Churchill donnait de fausses informations à Roosevelt comme l’histoire de la carte secrète, mais il gardait les vraies pour lui comme celles sur Pearl Harbor.
Le 7 décembre 1941, le jour de Pearl Harbor, il avait invité l’ambassadeur américain à dîner, un poste de radio avait été placé sur la table de la salle à manger – ce sont là des faits tangibles rapportés par les deux protagonistes dans leurs mémoires – et Churchill avait invité l’Américain pour voir sa tête au moment de l’annonce fracassante par la BBC du bombardement de Pearl Harbor – ça, c’est une interprétation, mais quasi intangible : Churchill, en gardant pour lui les informations interceptées par ses services d’écoute sur l’imminence de l’attaque, avait enfin réussi à faire entrer les USA dans la guerre, plutôt, il avait enfin réussi à aider Roosevelt à faire entrer les USA dans la guerre.
C’est en substance, la thèse de David Irving dans cette conférence. L’historien britannique avec son style littéraire et ses digressions – qui souvent n’en sont pas – est vraiment fascinant à regarder travailler; les sous-titres ont été rajouté par nous, ils n’y étaient pas au format conférence.
Churchill Poète et Churchill Exhibitionniste!
Churchill était un personnage flamboyant, un écrivain fabuleux, un orateur brillant. Ce qu’il écrivait dans ses plus mauvais jours était souvent meilleur que ce que nous autres, pauvres historiens, parvenions à produire au mieux de notre inspiration. J’ai déjà souvent eu l’occasion de le dire, incontestablement, il avait un don inimitable pour la formule définitive. Si je remonte à mes propres 25 dernières années d’activité criminelle – mes écrits en tant qu’auteur – il me vient souvent à l’esprit une de ses phrases que je cite dans le volume II [de Churchill’s War].
La vie d’un homme est comme un parcours le long d’un corridor avec ses fenêtres closes de chaque côté. Au fur et à mesure qu’on passe devant l’une d’elles, une main invisible l’ouvre, mais la lumière qu’elle laisse alors pénétrer ne fait qu’accroître encore, par contraste, les ténèbres alentour.
Une image superbe bien dans la veine de son style descriptif. Et pourtant, c’était un homme qui avait aussi des facettes vraiment très très étranges, pour ne pas dire incongrues. C’était presque un pervers qui adorait s’exhiber nu devant les gens. Vous ne trouverez pas ça dans les biographies courantes, mais c’est dans la mienne. Un homme en qui les visions les plus profondes côtoyaient des comportements qui, pour ceux qui en étaient les témoins, ne pouvaient être décrits autrement que comme de purs enfantillages – d’une puérilité relevant de la psychiatrie. Un général, voyant Winston piquer une colère rageuse, glissait agacé au ministre de la guerre économique, Hugh Dalton: «on s’attendrait à ce qu’une nourrice vienne pour le ramener chez lui».
Certains de ses totems doivent plonger dans son enfance instable. Il avait donc cette manie fantasque, comme un vilain petit garçon, de s’exhiber, aussi bien devant ses jeunes secrétaires masculins, que devant ses aînés plus prestigieux. Chacun pensant de son côté être un témoin unique et privilégié, mais cela se produisait si fréquemment que cela ne pouvait pas être fortuit. Peu importait le rang du personnage – à l’exception, semble-t-il, de Sa Majesté – tous étaient susceptibles, sous un prétexte quelconque, d’être reçu par le Premier ministre de Grande-Bretagne dans son plus simple appareil.
Le plus souvent, il recevait ses ministres et directeurs de cabinet tandis qu’il entrait ou qu’il ressortait de son bain, les infortunés élus étant ainsi, bien malgré eux, intronisés dans l’ordre des compagnons du Bain de Churchill. Il ressemblait alors, selon les mots du chef du secret service, le brigadier Menzies, «à un joli petit cochon rose», enveloppé dans un kimono de soie. «Il m’arrivait parfois», se rappelle «C» en 1967 «de parler au PM alors qu’il était déshabillé, et une fois alors qu’il était dans son bain, il me disait qu’il n’avait rien à me cacher». (Une autre fois, il le mettait en garde contre Nelson, son chat persan, qui regardait par la fenêtre: «il est de connivence avec les pélicans du lac», disait-il, «et ils transmettent nos informations aux services secrets allemands!»).
Même aux étrangers, le rite n’était pas épargné. Le 26 août 1941, il demandait à son majordome au Chequers [résidence de villégiature du Premier ministre] de faire venir Elliott Roosevelt. «Je frappais à sa porte», écrivait le fils du président, «et entrais: Churchill était en train de dicter son courrier à son secrétaire, un grand cigare fiché dans sa bouche … à part ça, il était complètement nu, allant et venant dans la pièce». D’autres étaient traités avec à peine un peu plus de pitié – il portera ses sous-vêtements de lin pour recevoir en mai 1943 le Premier ministre canadien, Mackenzie-King: «c’était vraiment un tableau, mais celui d’un garçon – les joues bien roses et pimpantes». (Je ne suis pas très sûr de quelles joues il est question! [en anglais, ça peut aussi être les fesses]
La Guerre de Churchill
C’est amusant, voyez-vous, je suis Anglais et vous Américain, ou récemment Américain, et nous avons ce genre de relations de haine-amour, excusez-moi de ne pas avoir votre langage.
C’était l’un des gros problèmes de Churchill pendant la guerre : persuader les Américains de venir combattre pour lui. Parce qu’à partir de 1940, c’était devenu la guerre de Churchill. Il n’était plus du tout question de la Pologne, aussitôt oubliée que vaincue, il s’agissait désormais d’assurer la prolongation du conflit, c’était devenue d’une importance vitale pour que son propre règne politique se perpétue.
Selon un sondage Gallup, moins de 20 pour cent des Américains estimaient en juin 1942 que la collaboration avec la Grande-Bretagne devrait se resserrer après la guerre. Ils considéraient les Britanniques comme aristocratiques, snobs, égoïstes, arrogants et froids. (Cela dit, il n’y a rien de mal à être arrogant, nous dépensons des fortunes pour envoyer nos garçons dans des écoles pour qu’ils apprennent l’arrogance). Le sondage montrait également comment les Anglais voyaient les Américains: vanité, assurance, gangstérisme, pot-de-vin et corruption (on dirait presque de l’antisémitisme, non?). Churchill était généralement apprécié [par les Américains], 45% en sa faveur – pour Tchang Kaï-chek, c’était 25 % et 7% pour Staline. Parmi ceux qui ne l’aimaient pas, on trouvait les Nègres, les Irlandais, les fermiers du Middle West et, Dieu sait pourquoi, les descendants d’Allemands.
Lorsque Churchill a débarqué sur les rives des États-Unis, il n’a pas reçu que du courrier d’admirateurs enthousiastes. Le fichier du FBI, que j’ai consulté pour mes recherches sur Churchill, contient des lettres interceptées par le FBi qui valent leur pesant d’or, dont une lettre anonyme de Californie d’une mère de trois enfants:
Chaque fois que vous montrez sur nos côtes, ça veut dire qu’une calamité se prépare. Pourquoi ne restez-vous donc pas chez vous à faire vos guerres tout seul au lieu de toujours essayer de nous y entraîner pour sauver votre misérable peau? Vous profitez de la faiblesse de notre président à moitié débile (19 juin 1942).
Vous voyez, si je suis tant soi peu connu dans la profession, en dehors du fait que je suis un enquiquineur de première, c’est parce qu’en tant qu’historien, je fais des découvertes. Et découvrir des choses, ça ne veut pas nécessairement dire aller dans les archives, tomber sur quelques choses et s’exclamer: «regardez donc ce que j’ai trouvé là». Si vous fréquentez les archives suffisamment longtemps, disons, dix ou vingt ans, vous devenez ce que j’appellerais un «lacunologue». C’est-à-dire, quelqu’un capable de s’apercevoir d’un trou dans les archives, c’est très difficile à faire parce qu’en général, on les a rebouchés avec autre chose et mis les originaux sous clé. Ce n’est qu’à la longue qu’on arrive à développer une sorte de flair qui nous dit que quelque chose manque qui devrait pourtant se trouver là.
C’est le genre de pressentiment que vous avez si vous allez d’abord dans les archives américaines, puis dans les archives britanniques et puis encore en Australie, au Canada ou ailleurs, et vous vous dites «doucement là, dans les archives américaines, j’ai vu des tonnes de documents là-dessus, et pourtant, ici, dans la banlieue de Londres, c’est le vide complet !». Ça prend du temps avant qu’on arrive à mettre le doigt dessus. Il n’y a bien entendu aucune pancarte qui vous prévienne, «attention au trou, devinez ce qu’il y avait dedans». C’est ainsi que je suis devenu un grand lacunologue : je cherche ce qui manque dans les dossiers. Or justement, au sujet de la façon dont nous [les Anglais] avons réussi à vous entraîner en 1941, il y a des trous, il y a des trous dans tout ce qui se rattache au Japon et aux États-Unis, et il y a des vides dans les dossiers qui remontent à 1936, au moment où les Américains ont pour la première fois envahi l’Empire britannique.
