L’Europe, concept politique ou culturel ? Par Pierre Dortiguier
Le terme a été attaché à un mythe, ou plutôt-si on laisse la hauteur métaphysique des mythes- à la fable poétique de la princesse orientale, phénicienne, -nous dirions syro-palestinienne – Europe enlevée par Jupiter sous la forme d’un Taureau ! Ce signe, à parler astrologie, est de terre, et de fait le continent européen est lié dans l’esprit de nos oligarques privés de réflexion autre qu’économique ou financière, à une vaste étendue terrestre sur laquelle on nous fait croire qu’aucune unité n’a jamais prévalu. Or ce mot d’Europe désignerait une ancestralité commune, une origine et même une destination, comme celle d’abord d’être « fille de l’Asie », selon un mot français du savant Leibnitz dans ses Nouveaux Essais sur l’Entendement humain, et plus lointainement de se lier à ce vaste mouvement de peuples issus de l’Hyperborée ou région nordique, dont les Védas indiens ont conservé les indications géographiques et la carte du ciel ! Il suffit de lire l’ouvrage de l’hindou Lokmanya Bal Gangadhar Tilak paru chez « Arché » (sic), maison d’édition milanaise (cf. Origine Polaire de la Tradition Védique : nouvelles clés pour l’interprétation de nombreux textes et légendes védiques, traduction de Jean et Claire Rémy, éditions Edidit & Archè, Milan et Paris, 1979, 382 pages), pour se convaincre que la migration des peuples s’est poursuivie avec un retour aux sources ! Il est remarquable que ce mot de « savoir » que le sanscrit dit véda et le grec oida, en norvégien reprend sa forme initiale exacte. Rappelons brièvement que ce Tilak (le nom signifie le point rouge sur le front des hindous), longtemps prisonnier de l’Angleterre impérialiste, fut aidé dans sa prison par l’orientaliste et sanskritiste allemand, l’illustre Müller d’Oxford mort en 1900 qui lui fournit des livres. Il importe de savoir que l’Europe désigne de la puissance, au sens où celle ci nourrit un mythe constant, entretient des énergies et donne le courage de reconstruire ce que l’adversité jalouse détruit.
Si de la puissance nous passons à l’action, ou à l’acte, comme le disent les Philosophes classiques, nous observons que l’idée de monde, d’unité planétaire est liée à cette Europe qui serait une partie de celle-ci, avec le nouveau monde américain qui en est l’écho ou le prolongement, alors que le marché seul bâtit une idée frénétique d’État nation étroit, soumise à des soubresauts révolutionnaires périodiques, de par son instabilité et la ruine des provinces qu’elle entraîne, et elle se maintient par une bourgeoisie d’affaires ; de là le cosmopolitisme des temps prétendus médiévaux, quand Europe équivalait à Chrétienté. L’islamité aussi ne fleurit que sous une forme impériale que nos sectaires maçons s’empressèrent de détruire de l’extérieur et de l’intérieur.
L’idée de « Jeune Nation » de bâtir une France qui soit comme une cathédrale, ce que signifie, selon notre cher concitoyen Bonneau l’Œuvre française, fait résonner la France avec la Chrétienté entendue positivement comme culture européenne de base ! Elle est l’antithèse du Jacobinisme, du Mélenchonisme !
Cette idée est a été souvent indifférente à la culture française, mieux dite civilisation, plus occupée de politique que d’enracinement, et ne raisonne que pour contredire et non pour bâtir, mais se retrouve en Allemagne, avec un panthéon impressionnant.
C’est la pensée critique ou scientifique, autant que théologique qui a formé l’Europe. Même s’il y a de la légende ou de ‘incertitude sur les hommes réels, il est de tradition pieuse d’assigner à saint Thomas d’Aquin que origine maternelle normande et paternelle remontant à la famille de l’Empereur Barberousse, et de situer sa naissance légendaire à Naples, dans cette part de l’Italie qui dépérit après la fin de la dynastie autrichienne et bourbonne qui céda devant la conquête maçonnique à la fin du 19ème siècle engendrant les maffia par réaction ! Le maître de saint Thomas est le souabe Albert le Grand, au tombeau inconnu. Authentique ou pas, c’est une réalité spirituelle. Toute cette tradition européenne se retrouve encore chez un Descartes qui s’engagea comme ingénieur militaire dans l’armée hollandaise et rejoint les armées impériales allemandes pour le siège de Prague, ou chez un Voltaire pour qui la liberté de penser, écrit-il dans sa Correspondance, s’étendait du Rhin aux fleuves de la Sibérie, sous la couronne de Catherine II, dite familièrement « Catherine l’Allemande ».
Le marché a lutté contre la terre, dépossédé le paysan et nommé partout cette opération une révolution nationale ; la réaction à cette conduite oligarchique financière a triomphé plusieurs fois, en 1815, en 1848 en Allemagne par l’action énergique antisectaire du roi de Prusse Frédéric Guillaume IV (1795-1861), et ce fut dans ce temps de triomphe que la grande musique et la grande philosophie ont germé.
