L’attentat du Petit-Clamart, désigné par ses auteurs sous le nom d’opération Charlotte Corday, est un attentat organisé par le lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, visant à assassiner le général de Gaulle, président de la République, le à Clamart dans le département de la Seine (aujourd’hui dans les Hauts-de-Seine).
Récit par un participant, Lajos Marton, né en 1931 à Posfa, en Hongrie, officier dans l’armée populaire, mais qui lutte ensuite contre l’armée soviétique lors de la révolte de 1956 à Budapest. Il se réfugie en France où il exerce différents métiers et approche les milieux favorables à l’Algérie française.
« Je n’ai jamais regretté d’avoir participé à l’attentat du Petit-Clamart pour tuer de Gaulle.
Mon seul regret, c’est que l’opération n’ait pas réussi » Lajos Marton
« Pour nous, membres de l’OAS [Organisation de l’armée secrète, ndlr], de Gaulle a abandonné l’Algérie. Il a trahi sa propre parole de conserver l’Algérie dans le cadre français. La cause est perdue, mais il y a encore une place pour une action désespérée : punir celui qui a bradé l’honneur du pays. Tuer de Gaulle !
Ce jour-là, nous sommes tous sur le qui-vive, prêts à l’action, cachés dans un appartement de Meudon. Le général de Gaulle, en vacances à Colombey-les-Deux-Églises, revient à Paris pour le Conseil des ministres et doit repartir le soir même par avion depuis la base aérienne de Villacoublay.
À 19h45, un informateur secret prend contact avec notre groupe [on découvrira plus tard, en 1993, qu’il s’agissait de Jacques Cantelaube, contrôleur général de la police, chargé de la sécurité présidentielle à l’Élysée, ndlr]. Il annonce à notre chef, « Didier », que le général vient de quitter l’Élysée et se dirige vers l’aéroport par l’itinéraire de l’avenue de la Libération (dont le nom a changé depuis pour devenir l’avenue du Général-de-Gaulle), à Clamart. Branle-bas de combat. En quelques minutes, nous sommes sur place et prenons position avec nos véhicules. Le signal sera donné par Didier qui doit ouvrir grand son journal à l’approche du convoi présidentiel.
À 20h10, une pluie fine tombe, la visibilité n’est pas très bonne. J’attends dans l’Estafette avec quatre autres tireurs. Nous ne voyons pas le journal qu’agite Didier à quelque 300 mètres de là. L’un de nos hommes, sorti pour satisfaire un besoin pressant, hurle tout à coup : « Ils arrivent ! Ils arrivent ! » Aussitôt, deux d’entre nous ouvrent la fenêtre arrière et déclenchent les tirs d’arrêt avec leur fusil-mitrailleur. Je bondis en avant de la camionnette avec les deux autres tireurs. J’arme mon Thompson M1928A1, je perds une seconde à chercher le levier d’armement. Enfin, je tire une rafale juste au moment où la voiture présidentielle arrive à notre hauteur. Je tire encore deux ou trois rafales et… mon pistolet-mitrailleur s’enraye ! La DS 19 du général tangue et zigzague, mais finalement accélère et s’éloigne à toute vitesse, non sans avoir essuyé les balles de notre troisième véhicule. On ne sait pas si de Gaulle est touché, en tout cas son chauffeur paraît indemne. « Allons le pourchasser ! » s’écrie l’un de nous. Mais le cœur n’y est plus. On rompt l’engagement, on fait demi-tour avec l’Estafette qu’on abandonne un peu plus loin et on regagne Paris dans une Fiat Neckar prévue pour la fuite. Nous allons nous cacher, chacun de son côté.
Près de 150 coups de feu ont été tirés en quelques secondes, dont une demi-douzaine ont atteint la voiture présidentielle. C’est une des balles de mon pistolet-mitrailleur qui a crevé son pneu arrière droit. Il s’en est fallu de peu pour que de Gaulle soit touché, car un des projectiles a transpercé le côté de la DS, à hauteur de l’appui-tête du siège arrière !