1936 Les Marines à l’assaut de l’île Canton
Vous n’avez jamais entendu parler de cette invasion parce que plus personne n’en fait grand cas de nos jours en raison de notre special relationship avec vous. Il n’y a pas qu’une nation à bénéficier d’une relation spéciale avec vous, il y en a une autre: chaque fois qu’Israël est désigné par l’Amérique comme son plus sûr allié, ça a le don de faire tiquer Mme Thatcher. Le fait que de temps à autre vous nous ayez joué des tours est soigneusement mis de côté, le fait que vous nous ayez fait les poches en 1940-41 pour ça aussi on ferme les yeux. C’est comme pour 1936, lorsque le président Roosevelt a envoyé des Marines pour envahir l’île de Canton dans l’archipel de Phoenix, à l’époque une possession britannique occupée en ce temps-là par un unique Résident Britannique (avec un «R» majuscule s’il vous plaît), lequel était marié à une autochtone, ils vivaient dans une hutte de paille mais qui avait devant sa porte un mât avec l’Union Jack flottant au sommet. Mais Pan Am avait besoin de l’île comme escale technique dans le Pacifique Sud, alors Roosevelt a envoyé des Marines pour chasser le Britannique!
On pourrait s’étonner de ce que les archives britanniques n’en parlent pas, mais il y est quand même fait une allusion dans le catalogue, on va trouver quelque chose comme: «politique américaine, île de Canton, disponible au 21e siècle». Toutes les pages concernant ce douloureux épisode sont indisponibles jusqu’en 2017, je ne pourrais pas les voir! C’est un exemple typique de lacune qu’il faut chercher à pallier: des documents sur le sujet, on en trouve dans les archives américaines, et pas qu’un peu – à vrai dire, c’est même comme ça que je suis tombé sur cette histoire, en fouillant dans les archives personnelles d’Harold Ickes, à l’époque Secretary of the Interior, Secrétaire de l’Intérieur, mais, c’est significatif, ça faisait quand même partie de sa compétence.
Où sont passés les dossiers Japonais ?
Je crois que c’est Warren S. Kimball, professeur à la Rutgers University, grand Churchillologue américain, qui a été le premier à attirer l’attention sur une carence des archives britanniques dans les dossiers japonais, pas n’importe quel dossier, mais précisément les dossiers des services secrets portant sur le mois précédant Pearl Harbor, disparus, envolés.
Je dois modestement ajouter à cela que si vous regardez de plus près, vous allez voir d’autres manquants. Martin Gilbert est le biographe autorisé de Churchill, ce qui aurait tendance à vouloir dire que les autres ne le sont pas – mais dans mon arrogance, je me suis arrogé le droit d’écrire une biographie non autorisée. Si vous vous plongez dans sa biographie de Churchill, vous allez vous rendre compte que sur une page du tome VI, quelque chose a manifestement été retiré à la date du 26 novembre 1941, une date cruciale dans l’histoire pré-Pearl Harbor. Le 26 novembre 1941, c’est le jour où les Anglais ont réussi à faire prévaloir leur point de vue aux Américains au sujet de fermeté à adopter vis-à-vis des Japonais, rendant par-là la guerre inévitable. Or, pour cette date, dans la biographie, il est fait mention d’une lettre de Churchill à Roosevelt qui a été escamotée, et non savons qu’elle a été escamotée, parce que le paragraphe suivant, Gilbert, par étourderie, poursuit en écrivant que le même jour il s’est passé telle et telle chose: mais le même jour que quoi? Que la lettre qui a disparu? C’est à ça qu’on voit qu’il y a un trou et que la pagination du livre a dû été refaite.
Idem si vous regardez du côté des archives américaines à cette date – disponibles dans l’immeuble des Archives Nationales sur la Pennsylvania avenue à Washington – si on examine les télégrammes diplomatiques échangés entre Londres et Washington ce jour-là, il y en a une quarantaine, on voit dans la succession des numéros de série qu’il en manque deux: ce n’est pas une erreur, lorsqu’un numéro a été attribué à un télégramme mais que le télégramme n’est pas parti, on le remplace par une page blanche avec la mention «non utilisé».
Par conséquent, c’est que deux télégrammes ont été délibérément retirés la liste, c’est bien pour éviter ce genre de chose que les télégrammes portent des numéros de série. Du coup, on ne sait pas précisément ce qui s’est passé ce 26 novembre, sauf par des allusions sibyllines de l’équipe de Roosevelt. Le trou commence à devenir significatif, dans les deux sens du terme. Et vous comprenez pourquoi les archives britanniques et américaines vous laissent sur votre faim, c’est énorme, tellement que vous vous demandez pourquoi vous ne l’avez pas remarqué dès le début, et c’est pourtant le genre de chose dont les gens n’ont pas conscience.
À titre d’exemple, c’est comme l’affaire du journal de bord d’Adolf Hitler qui a été publié en 1983. Je me suis focalisé sur les analyses chimiques de la colle, de l’encre et du papier, mais je suis royalement passé à côté du plus énorme, je dois le reconnaître même si nous avons tous fait la même erreur: le fait que lorsque j’ai vu les carnets empilés sur une table, il y en avait 62, tous apparemment écrits de la main d’Hitler, sauf que le fait évident qui aurait dû nous sauter aux yeux, c’est que les 62 carnets étaient tous identiques. C’est comme si Hitler en 1920 s’était rendu chez le libraire du coin en disant: «il faut que je rédige un journal pour ma future vie de Führer, il me faudrait 62 carnets si vous pouvez me les avoir». Et tout le monde n’y a vu que du feu, moi y compris, je dois le reconnaître à ma plus grande honte. Et il en va souvent de même pour les archives qui ont fait surface à Londres ou ici à Washington.
À l’écoute des Japonais – Code JN25 – Code Mauve – Magic Machine
À Washington, le gouvernement a à présent rendu public tous les messages japonais interceptés. Tout ce qui a été décodé du courrier diplomatique japonais de certains échanges entre les navires de guerre, les unités militaires, la compagnie des eaux et ainsi de suite, en fait tout ce qu’on a pu décoder en 1940 et 1941 – et même ensuite – grâce aux fameuses machines magiques capables de déchiffrer le code diplomatique «mauve» et ses variantes, se trouve maintenant mis à disposition par la NSA (National Security Agency) aux archives nationales à Washington. Des millions de pages d’interceptions de messages émis par les Japonais et décodés par les agents du chiffre de l’armée et de la marine américaine sont aux archives nationales, mais dans les archives britanniques on ne trouve pas trace du moindre message japonais décodé par les Anglais.
Mais ce n’est pas facile à remarquer, parce que c’est une absence! Il n’est pas prévu d’espace sur les étagères, signalé par un écriteau disant : «c’est ici que viendront prendre place les décodages britanniques lorsqu’ils seront enfin disponibles». On observe une discrétion absolue à leur sujet.
Par exemple, il y a quelques mois, je suis tombé sur un ordre de très bas niveau de Churchill sur la sécurité. Il s’agissait de surveiller les allées et venues du ministre des affaires étrangères japonais. L’officier de liaison de Churchill, un certain Hastings Lionel Ismay, écrivait à Churchill en demandant «et alors, que faisons-nous de la pièce jointe?». Et la pièce jointe, manifestement une interception d’un message japonais de février 1941, avait été retirée par le gouvernement britannique, à la place, il y a une feuille disant que la pièce jointe avait été retirée mais on ne sait pas son contenu. Vous savez juste par déduction des premières pages du dossier qu’il s’agissait de l’interception d’un message Japonais.
Alors qu’est-ce que tout cela signifie? Cela signifie que nous autres Anglais, étions décidément capables de lire à livre ouvert dans les messages Japonais dans les années précédant Pearl Harbor (je développerai dans un instant sur les codes que nous étions en mesure de lire). Cela signifie que nous avions tellement honte de ce qui nous tirions de ces messages que nous n’osons pas admettre:
A – Que nous avions la main sur les messages Japonais
B – Que nous ne nous aventurons pas à prendre le risque de publier dans les archives aucun de ces messages de peur qu’un petit David Irving s’amène dans les cinq ans et s’aperçoive des conclusions qu’on peut en tirer.
C – de A et de B, nous pouvons encore tirer cette troisième conclusion que les gens qui nous cachent des choses le font tout simplement parce qu’ils n’ont pas la conscience tranquille.
Pour autant que sache, les Américains n’ont masqué aucune de leurs interceptions japonaise, je pense que n’importe quel historien accrédité sera d’accord avec moi sur ce point. Les Américains ont fait preuve d’une grande transparence en décidant de publier toutes leurs écoutes aux archives Nationales, à tel point qu’on se retrouve ici au contraire avec une encombrante profusion de documents interceptés: il y en a des millions. Pas un historien n’aurait le temps de tous les éplucher, il y en a de trop. Mais nous, les Anglais, nous n’avons pas divulgué la moindre page, on ne trouve même pas quelques pages éparses égarées par-ci par-là dans les archives, tout a été minutieusement et scrupuleusement mis en réserve.
