devons unir le reste du monde libre pour le faire. »
Nous Français, nous Européens, ne pouvons que souhaiter la chute du système américain de suprématie mondiale fondé sur l’hégémonie de leur dollar, l’hyperpuissance de leur armée et la diplomatie punitive à base d’oukases et de sanctions. Mais pour ça, le préalable est la défaite du clan oligarchique mondialiste en Ukraine.
On va voir si déjà il y a une bataille au niveau des satellites, ce serait un pas vers la guerre nucléaire.
La Russie prendra en compte la modernisation des bombes atomiques américaines en Europe, a déclaré le ministère des Affaires étrangères.
Le vice-ministre des Affaires étrangères Grushko: La Russie tiendra compte dans sa planification de la modernisation des bombes atomiques américaines dans l’UE
BAKOU, 29 octobre — RIA Novosti. La Russie prendra en compte dans sa planification militaire la modernisation des bombes nucléaires américaines déployées dans les pays européens et prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité, a déclaré le vice-ministre des Affaires étrangères Alexander Grushko à RIA Novosti.
« Nous ne pouvons pas ignorer les plans de modernisation des armes nucléaires, ces bombes à chute libre qui sont déployées en Europe. Les États-Unis les modernisent, augmentent leur précision et réduisent la puissance de la charge nucléaire, c’est-à-dire qu’ils transforment ces armes en « armes de champ de bataille », abaissant ainsi le seuil nucléaire », a déclaré le diplomate.
Selon lui, Moscou tient également compte du remplacement des vecteurs américains de ces types d’armes:
« Les États-Unis forcent leurs alliés à acheter des avions F-35 (qui peuvent emporter une arme nucléaire), mettre en œuvre d’autres mesures pour accroître la capacité des pays de l’alliance à surmonter les zones de blocage d’accès. C’est aussi une réalité dont nous devons tenir compte tant au sens politique que dans notre planification militaire », a expliqué le vice-ministre.
Il a ajouté qu’en plus de cela, l’OTAN elle-même « a déjà pris des décisions pour renforcer la composante nucléaire dans les plans militaires de l’alliance, pour la rendre plus visible, pour augmenter le nombre d’exercices avec un scénario nucléaire, pour impliquer dans les exercices l’aviation stratégique des États-Unis, qui a commencé à voler dans le Royaume-Uni et ensuite voler le long de nos frontières.
« Nous notons également que l’OTAN n’abandonnera pas les missions nucléaires conjointes, qui, soit dit en passant, contredisent le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires – il interdit expressément le transfert, sous quelque forme ou à aucun stade que ce soit, du contrôle des armes nucléaires à des États non dotés d’armes nucléaires. Mais ce sont ceux qui participent aux missions nucléaires de l’alliance qui modernisent leur flotte aérienne et achètent des avions américains F-35, qui sont plus modernes que les F-16, Tornado et autres transporteurs », a déclaré Grushko.
La combinaison de ces facteurs, a-t-il dit, « fait l’objet de notre attention, y compris du point de vue de la planification militaire, et de l’adoption de toutes les autres mesures nécessaires pour assurer de manière fiable notre sécurité et notre défense ».
Plus tôt, le journal Politico, citant un télégramme diplomatique et des sources proches de la situation, a rapporté que les États-Unis avaient accéléré le déploiement de la bombe atomique B61-12 modernisée sur les bases de l’OTAN en Europe.
Selon Politico, le programme de modernisation de la bombe atomique de 10 milliards de dollars est conçu pour remplacer les versions antérieures de l’arme, y compris environ 100 bombes stockées dans des bases aériennes en Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Turquie. Selon la publication, la livraison d’une version améliorée de la bombe était initialement prévue pour le printemps 2023. Cependant, selon un câble diplomatique, des responsables américains ont informé les alliés de l’OTAN lors d’une réunion à huis clos en Bruxelles en octobre, qu’il est maintenant attendu en décembre de cette année.
Partant du principe universitaire qui veut que, pour tirer tout le profit d’un texte, il doit être lu à la vitesse où il a été écrit, cette très belle et profonde analyse, conséquence évidente d’une longue réflexion et de beaucoup de documentation, doit être lue et relue plusieurs fois pour en tirer la quintessence !
Peut-être, cependant, la conclusion pourrait-elle être présentée autrement ?
Dire de préférence que, si les Russes – c’est à dire les antimondialistes – gagnent en Ukraine, ce sera contre l’oligarchie financière mondialiste américaine, et non pas contre l’occident qui, au contraire, tirera bénéfice de la défaite des Etats-Uniens, qui nous colonisent depuis 1945 !
Merci. J’ai apporté quelques corrections à cet article notamment dans la direction de vos suggestions.
Comprenez-vous maintenant le pourquoi d’achat de f35 par la Belgique alors que ce n’était pas le meilleur avion ? Tout cela se préparait depuis lgt