Malgré tout, nous avons échoué au Petit-Clamart. Notre organisation n’était pas extraordinaire. On était trop nombreux dans le complot, pas très entraînés. Nos armes étaient anciennes. L’endroit, une longue ligne droite où les voitures pouvaient foncer, n’était pas le plus judicieux.
Le général de Gaulle est fou furieux et veut sa vengeance. La police agite tous ses réseaux pour retrouver les membres du commando. À la mi-septembre, elle en a identifié la plupart et commence à les arrêter les uns après les autres. Je découvre dans la presse la photo du mystérieux Didier. Il s’agit du lieutenant-colonel Jean-Marie Bastien-Thiry, ingénieur de l’armée de l’air. Un homme qui m’a beaucoup impressionné. D’un calme olympien, il était très déterminé dans l’action. Il n’avait rien d’un fou. Les membres du commando sont lourdement condamnés. Bastien-Thiry est fusillé au fort d’Ivry le 11 mars 1963. Quant à moi, j’avais été identifié comme le « chef des Hongrois ». Il y avait effectivement deux compatriotes, Gyula Sári et László Varga, parmi nous. Nous partagions les mêmes idées nationalistes, mais nous nous étions rencontrés presque par hasard à l’occasion de cette opération. Finalement, je suis arrêté en septembre 1963 et condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Libéré en 1968, j’obtiens la nationalité française en 1980.
Pourquoi moi, un Hongrois, j’ai pris part à une affaire franco-française ? Il faut voir qu’il y avait une solidarité entre les pieds-noirs trahis par la France et les résistants hongrois écrasés par les divisions soviétiques et abandonnés par l’Ouest. Nous étions un peu les « pieds-noirs de l’Europe ». Ma vie a été un combat contre le communisme au service de ma patrie de naissance, puis de ma patrie d’adoption. »
Lajos Marton
Je ne le répèterai jamais assez ! Ces réminiscences mémorielles seraient inutiles, et même leur répétition lassante, si ce n’était l’occasion d’en tirer des enseignements pour les luttes d’aujourd’hui.
Or, l’enseignement que l’on doit tirer de cette vie de combattant exemplaire que fut celle ne notre camarade de combat LAJOS MARTON est essentiel, bien qu’échappant à la plupart des commentateurs et « historiens » autoproclamés :
La vie de Marton, comme celle ne nombre de nos camarades illustre en effet cet enseignement essentiel de Carl von Clausewitz, réputé plus grand stratège de tous les temps :
« Le vainqueur – a-t-il dit – est celui qui tient jusqu’au dernier quart d’heure ».
Cette longue guerre que nous avons menée jusqu’au « dernier quart d’heure » a commencé il y a bien longtemps, alors que la plupart d’entre nous n’étions même pas nés, avec l’assassinat de la famille du Tsar de Russie, puis avec la gangrène soviétique se répandant furtivement vers l’Ouest.
Europe de l’Ouest qui n’a jamais cessé, pendant près de ¾ de siècle, d’être le principal objectif des soviets. Objectif qui impliquait au préalable la perte de ses colonies afin d’affaiblir ses métropoles, en vertu des préceptes de Lénine.
Pour ceux de notre génération, celle de Lajos Marton, du Général Salan, du Colonel Bastien-Thiry mais aussi des frères Sidos, fondateurs de « JEUNE NATION », ce qui semblait l’avancée implacable des soviets et de leurs alliés s’est donc d’abord manifesté par les massacres de « l’épuration » perpétrés par les hordes communistes en 1945, puis par la guerre d’Indochine, par la guerre d’Algérie, et enfin par les délires de mai 1968. Mais pour se terminer pourtant par la défaite des rouges, avec la chute du mur de Berlin, prélude de la réunification de l’Allemagne.
Oui, nous avons gagné, mais qui en a vraiment conscience, parmi les jeunes des années 2020 ?
Car pour partager le sentiment d’avoir gagné… encore faut-il avoir combattu !