Je pense que ce qui s’est passé, c’est ça: vers septembre 1939, nous avons commencé à casser le code opérationnel de la flotte japonaise, le code JN-25 (JN = Japanese Navy), et ces écoutes de la marine japonaise étaient bien mieux déchiffrées et interprétées par nous que ce que les cryptographes américains étaient capables de faire. Je pourrais passer la soirée à vous lire des documents qui montrent à quel point les Américains étaient agacés, exaspérés, qu’on ne leur transmette pas tout ce que nous avions. George Marshall a même écrit au président à ce sujet. Un certain McCormack a été envoyé en Angleterre en 1943 pour voir s’il y avait moyen d’obtenir que les services secrets britanniques divulguent davantage de messages parce qu’à l’époque, les Américains avaient fini par comprendre que nous décodions plus que ce que nous leur transmettions.
Et nous voilà avec sur les bras le problème de savoir pourquoi nous n’avons pas publié les décodages du JN25 dans les archives anglaises, et si de là, nous sommes autorisés à en tirer certaines conclusions. Ça crée un vide, et un vide bien embarrassant. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles, comme l’a fait remarquer Warren Kimball, certains documents du Foreign Office liés au Japon de la période septembre- octobre et plus encore de novembre 1941 ont été complètement retirés des archives britanniques, même s’il ne s’agissait pas nécessairement d’interceptions. On les en a retirés en violation de notre règle de 30 ans, et ces dossiers n’y reviendront pas avant que tous dans cette salle ne soyons morts depuis longtemps. Encore une fois, tout ceci ne peut être que le fait d’une conscience coupable.
Mon collègue, John Costello, une très grande plume, auteur d’un livre très fouillé sur Pearl Harbor, a fait une demande officielle au ministère de la défense en Angleterre, et il lui a été répondu : «qu’il ne serait pas de l’intérêt national que ces fichiers soient divulgués». Pas dans l’intérêt national! Ça va bientôt faire 50 ans [au moment où David Irving fait sa conférence], et on ne peut toujours pas savoir ce qui s’est passé avant Pearl Harbor ?
Les Carnets d’Henry Stimson Secrétaire à la Guerre
Jetons un œil sur d’autres manquants pour que vous puissiez bien voir comment on peut tous nous induire en erreur et comment certains de nos plus grands historiens s’y sont laissé prendre. Prenons le journal personnel d’Henry Stimson. Henry Stimson – secrétaire américain de la guerre, conservateur, Républicain, gentleman grisonnant, droit, élégant, l’allure respectable – a tenu un journal personnel très fourni, tout comme d’autres membres du Cabinet, Dieu merci. Il se servait d’un dictaphone, en fin de journée, il s’isolait pour une séance d’enregistrement sur disque [et pas sur bande, la bande magnétique a été inventée dans le même temps chez les nationaux-socialistes]. Le lendemain, la secrétaire tapait à la machine ce que son patron avait enregistré la veille. Certaines de ces entrées quotidiennes font parfois 25 à 30 pages, et si vous allez à la Yale University on peut lire l’original. Je tiens à souligner l’importance qu’il y a à pouvoir consulter l’original si on veut écrire ou simplement connaître l’histoire véridique: ne vous fiez jamais à une version «imprimée» des carnets personnels, si vous en avez la possibilité, reportez-vous à l’original, ou au moins à des photocopies ou des microfilms, ce n’est que comme ça que vous allez aiguiser votre sens pour repérer les «altérations» faites après-coups.
Je me rappelle avoir lu l’un des carnets de Rommel : Rommel venait de perdre stupidement une bataille en novembre 1941, il s’est vite rendu compte de sa bévue, et il a demandé à son secrétaire, un caporal, de retaper la page du journal – pour refaire l’histoire après-coup ! Le caporal s’est assis et s’est religieusement exécuté, mais en retapant la page, il a fait l’erreur qu’on commet tous en début d’année en datant la page de novembre 1942 ! Un signe qui trahit immanquablement la tricherie.
La même chose s’est produite dans le journal d’Henry Stimson, pour le mois précédant Pearl Harbor. C’est en regardant l’original qu’on peut voir que les pages de cette période ont été «reprises», probablement par Stimson lui-même.
Chaque secrétaire a ses habitudes de frappes: elles indentent d’un certain nombre d’espaces au début des paragraphes, laissent deux ou trois espaces après un point ou une virgule, soulignent ou non la date, ont un certain nombre de lignes par page et ainsi de suite. Et la secrétaire de Stimson, représentant ce qui se faisait de mieux à Washington, ne faisait pas exception, elle tapait les carnets avec le plus grand soin. Cela veut dire que si elle enlève un paragraphe sur une page, ou ne serait-ce qu’une ou deux phrases et qu’elle retape, ça se voit. Et si c’est c’est retapé deux ou trois ans plus tard, ça se voit encore plus facilement, car entre-temps, la secrétaire aura changé.
Si on regarde dans les carnets de Stimson, on voit sur octobre et novembre 1941, les deux mois précédant Pearl Harbor, qu’à plusieurs reprises, des passages ont été retirés et que des pages ont été redactylographiées par une autre secrétaire, ça se voit justement aux signes que je viens d’évoquer. Et le jour même de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, on voit qu’à partir de la page trois, tout a été retapé, toujours par la même deuxième secrétaire, celle qui a redactylographié trois ou quatre ans plus tard, on reconnaît ses marques qui ne sont pas celles de la secrétaire originale. Combien d’historiens s’en sont aperçus ? Et est-ce que cela nous autorise à tirer des conclusions au sujet de ce qui a été rentré par la suite et de ce qui en a été sorti?
Eh bien la chance a voulu que le 4 novembre 1944, Stimson ait eu une curieuse conversation téléphonique avec Henry Morgenthau. Henry Morgenthau, secrétaire du trésor appelait Henry Stimson, très ennuyé parce qu’on accusait le plan Morgenthau de coûter la vie à l’équivalent de deux divisions de GIs : il l’appelait pour lui demander l’absolution, Morgenthau disait à l’autre Henry – Stimson- «dis leurs que ce n’est pas vrai, Henry!».
Or, si on va maintenant dans le journal de Morgenthau, à la bibliothèque Roosevelt à Hyde Park, on trouve cette très intéressante entrée au crayon, que personne n’a relevé – pas même Arthur Schlesinger Jr pour autant que je sache :
4 novembre 1944, 8:45 : « Téléphoné à Henry Stimson, Cold Springs [dans l’État de New York] et l’ai supplié de faire quelque chose [pour contester la déclaration de Dewey selon laquelle le plan Morgenthau avait prolongé la guerre]. Il avait l’air fourbu, fatigué comme jamais, il disait qu’il était épuisé par le travail que lui avait demandé ces deux dernières semaines le rapport sur Pearl Harbor en faisant attention d’écarter tout ce qui aurait pu porter atteinte au président».
Nous y voilà! À l’époque du coup de téléphone, il était en train de relire son journal en se disant, Mon Dieu, est-ce que ça je l’ai mis dans le journal ? Mieux vaut pas que ça y reste, Miss Moneypenny, auriez-vous l’amabilité de me retaper ça ?. C’est de la dissimulation.
Là encore, on peut se faire une idée de ce qui se trouvait dans ces pages, parce que sur l’ensemble de l’année 1941, pour chacun des autres mois, Stimsons notait chaque jour par le menu le résultat du décodage par les «machines magiques» des messages diplomatiques japonais qu’on lui remettait. Stimson les notait chaque jour jusqu’à ce que soudainement, juste avant Pearl Harbor, à partir du 3 novembre, toute référence au Japon s’évanouisse. À partir 3 novembre et jusqu’au 26 sans discontinuer, il n’y a plus aucune référence au Japon qui apparaisse dans la version éditée des carnets. Le plus vraisemblable, donc, c’est qu’il a fiévreusement parcouru ses notes et dans la panique fait un nettoyage par le vide! Il faut croire que ses notes montraient clairement que les Japonais étaient en train de préparer quelque chose.
Vent d’Est et Pluie – Higashi no kaze ame
Dans les archives britanniques, on retrouve les mêmes zones d’ombre, mais là encore, on ne peut les repérer que si on a travaillé le sujet en profondeur en consultant abondamment d’autres archives. Il s’agit cette fois de tout ce qui tourne autour du «message des vents» ou «code des vents» [Winds message ou Winds Code: messages météo répétés deux fois : «vent d’est et pluie (« Higashi no kaze ame ») = attaque imminente sur les USA, «vent d’ouest, beau temps» (« Nishi no kaze hare ») = attaque sur les Anglais avec invasion de la Thaïlande, et «vent du nord, nuageux» (« Kitano kaze kumori ») = attaque de l’Union soviétique].