Quelle ville est familière à un étudiant de philosophie, sinon celle, lettone, de Riga où fut imprimée en 1781 la première édition de la Critique de la Raison pure ? Puis celle, où parut la seconde, de Königsberg maintenant occupée par les Russes et saccagée de façon barbare en 1944, date de germination de ce, en grande partie pro-soviétique, « Comité National de la Résistance » que l’on présente comme un modèle, alors qu’il l’est en effet, mais celui de tuerie de la centaine de millier de morts qu’il a couverts.
« Nous avons été meilleurs que nos grands ancêtres » (de la Terreur de 93) avait dit à la Chambre Henri Queuille (1884-1970) à ceux qui s’enquéraient du nombre des victimes de la Terreur moderne !
La critique russe contemporaine initiée par l’illustre Anatoli Fomenko de l’Académie des Sciences de Moscou, prétend que le monde a été unifié, et donc l’Europe, et que la division en États-nations est récente, de même que la formation des Académies de langue servant de tuteur à une littérature, et il est à remarquer que cette opposition entre nations, comme il se voit en Orient, aboutit à une destruction mutuelle, comme si le monde se brisait sous ce règne de la quantité.
Toute la politique de la plupart de nos rois et de tous les jacobins français a été de se bagarrer avec l’Empire qui comprenait des Allemands, des Hongrois, des Croates, Slovaques et où la culture a été, dans tous les domaines plus profonde, humaine et religieuse aussi que nous ne l’avons connue, puisqu’ils n’ont point souffert de la Révolution, sauf de celle importée de l’extérieur. Le nationalisme absolu et l’internationalisme absolu, a écrit Heidegger s’équivalent ! Le libéralisme et le bolchevisme, le premier étant connu de notre jeunesse, le second couvant sous les cendres et toujours actif dans son foyer, quoiqu’on nous dise, s’acharnant contre l’Idée d’Europe.
Il y a de la vérité dans cette présentation d’événements que nous avons connus de près : « Avec le chancelier Konrad Adenauer, en tournant définitivement la page des guerres fratricides, il (De Gaulle) a inversé le cours de l’histoire et jeté les bases de la construction européenne. » dit en 2006 Chirac de cette orientation qui n’avait qu’un adversaire, celui même de nos pauvres Palestiniens, des Iraniens et autres peuples courageux, la City de Londres qui façonne nos Républicains !
Je profite de cette occasion pour dire publiquement que De Gaulle, m’ayant accordé un bref instant au téléphone, au début de 1970, année de sa mort – qui me fut prédite deux mois à l’avance par un journaliste politique rencontré rue de Solférino dans l’ancien immeuble où fut assassiné Philippe Henriot par un colon français du Maroc (« il ne passera pas le 15 novembre, me déclara -t-il, en juin de cette année fatidique ») – me fit dire que son père avait été professeur de philosophie.
Son goût pour Nietzsche est connu, de là son utopie d’aller à contre courant de l’histoire, qui n’est pas sans vanité.
Qu’il y ait un instinct européen plus développé aujourd’hui en Écosse – car le nationalisme écossais a toujours été pro-européen -, par exemple, dans les Flandres ou en Espagne, en Catalogne, que chez nous, exception faite de régions, outre la Bretagne, nativement impériales de l’Est, Bourgogne inclue, est un fait. Que la France doive ne pas écouter les démagogues qui l’excitent périodiquement contre ses voisins de l’Est est un conseil de notre part, non pas politique, mais philosophique, prêchant la retenue.
Comme nous avons cité De Gaulle il faut savoir et faire savoir qu’il était bon germaniste et qu’un de ses parents ou grand oncle maternel, d’origine allemande ou luxembourgeoise, si j’ai bonne mémoire, traça, au XIXe siècle, un boulevard de Lille. Mais deux faits toucheront les lecteurs : A Stalingrad, il murmura à côté de son aide de camp, ai-je appris de bonne source rue de Solférino, devant le champ de bataille de Stalingrad : « quel grand peuple ! » Devinez qui il visait, à l’étonnement mieux à la stupeur de l’aide de camp ? Mais plus sérieux et conservé dans les archives, quoique dissimulé à notre jeunesse honnêtement patriote et de bonne foi, est un discours allemand qu’il tint devant les élèves officiers de la Sarre, rédigé par lui et qu’il apprenait par cœur – dans lequel un bref éloge de l’armée allemande face au danger soviétique, est marqué. Je tiens cette information très importante du capitaine Walter Held, que je salue de loin et sa vaillante épouse, et retraité des gardes-frontières autrichiens qui, chaque année, en uniforme militaire et sa casquette, qu’il portait avec l’autorisation de ses supérieurs, jusqu’à ce que la Chancelière Merkel l’interdise (ancienne membre des jeunesses communistes, ou FDJ, Freie Deutsche Jugend, Jeunesse allemande libre du secteur soviétique !), parlait à Bad Reichenhall, pour honorer les martyrs, dans une clairière où furent, sans être inhumés, exécutés des blessés français de la « Charlemagne » que les Américains avaient, à leur honneur, fait fuir de l’hôpital, craignant qu’ils ne fussent massacrés dans leur lit par les « rouges » qui suivaient la division française.
Cette réunion était approuvée de la population bavaroise ! Et ces jeunes combattants sont inhumés dans le cimetière contre l’Église ! C’est cela l’Europe ! J’y ai vu le fils du russe blanc Krotof fusillé aussi là sans jugement par les héritiers du bonnet rouge !
Pierre Dortiguier