Encore faut-il, comme les plus fanatiques d’entre nous, avoir senti son pistolet mitrailleur tressauter contre sa hanche ; avoir vu les copains tomber dans les rizières ou les djebels ; avoir connu les interrogatoires musclés et leurs indélébiles cicatrices ; la prison politique ; les évasions rocambolesques ; certains de nos chefs et amis fusillés ; les bagarres de rues à trois contre dix ; et encore la prison ; et encore les interrogatoires…
Nombre de fois, les militants de l’anticommunisme ont été vaincus. C’est vrai ! Mais il y a défaites et défaites, dont certaines sont particulièrement dissuasives pour les vainqueurs. Car, si ces combats en Indo puis en Algérie avaient pour objectif de faire basculer dans le camp marxiste d’immenses territoires, c’était aussi pour les soviétique l’occasion de tester notre résistance.
Une résistance héroïque en Indochine, jusqu’en 1954, puis en Algérie à partir de cette même date, et enfin, pour les militants patriotes, lorsque le combat s’est déplacé dans l’hexagone.
Et une résistance qui posait un terrible problème aux soviets qui, ne pouvant déferler sur l’Europe de l’Ouest avec leurs chars sans se heurter aux forces de l’OTAN au risque d’une guerre mondiale, devaient se résoudre à envisager un cycle de subversion progressif : grèves générales, manifestations, élections anticipées puis glissement d’un front populaire à une « démocratie » soviétique. Ce qui ne pouvait se concevoir qu’en l’absence de toute réaction armée des éléments nationalistes au risque d’une guerre civile. Guerre civile sur un territoire estampillé « OTAN » et qui pouvait, comme à Cuba, créer les conditions d’une 3ème guerre mondiale…
Mais passivité des patriotes hautement improbable, si l’on mettait en parallèle le fanatisme de milliers de volontaires ayant sauté sans retour possible dans l’enfer de Dien Bien Phu – alors même que c’était souvent leur premier saut en parachute ! – puis, huit ans plus tard, le même fanatisme des milliers d’insurgés civils et militaires de l’OAS, défendant jusqu’à l’ultime limite les départements français d’Algérie contre les conséquences de la trahison gaulliste.
Analysée depuis Moscou, l’opiniâtreté avec lequel ces « nervis fascistes » avaient défendu leurs possessions d’outre-mer laissait redouter une violence sans commune mesure, s’il devait s’agir de défendre leur capitale… au risque d’une confrontation armée aux conséquences incertaines !
Décidément, malgré l’intoxication systématique d’une partie de la jeunesse par les « idiots utiles », les Malraux, Montant, Sartre, Beauvoir, et autres compagnons de route du communisme, il était trop évident que la détermination d’une autre partie de cette jeunesse rendait illusoire l’échéance du « grand soir » dont on fantasmait dans les banlieues rouges et qu’espéraient les dictateurs Moscovites incapables de subvenir aux besoins de leur peuple.
Et ce qui devait arriver a fini par advenir : nous autres, molosses indomptés de la droite nationale avons vu le loup soviétique crever la gueule ouverte devant la bergerie occidentale dont nous avions assuré la garde en dépit de la lâcheté générale, des trahisons et des défaites qui en avaient résulté, en Indochine en 1954, en Algérie en 1962, et à Paris en 1968 ; tombant parfois mais nous relevant toujours, jusqu’à rester « les derniers debout lors du dernier quart d’heure ».
En ces derniers jours de 1989, alors que s’écroulait le mur de Berlin, que restait-il, désormais, de ce qui avait été le géant soviétique ?
Non, nous n’avions pas supporté en vain les interrogatoires, les tribunaux, la prison ! Non, les copains n’étaient pas tombés pour rien !
Sacrebleu ! Illustrant l’aphorisme du grand CLAUSEWITZ, nous avions gagné malgré toutes les trahisons, et en dépit de toutes les défaites, PARCE QUE NOUS AVONS TENU JUSQU’AU DERNIER QUART D’HEURE !
PUISSE NOTRE OPINIATRETE EN DEPIT DES TERRIBLES COUPS ENCAISSES INSPIRER LA GENERATION QUI NOUS SUIT !
J’ai eu l’occasion de serrer la main de ce valeureux combattant.
Honneur a lui.