Je ne vais pas me lancer dans une discussion en détail du «code des vents», qu’il suffise de dire que les Japonais avaient prévu, en cas de guerre imminente, une manière codée de prévenir leurs ambassades à l’étranger de qui serait l’ennemi et de quand l’attaque aurait lieu. Ils ont ainsi demandé à leurs ambassades d’être à l’affût des bulletins météo japonais diffusés tout autour du monde, dans le cadre d’une émission habituelle de radio Tokyo, en apparence parfaitement anodine. Les ambassades éloignées de Londres, Rome et Berlin devaient faire attention à certains messages qui devaient donner l’orientation des vents et s’il allait pleuvoir. Et ce «code des vents» – le message préparatoire établissant le code – diffusé depuis Tokyo le 19 novembre 1941, a été décodé par nous, Anglais et Américains, le 25 novembre.
Des consignes de vigilances furent adressées à toutes nos stations d’écoute, Singapour, Hong Kong, la côte Est et la côte Ouest des États-Unis et en Angleterre – pour qu’elles ne laissent pas échapper le «message des vents» au cas où le code serait activé.
Dans les archives américaines, il y des tonnes de document sur le «code des vents» : il faut consulter la Special Research Histories (SRH) de la National Archives, Record Group 457.
NSA’s Special Research Histories (SRH)
Vous verrez qu’il y a profusion d’exposés, de synthèses, de discussions, de controverses, de polémiques, d’auditions sur Pearl Harbor et le «code des vents». En Angleterre aussi il avait été recommandé de tendre l’oreille au «message des vents», parce que bien sûr, nous étions tout aussi susceptibles de le capter et parce que la propagation des ondes radio a ses caprices qui font que parfois les messages radios émis du Japon étaient interceptés par nous mais pas par les Américains. Nous étions aux aguets, et pourtant, si on regarde dans les archives britanniques relatives au Japon, si on regarde même dans les archives de la BBC, on ne trouve pas la moindre référence au «message des vents», ni à sa quête, ni au résultat de sa quête.
Avons-nous oui ou non capté l’exécution du code des vents le 4 décembre, trois jours avant Pearl Harbor, ce qui nous donnait un délai suffisant à nous et aux Américains, comme quoi le Japon s’apprêtait à attaquer l’Angleterre, s’apprêtait à attaquer les États-Unis, mais ne s’apprêtait pas à attaquer la Russie.
Eh bien je pense que oui. Je pense que nos services de renseignements ont intercepté le «message des vents» et que Churchill a ou n’a pas transmis cette information vitale États-Unis, nous allons y revenir dans un instant. Le plus grand cauchemar de Churchill en 1941, c’était de se retrouver embarqué dans une guerre avec le Japon – seul – les États-Unis restant attentistes jusqu’à la dernière minute pour finalement se dérober. C’est écrit noir sur blanc et un peu partout, aussi bien dans les délibérations de son cabinet qu’en privé. Mais bien entendu, les délibérations du cabinet ne sont pas très significatives parce qu’il contenait à peu près autant de cerveaux que l’orchestre du Johnny Carson Show [c’est-à-dire aucun : petite saillie à laquelle il ne faut pas s’arrêter, c’est juste une pique pour faire rire la salle]. Vous voyez, Churchill savait que Roosevelt voulait la guerre, mais Churchill était aussi familier du gros problème de Roosevelt, à savoir que le peuple américain ne voulait pas la guerre. Et Churchill a fait tout son possible pour tirer Roosevelt de ce dilemme.
Nous avions cassé le code des sous-marins allemands, nous savions où ils patrouillaient dans l’Atlantique, alors Churchill prenait bien soin que nos convois escortés par des navires Américains soient dirigés droit vers eux dans l’espoir que les U-boats couleraient un navire américain. C’est ce genre de chose que nous découvrons au fur et à mesure que les dossiers sont déclassifiés. Vous commencez à comprendre où se trouve l’intérêt national supérieur de l’Angleterre: que ces choses ne soient pas divulguées.
Joseph Kennedy, ambassadeur encombrant à Londres
En 1941, Churchill avait un autre caillou dans la chaussure, l’ambassadeur des États-Unis à la Cour de St.James, Joseph P. Kennedy. Joseph P. Kennedy, l’un de mes personnages préférés de la guerre, père du président Kennedy qui lui n’est pas peut-être pas un de mes personnages préférés. Joseph Kennedy était un catholique irlandais affiché, Roosevelt avait fait preuve d’une certaine malice en le nommant à Londres et il a volontiers reconnu qu’il n’était pas mécontent de sa petite blague. Une blague que ne faisait pas du tout rire Churchill lorsqu’il est arrivé Premier ministre.
Kennedy avait la manie de rapporter à Washington la vérité! Lorsque Kennedy en est venu à demander à Chamberlain, Premier ministre, pourquoi il ne prenait pas Churchill à son cabinet, la réponse fut que «l’homme était devenu très instable et qu’il buvait à présent des deux poignets». Churchill savait ce que Kennedy racontait parce qu’il pouvait aussi lire le code diplomatique américain et il a fait tout son possible pour se débarrasser de lui, loyalement ou par-derrière. En fait, comme son journal l’indique sans ambigüité (journal qui par ailleurs ne manque pas de sel dans certains de ses passages particulièrement antisémites), Kennedy était convaincu que Churchill était capable de toutes les bassesses pour entraîner les USA dans la guerre. Dans un de ses télégrammes il rapporte à Washington qu’il croit que Churchill en 1940 envisageait de faire bombarder l’ambassade des États-Unis à Londres en prétendant que ce sont les Allemands qui l’avaient fait!
Plus tard courant 1940, Kennedy décide de s’octroyer un peu de vacance en Floride, il prend alors l’avion pour Lisbonne et là, s’embarque à bord du USS Manhattan pour traverser l’Atlantique, et dans un petit accès de panique, parce qu’il sait à qui il a affaire, il envoie un télégramme au State Department disant : «merci d’annoncer que si le USS Manhattan est torpillé et coulé, que cela ne soit pas considéré comme un casus belli, que les États-Unis ne déclareront pas la guerre pour ça parce que j’ai des raisons de penser que Churchill envisage de torpiller le USS Manhattan sachant que je suis à bord !». Or ce télégramme ne se trouve pas dans les volumes publiés des relations étrangères des États-Unis, je l’ai trouvé dans les archives (à Suitland dans le Maryland), et j’en ai fait mention dans le premier tome de ma biographie de Churchill, d’autres télégrammes tout aussi hilarants sont dans le tome suivant. Ils ont le mérite de faire voir que Kennedy avait bien vu ce que Churchill avait derrière la tête: entraîner les États-Unis dans la guerre de bon gré malgré.
Vers le milieu de 1940, Churchill s’est lancé dans l’achat aux États-Unis d’une cinquantaine de destroyers de la Première Guerre mondiale en échange de précieux territoires de l’Empire Britannique: certaines îles des Caraïbes, une partie de Terre-Neuve et une partie de la Guyane britannique contre 50 destroyers totalement inutilisables, aucun n’a été envoyé en opération sauf un, le Campbelltown qui a été tout juste bon à être rempli d’explosif, remorqué à travers la Manche et coulé à l’entrée du port de St Nazaire en mars 1942. En d’autres termes, ce n’était pas une très fameuse affaire, Adolf Berle, le secrétaire d’État adjoint responsable des affaires latino-américaines, note dans son journal: «d’une bouchée nous avons pu obtenir de beaux morceaux de l’Empire Britannique en échange de rien» – à savoir, les 50 destroyers. C’était l’une des méthodes de Churchill pour essayer de pousser les États-Unis toujours plus au bord de la guerre.
25 août 1940 Churchill Bombarde Berlin – Ich werde ihre Städte ausradieren !
Une autre de ses méthodes était beaucoup plus cynique. Comme il disait à Kennedy en juin ou juillet 1940 : «Vous verrez quand Adolf Hitler commencera à bombarder Londres, à bombarder des villes comme Boston et Lincoln qui ont leurs homonymes aux USA, vous ne pourrez pas rester impassibles à nous regarder souffrir». Mais comme le code de la Luftwaffe avait été percé le 26 mai 1940, il savait par les messages interceptés qu’Hitler avait donné des ordres strictes pour qu’aucune ville anglaise ne soit touchée par les bombardements, Londres était totalement sanctuarisé. Les forces aériennes allemandes étaient autorisées à bombarder les ports, les rades et les chantiers navals, mais pas les villes en tant que telles.
Churchill en était grandement chagriné et se demandait si Hitler allait continuer comme ça pendant longtemps: à présent nous le savons, Hitler a tenu jusqu’en septembre 1940. Jusqu’à cette date l’exclusion des villes est resté en vigueur, on le sait par les archives allemandes et on sait que Churchill connaissait les consignes d’Hitler puisque le code allemand avait été percé: en aucun cas ne prendre l’initiative de bombarder les villes. Donc il n’y aurait pas moyen d’amener les Américains à la guerre par ce biais sauf si on parvenait à provoquer Hitler à le faire. C’est bien pour ça que le 25 août 1940, Churchill donnait l’ordre à la RAF d’aller bombarder Berlin, et ce, malgré l’avertissement du chef du bomber command et du chef d’état-major de la RAF comme quoi si on bombardait Hitler, il pourrait bien lever les restrictions sur les villes anglaises. Et Churchill de cligner des yeux, parce que c’était bien le but de la manœuvre.
À 9:15 du matin ce 25 août, il téléphonait personnellement au chef du bomber command, pour bombarder Berlin – cent bombardiers devaient décoller, c’est ce qu’ils ont fait le soir même et Hitler ne bougeait toujours pas. Alors Churchill ordonnait un autre raid sur Berlin, et ainsi de suite pendant les sept ou dix jours suivants, jusqu’à ce qu’enfin, le 4 septembre, Hitler perde patience et fasse son fameux discours du palais des sports de Berlin dans lequel il disait: «ce fou a bombardé Berlin sept fois, s’il recommence une seule fois, alors je ne ferai pas qu’attaquer leurs villes, je les effacerai!». (« Ich werde ihre Städte ausradieren!« ). Un discours resté célèbre, on le cite aux écoliers Allemands, mais sans leur dire ce qui s’était passé avant. On ne leur dit pas que Churchill a provoqué le bombardement de sa propre capitale en s’empressant d’ordonner un nouveau bombardement sur Berlin dès le lendemain et qu’alors bien sûr, les Allemands ont commencé à bombarder les docks de Londres, l’Est de Londres et finalement la City et le West End les 6 et 7 novembre 1940. En septembre 1940, 7 000 Londoniens furent tués dans les bombardements du fait de la provocation délibérée de Churchill. Les fichiers sont là, les archives sont là, pas étonnant que Macmillan soit réticent à publier mon livre!
Les conversations téléphoniques Churchill – Roosevelt
Et pourtant, les Américains ne venaient toujours pas et Kennedy était toujours l’ambassadeur. Churchill a remué ciel et terre pour le faire démettre et rappeler aux États-Unis. Churchill, figurez-vous, était secrètement de mèche avec Roosevelt depuis le début de la guerre. En fait, si ces télégrammes montrent la connivence des deux hommes à partir d’octobre 1939, il conviendrait de se demander ce qu’il y avait entre eux en privé avant. Je pense pour ma part qu’il devait y avoir des émissaires secrets qui faisaient la navette.
Nous savons que Roosevelt a envoyé en Angleterre le juge Felix Frankfurter l’un de ses plus proches conseillers et intimes. Nous savons que Frankfurter est venu et nous savons le genre de conseil qu’il a donné à Churchill et c’était avant la guerre. Nous savons que Churchill envoyait fréquemment ses propres hommes de confiance à Roosevelt. Plus révélateur, nous savons que même alors que Churchill, n’était que ministre à l’époque, pas Premier ministre, mais simplement Premier Lord de l’amirauté (ministre de la marine: il l’avait déjà été en 1913), Roosevelt lui téléphonait souvent.
Franchement, je ne sais pas pourquoi Neville Chamberlain a pu tolérer ça en tant que Premier ministre: qu’un président qui était à la tête d’une puissance neutre puisse passer par-dessus la tête du Premier ministre, dans son dos, dans le dos de tout le cabinet, pour entretenir des conversations téléphoniques en temps de guerre avec un ministre, un ministre subordonné, un ministre subordonné ambitieux en la personne de Winston Churchill. Peut-être parce que Chamberlain avait piégé le téléphone et préférait avoir un diable qu’il connaissait plutôt qu’un qu’il ne connaissait pas! Malheureusement, ces conversations téléphoniques qui se sont poursuivies longtemps après que Churchill soit devenu Premier ministre, n’ont bien entendu pas été archivées. J’ai tout retourné pour essayer de retrouver la retranscription de ces conversations, parce que c’étaient des conversations directes d’homme à homme, sans la présence de comités, sans télégramme rédigé par des sous-secrétaires, il s’agissait véritablement de deux acolytes de connivence en train de conspirer.
Aux États-Unis, ces conversations téléphoniques ont été interceptées et censurées par le département de la Navy. C’est la Navy qui était chargée de la censure des communications télégraphiques et téléphoniques aux États-Unis. Et malheureusement Harry Truman – pas un grand homme d’État, que Dieu le bénisse – a ordonné à la fin de la guerre que les enregistrements du bureau de la censure devaient rester secrets à jamais. Donc, si les retranscriptions de ces conversations téléphoniques figurent dans ces dossiers, nous ne saurons jamais ce que les deux hommes se sont dit, et pourtant, il faudrait que nous le sachions. En Angleterre, non plus, aucune transcription n’a filtré, il est pourtant inconcevable qu’à chaque extrémité de la ligne téléphonique il n’y ait pas eu une petite main pour sténographier les conversations entre les deux hommes.
Il est clair que les deux hommes ont fait l’essentiel de leur travail par téléphone. Lorsque Rudolph Hess a fait son vol inconsidéré vers l’Écosse en 1941 et que Churchill l’a fait enfermer sous clé par les services secrets britanniques, Roosevelt de son côté, ne parvenait pas à comprendre l’attitude des Anglais en la circonstance et aurait au contraire voulu exploiter l’histoire de Hess dans un film de propagande.
En fin de compte, c’est un membre de l’équipe personnelle de Roosevelt qui lui a envoyé un mémorandum, à mon avis hautement significatif, disant : «Je pense qu’il est temps de procéder à un petit travail téléphonique». Un travail téléphonique ! Comme si c’était une sorte de mot convenu à la Maison-Blanche. [«telephone job» rappelle en plus l’argot britannique «blow job» – fellation, en général, pas le genre de chose qui se fait en public et qu’on archive …]. Le mémorandum de poursuivre : «ça ne peut pas passer par les circuits habituels du Département d’État, il faut que ça se passe au téléphone». C’est donc sur ce canal que les historiens devraient se pencher en premier lieu s’ils veulent comprendre comment on en est arrivé à Pearl Harbor. Il faut qu’ils obtiennent les transcriptions de ces conversations téléphoniques.
Les Carnets de Wickard, Secrétaire à l’agriculture
Il y a eu une réunion clé du cabinet le 7 novembre 1941, une réunion qu’on retrouve mentionnée dans le journal personnel d’Henry Stimson, et aussi, ça peut paraître étonnant, dans celui de Claude Wickard, le secrétaire à l’agriculture. On ne s’attendrait pas à trouver des secrets militaires dans les carnets du secrétaire de l’agriculture, mais c’est justement le genre de source indirecte que j’aime fouiller. Je me souviens que j’étais assis aux archives à côté d’Arthur Schlesinger, le fameux spécialiste de Roosevelt, et je lui ai tiré le coude pour lui faire voir ces passages des carnets manuscrits de Wickard qui rendent compte des réunions du cabinet de Roosevelt et qui ne sont enregistrés officiellement nulle part ailleurs. Et Schlesinger, bouche bée, de dire : «ouai, je connaissais pas ces trucs-là». Le 7 novembre 1941, donc, Roosevelt tenait une réunion de son cabinet dans lequel il révélait que Churchill l’avait appelé quelques jours plus tôt et qu’il lui avait recommandé une frappe préventive sur le Japon.
On commence à se faire une idée plus juste de qui poussait qui ! C’est nous [les Anglais] qui essayons de jeter les États-Unis dans la guerre par tous les moyens, avant même que celle-ci n’éclate, des moyens qu’on n’aurait jamais crus pensable.
Déjà, j’en suis sûr, c’est nous qui lors d’une conversation téléphonique entre Churchill et Roosevelt dans la nuit du 24 au 25 juillet 1941, avons convaincu Roosevelt de prendre l’initiative fatidique de sanction contre le Japon, des sanctions par lesquelles le Japon ne pourrait plus être approvisionné ni en pétrole ni en matières premières vitales, des sanctions qui mettaient le Japon au pied du mur parce que ses réserves de pétrole étaient en train de s’épuiser. Il menait une guerre en Chine qu’il ne pourrait plus poursuivre, à moins par exemple de se lancer dans une guerre contre les Indes Orientales néerlandaises où il y avait des gisements. Je crois que c’est Churchill qui est à l’origine de cette initiative, nous avons fait tout ce que nous pouvions en 1940 -1941 pour empoisonner la situation, nous avons délibérément dirigé les convois américains vers les sous-marins allemands.
La Bolivie déclare la guerre à l’Allemagne
Sir William Stephenson, souvenez-vous, l’homme qu’on surnommait «Intrepide», le chef de l’antenne américaine des services secrets britanniques. Sir William Stephenson alimentait en faux document Roosevelt par l’intermédiaire de William Donovan, le chef de l’OSS, Wild Bill, un homme que nous avions nous-mêmes fait nommer à la tête des services secrets américains – quelle étrange coïncidence me direz-vous. Il s’agissait de documents censés prouver qu’Hitler était sur le point d’envahir l’Amérique du Sud. Par exemple, un infortuné major, Elias del Monte, qui était l’attaché militaire Bolivien à Berlin, a retrouvé sa signature au pied d’une lettre qu’il était censé avoir écrite à son gouvernement à La Paz, donnant les plans d’invasion allemands de la Bolivie. Comme par hasard, del Monte était immédiatement rappelé à La Paz et démit de ses fonctions avec un petit chèque à la clé. La Bolivie déclarait la guerre à l’Allemagne, tout ça à cause d’une lettre que nous avions nous-mêmes, les Anglais, trafiquée. La fraude est ressortie en 1972, lorsqu’elle a été révélée, del Monte, qui était toujours en vie, a été réintégré avec les honneurs, promu général, et il y a eu une grande parade en son honneur. L’un des épisodes rocambolesques de la Seconde Guerre mondiale!
Un agent des services secrets britanniques avait de son côté réussi à duper le gouverneur de la Guyane hollandaise en lui faisant croire qu’un corsaire allemand opérait dans leurs eaux. Ce pays a donc lui aussi déclaré la guerre à l’Allemagne.
Projet d’assassinat en Colombie
Le 2 août 1941, nous passions des documents à Bogota censés prouver des plans visant à créer des émeutes dans la capitale, mais les Colombiens n’ont pas marché. En 1942, nous sommes montés d’un cran, attention, ce qui va suivre n’est pas tiré d’un témoignage bancal quarante ans après pour «60 Minutes» [une émission télé] c’est enregistré dans les archives de Département d’État. En mai 1942, l’ambassadeur américain à Bogota adressait un télégramme passablement affolé au Département d’État disant : «j’ai été approché par mon homologue britannique qui m’a dit que le chef de leur antenne locale du SiS [Secret Intelligence Service], Stagg, attaché à leur ambassade à Bogota, avait reçu des ordres de son quartier général en vue de l’assassinat du ministre des affaires étrangères de Colombie, et qu’il demandait à l’ambassade américaine l’assistance technique pour exécuter sa mission. Est-ce qu’on doit donner suite à ça !». Et le département d’État de répondre dans la foulée : «Vous n’avez pas à y donner suite! Nous désapprouvons totalement ce genre d’opération et nous commençons à en avoir assez des agissements des services secrets britanniques en Amérique du Sud !».
J’étais perplexe, pourquoi fallait-il que ce ministre des affaires étrangères colombien soit «neutralisé» – pour parler comme aujourd’hui – par les services britanniques? Alors je me suis donné beaucoup de mal pour tirer l’affaire au clair, j’ai vérifié tous les bottins diplomatiques, recherché tous les Stagg dans les archives, et ai trouvé un certain Louis Stagg qui avait été dans le plus pur style Graham Greenesque, un honorable correspondant à la Havane, puis qui avait été affecté en Amérique du Sud. Il était vivant et en bonne santé, il habitait Paris, alors je suis parti l’interroger, et oui, c’était vrai, on lui avait demandé d’assassiner le ministre des affaires étrangères colombien. J’ai alors contacté les autorités colombiennes, pouvaient-elles me faire un petit topo sur ce ministre? Était-il particulièrement pro-allemand? «Oh non, il était très anglophile !». Le mystère s’épaississait. Pourquoi aurions-nous assassiné un ministre des affaires étrangères colombien probritannique en mai 1942 ? La réponse, c’est que le ministre devait de toute façon partir à la retraite à la fin du mois ! Et on aurait mis l’assassinat sur le dos des Allemands. J’ai mis ça dans le volume II, inutile de préciser que Macmillan risque de tiquer aussi là-dessus.
Roosevelt, discours de la « carte secrète »
Le jour de la Marine, le 27 octobre 1941, Roosevelt faisait cette déclaration au sujet de bateaux américains coulés : «l’Histoire se souviendra de qui a tiré en premier», disait-il, «Hitler a souvent protesté de ce que ses plans de conquête n’allaient pas au-delà de l’Atlantique, ses sous-marins et ses navires corsaires viennent de prouver le contraire, tout comme le fait l’ensemble de sa conception d’un nouvel ordre mondial». Par exemple, disait Roosevelt, «J’ai en ma possession une carte secrète élaborée par les services d’Hitler – par les planificateurs d’un nouvel ordre mondial», carte en réalité imprimée au bureau de la papeterie de Sa Majesté à Londres … «C’est une carte de l’Amérique du Sud et de l’Amérique Centrale telles qu’Hitler se propose de les organiser. Aujourd’hui toute cette aire est constituée de 14 pays, mais les experts géographes de Berlin ont sans égards effacé les frontières existantes et ont divisé l’Amérique Latine en cinq États vassaux, plaçant l’ensemble du continent sous leur domination. Cette carte nous révèle au grand jour les intentions des nazis, non seulement pour l’Amérique du Sud, mais contre les États-Unis eux-mêmes».
Je dois dire qu’en tant qu’Anglais, je suis assez fier de ce genre de coup : c’est nous qui avons imprimé la carte, nous qui l’avons donnée à Stephenson l’Intrépide, qui l’a donnée à Donavan, qui l’a donnée à l’OSS, qui l’a donnée à la Maison-Blanche qui l’a donnée au président qui l’a lui-même donnée aux archives de Roosevelt où on peut aujourd’hui la voir à la bibliothèque de Roosevelt à Hyde Park à New York : l’authentique fausse carte nazie prouvant qu’Hitler planifiait d’envahir l’Amérique du Sud. Comme si Hitler n’avait pas déjà assez de pain sur la planche ! Tout en se débattant devant Moscou, il avait apparemment le temps, de sa main gauche, de préparer l’invasion de l’Amérique Latine, puis la marche vers le haut, vers les USA et Washington.
Mais est-ce que Roosevelt lui-même était dupe ? La réponse est non, évidemment non. Il savait pertinemment que cette carte lui avait été fournie par les services secrets britanniques, son but était d’épouvanter son propre peuple pour lui faire prendre les armes.
Antisémitisme en Grande-Bretagne
Les autres intervenants de la partie épique qui se jouait sur l’échiquier de Churchill, c’étaient les sionistes. Ils ont donné à Churchill du fil à retordre, ça a commencé dès le début de la guerre. Ils se sentaient lésés parce qu’ils n’avaient pas peu contribué au financement de son ascension au pouvoir au milieu des années 30, mais à présent qu’il était en place, comme il arrive souvent, il ne voulait plus les connaître. Mais on ne se débarrasse pas d’eux si facilement, et ils battaient le pavé sans arrêt devant le10 Downing Street, exigeant la constitution d’une armée juive, exigeant un arsenal et des munitions en Palestine et menaçant de graves conséquences s’il ne se pliait pas à leurs plans.
Churchill n’avait toutefois pas d’autre alternative que de les ignorer pour le moment. C’est que l’Angleterre durant tout le début de la guerre, connaissait une marée montante d’antisémitisme. On ne trouve pas ça écrit dans les histoires officielles, mais c’est là, dans les archives, celles du service de la censure des lettres en Angleterre et celles du Home secretary – le ministère de l’intérieur.
L’antisémitisme en Angleterre n’était pas une mince affaire et ne pouvait en aucun cas être pris à la légère par les autorités, j’en fais part dans mon tome II. Le stéréotype du Juif paresseux, fourbe, accapareur, se retrouve dans les écrits de beaucoup de hauts fonctionnaires, dont Anthony Eden. C’était pour partie l’écho de la propagande d’Hitler, et pour partie une perception indépendante des autochtones Anglais eux-mêmes qui avaient vu débarquer d’Europe des migrants sans le sou se faire rapidement une situation. Je cite un document : «La montée de l’antisémitisme en Angleterre est pour partie le fait de réfugiés Juifs qui s’en sont mieux sortis que d’autres immigrants», écrivait Robert Bruce Lockhart, l’avisé directeur du Psychological Warfare – guerre psychologique – commentant des cas de notoriété publique de marché noir. Il aura plus tard l’occasion de noter dans son journal le grand nombre de taxis «plein de Juifs, qui se rendaient aux courses d’Ascot».
En mars 1941, il apprit que Lord Beaverbrook avait demandé une enquête sur le vice-marshal de l’air John Slessor : «Est-ce qu’il était Juif, est-ce que c’était un défaitiste ?». En juillet le secrétaire d’Eden observait dans son journal : «La guerre n’a pas rendu les gens plus philosémite.», à quoi il ajoutait trois semaines plus tard : « Les Juifs sont à eux-mêmes leurs pires ennemis par leur conduite sur le marché des denrées alimentaires et en envahissant les beaux quartiers». Et ainsi de suite.
Churchill et les Sionistes
L’insidieuse montée de la colère antisémite n’était pas une chose que Churchill pouvait se permettre d’ignorer. Donc peu importait, les Juifs pouvaient toujours venir le voir aussi souvent qu’ils le voulaient, Churchill ne pouvait pas céder à leur pression en disant: «Très bien, vous pourrez avoir votre propre État, je vous promets de faire une déclaration dans ce sens et nous allons déjà commencer par mettre sur pied une armée juive». Il y avait des unités juives dans l’armée britannique, elles se défendaient très bien dans certains cas, mais il ne pouvait pas faire autre chose que de les assurer de sa sympathie, et encore, seulement du bout des lèvres.
J’ai eu accès aux papiers personnels de Chaim Weizmann, le premier président de l’État d’Israël qui était à l’époque le chef de l’Agence Juive. Ils sont très intéressants en ce qu’ils permettent de voir comment se sont déroulés ces tractations, ces marchandages et ces chantages.
Le 27 août 1941, pour la première fois, Weizmann faisait allusion au levier que pouvaient représenter les Juifs d’Amérique vis-à-vis de Roosevelt. Il rappelait à Oliver Harvey, le secrétaire d’Eden, que les Juifs étaient une minorité très influente aux USA (Quoi de neuf? comme disent les Français!). Le secrétaire américain au trésor, Henry Morgenthau Jr [|Juif] était particulièrement soucieux de ce que l’Angleterre permette à plus de Juifs de s’installer en Palestine. «L’entourage du président est très Juif», notait Harvey pour bien appuyer les remarques de Weizmann. Toutefois, le chef de file sioniste ne pouvait approcher Churchill. (Ike a obtenu les cartes de rendez-vous de Churchill, je les ai louées à celui qui les avait volées et on voit combien de fois Weizmann n’a pas pu voir Churchill).
Le 10 septembre 1941, Weizmann écrivait un courrier étonnamment direct au Premier ministre par lequel il rappelait comment les Juifs aux USA avaient déjà fait entrer le pays dans la Première Guerre, et comment ils pourraient le refaire – à condition toutefois que l’Angleterre suive la ligne sioniste sur l’immigration en Palestine. Il rappelait à Churchill que deux ans s’étaient écoulés depuis l’offre par l’Agence Juive du soutien à l’Angleterre des Juifs de Palestine et du monde entier. Une année entière s’était écoulée, ajoutait-il, depuis que le Premier ministre avait personnellement approuvé son offre de recruter des Juifs en Palestine, mais pendant deux ans, se plaignait Weizmann, l’Agence Juive n’a eu que rebuffades et humiliations.
«Torturée par Hitler comme aucune autre nation des temps modernes», poursuivait-il, «et déclarée par lui comme son principal ennemi, on se voit dénier par ceux qui le combattent, une chance de voir notre nom et notre drapeau figurer dans les rangs de ceux qui se dressent contre lui».
Associant adroitement les antisionistes aux autres ennemis peuplant l’esprit de Churchill, Weizmann l’assurait de ce qu’il comprenait fort bien que cette exclusion n’était pas de son fait [à Churchill] : «C’est l’œuvre de ceux qui sont responsables de Munich et du livre blanc sur la Palestine de 1939». Après avoir parlé de sa tournée de quatre mois aux États-Unis, Weizmann en venait au véritable objet de son courrier. Il n’y a qu’une grande communauté ethnique désireuse de se dresser comme un seul homme en faveur d’une aide tous azimuts en faveur de la Grande-Bretagne: les cinq millions de Juifs en Amérique. Du secrétaire Morgenthau, du gouverneur Lehman [de l’État de New York], du ministre de la Justice Felix Frankfurter jusqu’au plus modeste travailleur ou commerçant Juif, ils sont conscients de tout ce que cette lutte contre Hitler implique. «Les hommes d’État Anglais eux-mêmes», rappelait-il à Churchill, «ont souvent reconnu que c’étaient ces mêmes Juifs qui avaient effectivement amené les États-Unis dans la guerre en 1917. Ils sont fiers de l’avoir fait, et sont impatients de pouvoir le refaire».
«Mais», prévenait-il sentencieusement, «vous avez affaire à des êtres humains de chair et de sang, et le plus élémentaire respect de soi trace des limites à la serviabilité, si grande soit-elle, si en retour il n’y a rien d’autre que rebuffades et vexations». Tout ce qu’il demandait pour le moment, c’était la création d’une force armée juive, cela constituerait un signal suffisant pour les Juifs d’Amérique.
C’est le genre de chantage que Churchill a dû supporter durant toute la guerre de la part des sionistes. Et, bien entendu, si le chantage ne marchait pas, ils se mettaient à assassiner nos compatriotes du Moyen-Orient. C’est quelque chose qui, étrangement, est bien souvent oubliée des admirateurs des Begin, Shamir et consorts: alors que le monde entier se battait contre Hitler, les sionistes au Proche-Orient n’avaient rien de mieux à faire que de se battre contre nous!
Conversation Frankfurter – Schmidt
Felix Frankfurter, en fait, apparaît dans les interceptions japonaises. En effet, le 18 novembre 1941, les Japonais sont tombés sur un certain Schmidt qui avait eu une longue conversation avec le ministre de la Justice, Felix Frankfurther. Le message, intercepté et décodé par la marine américaine, était un télégramme de Nomura à Washington à Tokyo, rapportant le contenu de sa conversation avec Schmidt qui sortait de chez Frankfurter. Schmidt avait dit qu’Hitler serait le seul bénéficiaire d’une éventuelle guerre américano-japonaise. Si le Japon faisait le premier pas, la guerre aurait le soutien de la population américaine. Frankfurter, aurait quant à lui affirmé:
«L’Allemagne a été fine en ce sens qu’elle a fait tout son possible pour éviter de provoquer les États-Unis, de ce fait, en dépit de tous ses efforts pour attiser la flamme antigermanique, le Président ne parvient pas à avancer comme il le voudrait».
Mais quelle phrase scandaleuse! Voici un pays, l’Allemagne, qui essaie d’éviter la guerre, et l’autre – le pays neutre de Roosevelt – qui essaie de souffler sur les braises des sentiments antigermaniques pour faire partir une guerre. Et ce sont les Allemands qu’on appelle les criminels et les Américains qui jouent les procureurs. [à Nuremberg, les Allemands ont été accusé de crime contre la paix par les Américains sur la base du protocole de Hossbach]. Et tout ça apparaît dans un télégramme japonais au sujet de Frankfurter et d’un autre Juif parti d’Autriche du nom de Schmidt.
Churchill et le centre d’écoutes de Bletchley Park
Donc se pose le problème du Japon: comment faire entrer l’Amérique en guerre. Je reviens sur le fait que nous étions en mesure de suivre les communications japonaises, probablement à une bien plus grande échelle que les Américains. Nous nous étions lancés dans le perçage des codes depuis bien plus longtemps qu’eux. [FG, c’est d’ailleurs une nécessité vitale pour un empire d’écouter tout le monde]
En 1940, nous avions 3 000 agents qui travaillaient au décodage dans les installations de Bletchley Park, et nous avions des antennes spécialisées exclusivement dans l’interception des messages japonais. Les diverses antennes étaient compartimentées, de sorte que chacune ne savait pas nécessairement ce que faisaient les autres. Les Américains dans le même temps, n’alignaient en tout et pour tout que 180 déchiffreurs, il n’est donc pas étonnant que nous fassions mieux qu’eux à l’époque. Nous savions lire, je pense, le JN25, le code de la marine nippone. Lorsqu’on parcourt les archives américaines, on trouve des messages en JN25 que les Américains avaient eux aussi réussi à percer quelques années après nous, des messages qui remontent à trois ou quatre semaines avant Pearl Harbor, ce qui montre bien que quiconque lisait ces messages était en mesure de prévoir une attaque imminente.
Je pense donc qu’il n’est pas exagéré de conclure que si nous ne publions aucune de nos interceptions japonaises dans les archives britanniques, c’est parce que nous aurions trop honte de révéler que nous lisions le JN25 en 1941.
Churchill, entre les mains duquel tous les fils de la communauté du renseignement convergeaient, Churchill, et sa vision olympienne de tout ce qui se passait autour de lui, était celui qui insistait pour que renseignements de guerre lui parviennent sans filtre et en exclusivité. Churchill savait dès la mi-novembre 1941 que les Japonais étaient sur le point d’attaquer l’Amérique et, très probablement, il savait que l’attaque se produirait à Hawaï contre la flotte du Pacifique. Il n’avait sans doute pas espéré qu’elle aurait l’envergure et la réussite qu’elle a eues, mais nous savons qu’il connaissait les autres éléments du puzzle parce qu’on retrouve la trace dans les archives britanniques et américaines des mesures qu’il a prises en conséquence. Nous savons qu’il savait que le premier, le deux, le trois et le quatre décembre, ces jours précédant Pearl Harbor, que les Japonais avaient envoyé des signaux à leurs ambassades de Londres, de Washington, ainsi bien sûr qu’à celles de Hong Kong et de Singapour et à toutes leurs missions diplomatiques, de détruire leurs machines de cryptage.
Or, quand vous demandez à vos ambassadeurs de détruire leurs machines à encoder, c’est que vous êtes dans la dernière étape, ça signifie que quelque chose est sur le point d’arriver, que ça va faire du vilain. Et si vous leur demandez en plus de se servir de produits chimiques spéciaux pour détruire les dossiers secrets, ça ne fait que confirmer, et ça explique en outre pourquoi vous comptez sur vos ambassadeurs pour qu’ils écoutent attentivement certains messages météo cryptiques comme étant l’indication final du moment et du lieu où la chose terrible doit se produire.
Nous avons eu ces messages. Nous avons intercepté celui par lequel Tokyo demandait à son ambassadeur à Berlin d’aller voir Hitler pour lui dire que la guerre allait éclater plus tôt qu’on ne l’imaginait. Nous avons intercepté les messages japonais vers les ambassades de Londres, de Washington, de Hong Kong et de Singapour demandant que les machines du chiffre soient détruites et de faire usage des produits chimiques pour détruire les dossiers secrets.
Churchill allume la radio trop tard
Le 7 décembre, le jour de Pearl Harbor, Churchill conviait l’ambassadeur américain, ce n’était plus John Kennedy, mais un libéral plus lisse et malléable, John G. Winant, à venir manger avec lui le midi et le soir à Chequers Court, la scène où se sont joué tant d’événements décisifs de la vie de Churchill, les fameuses ouvertures et fermetures des fenêtres de son corridor.
Le repas de midi s’est passé normalement. Mais alors que l’heure du dîner approchait, Churchill, assez mystérieux, demanda qu’on installe un poste de radio sur la table de la salle à manger. C’est un visiteur Américain, Hopkins, qui le lui avait offert quelques mois plus tôt, le genre de poste à $20 qui s’allume quand on soulève le capot. Mais si vous vous en souvenez, en ce temps-là, ça ne venait pas tout de suite, il fallait que ça chauffe quelques minutes. Or, Churchill ne maîtrisait pas bien ces nouveaux postes portables, il a surveillé sa montre en attendant les informations de 9 heures, en Angleterre c’est l’heure du bulletin principal, et il a soulevé le capot. Les informations qui ont fini par jaillir, concernaient une opération britannique contre Rommel dans le désert occidental, l’opération Crusader : la bataille se déroulait bien, Montgomery escomptait de nouvelles avancées le lendemain et ainsi de suite.
Et Churchill ne comprenait pas ce qui n’avait pas marché. Finalement, bougonnant, il rabat le capot et emporte la radio. Ce n’est que quinze minutes plus tard que son majordome faisait irruption en s’exclamant devant le Premier ministre : « Vous avez entendu la nouvelle? Les Japonais ont bombardé la flotte américaine à Pearl Harbor !».
Si on lit les mémoires de Churchill, on trouve la scène à moitié décrite. Si on lit celles de Winant – que j’ai lues dans leur version originale sur papier – on voit la même scène décrite de son point de vue. Mais ce n’est qu’en consultant dans les archives de la BBC le script de l’émission qu’on voit ce qui est arrivé. La nouvelle du bombardement de Pearl Harbor n’est parvenue qu’une ou deux minutes avant l’émission, alors le responsable de l’émission s’est saisi de la première page de son script qui était intégralement consacrée au triomphe impérissable de l’offensive britannique dans le désert occidental en Afrique, et en haut de la page a écrit une ligne pour dire «nous recevons la dépêche d’une attaque japonaise sur la flotte américaine de Pearl Harbor, nous vous en dirons plus dans la soirée». Ça lui a pris 10 ou 15 secondes puis il est passé à l’attaque contre Rommel. Juste à les fin des informations il a dit : «revenons maintenant sur l’information principale qui nous arrive au sujet de l’attaque japonaise de Pearl Harbor».
Et c’est là qu’on comprend, en analysant le script de la BBC, que c’est justement l’information que Churchill attendait. C’est pour ça que la radio était sur la table [et c’est pour ça que l’ambassadeur était invité !]. Cette scénette est la preuve, pour moi, que Churchill savait pour Pearl Harbor.
Nous savions Pearl Harbor cinq jours à l’avance
Si on se rend à la bibliothèque de la Boston University, on trouve un autre petit indice, dans le journal de bord d’un homme de presse britannique, Cecil King. Il était durant la guerre le directeur et le rédacteur en chef du tabloïde Daily Mirror, et de son supplément, le Sunday Pictorial. Ses carnets personnels sont authentiques, ils rempliraient deux valises. Des petits carnets de poche, écrits au stylo à plume. On peut toujours établir l’authenticité de ce genre de carnets au fait que l’encre change légèrement d’un jour sur l’autre, si c’est le cas, il s’agit d’authentiques. Quelques jours avant Pearl Harbor, Cecil King notait dans son carnet : « ai eu un très intéressant repas ce midi avec Hugh Cudlip», or, Hugh Cudlip était un autre magnat de la presse en Angleterre, ce n’était pas le premier venu, mais quelqu’un qui évoluait dans les hautes sphères, quelqu’un que les gros bonnets de Downing Street ne pouvaient se permettre d’ignorer. Cecil King poursuit dans son carnet: « ai eu un très intéressant repas ce midi avec Hugh Cudlip, il m’a fait part d’un fait sensationnel comme quoi nous savions pour Pearl Harbor cinq jours à l’avance !». Ce petit passage, il fallait le trouver : les indices sur un sujet ne sont pas toujours où on les attend.
Aussitôt la nouvelle tombée et confirmée, Churchill téléphonait à Roosevelt en disant «Nous voilà tous sur le même bateau».
En consultant les papiers de ceux qui étaient avec Roosevelt ce jours-là, on trouve d’autres traces de tricheries. Harry Hopkins, par exemple, se fendait de toute une page dactylographiée pour rapporter cette journée aux côtés de Roosevelt, une page élogieuse, glorieuse, Roosevelt s’était tourné vers lui en disant emphatiquement : «J’ai fait tout ce que j’ai pu pour éviter la guerre, toute ma vie s’est consacrée à empêcher ce qui vient d’arriver aujourd’hui». Mais ce qu’on voit surtout, c’est que ce passage a été retapé. Toutes les autres pages d’Harry Hopkins ressemblent à des brouillons : on trouve des bouts de pages tapés à la machine, des caractères en surimpression et des rajouts. Mais sur Pearl Harbor c’est une page très nette, manifestement retapée au propre à une date ultérieure. Ça donne de nouveau l’impression que ce qui se passe entre ses deux là, Churchill et Roosevelt, n’est pas très catholique.
Roosevelt évite le regard de Frances Perkins
Frances Perkins, la secrétaire au travail, note lors d’une interview donnée des années après, qu’elle avait fugitivement croisé le regard du vieil homme lors de la réunion du cabinet ce soir-là, à la Maison-Blanche, un regard fuyant qu’elle lui connaissait bien depuis le temps qu’elle travaillait avec lui, une gêne à la regarder dans les yeux par laquelle il lui signifiait qu’il savait qu’il avait fait quelque chose de pas recommandable, mais sans qu’elle dire quoi exactement.
Le mémorandum de Sir Richard Craigie
Churchill, lui, ne manifestait pas de tels remords, il était convaincu d’avoir fait ce qu’il fallait faire. Le professeur Donald Watt, l’un de nos grands historiens en Angleterre, laissait entendre qu’on pouvait soupçonner Churchill d’avoir délibérément joué avec le feu avec le Japon pour plonger l’Amérique dans le bain. Et c’est vrai qu’il a dépassé les bornes, je pense que Churchill a délibérément laissé se poursuivre l’attaque sur Pearl Harbor pour conduire l’Amérique à la guerre, il a tout fait pour empêcher que la flotte du Pacifique soit avertie.
Commentant l’affaire, Sir Richard Craigie, l’ambassadeur britannique au Japon, dans tous ses états quand la guerre a éclaté, disait dans un mémorandum que nous avions pris toutes les mauvaises mesures. Nous aurions pu éviter la guerre, nous aurions pu tenir le Japon à l’écart et pourtant, tout ce que nous faisions ne faisait qu’aggraver la situation. En 1943, Churchill répondait à ce mémorandum:
«Cela a été une bénédiction que le Japon attaque les États-Unis et qu’ainsi l’Amérique entre unie, d’un bloc et sans réserve dans la guerre. Rarement l’Empire Britannique n’aura connu meilleure fortune qu’à l’occasion de cet événement qui aura révélé sous leur vrai jour nos amis et nos ennemis et qui pourra conduire, par l’écrasement sans pitié du Japon, à de nouvelles relations pour le plus grand bénéfice des pays anglophones et du monde entier». [FG: et c’est Hitler qui voulait conquérir le monde?]
Du Churchill pur sucre, mais bien entendu, ni nous ni l’Empire n’avons bénéficié de rien. Dans les six mois, nous perdions toutes nos possessions en Extrême-Orient, Singapour, Hong Kong, la Birmanie, les Japonais semblaient même sur le point d’attaquer l’Inde. C’était le début de la fin pour l’Empire [FG: allusion perfide à la citation de WC sur le début de la fin et la fin du début ?]. En fait, nous n’avons jamais récupéré ces colonies, elles étaient perdues à jamais.
Alors, comment Churchill peut-il considérer que c’est une grande réussite, on ne peut le comprendre que si on se rappelle que Churchill était à demi Américain par sa mère, il n’a jamais été un véritable Anglais.
Roosevelt Compagnon de l’Ordre du Bain
La seule bénédiction, en conclusion, sera pour Roosevelt quand Churchill arrivera à la Maison-Blanche. C’était en décembre, pour une conférence avec Roosevelt qui était désormais dans le même bateau. Soit dit au passage, Churchill reprendra un de ses directeurs de cabinet qui continuait d’utiliser le même langage euphémistique d’avant Pearl Harbor comme quoi il fallait éviter la guerre avec le Japon pour ménager les États-Unis, il lui disait : «On peut y aller ouvertement maintenant, on parlait comme ça quand on faisait la cour aux Américains, maintenant, l’Amérique est dans le harem avec nous».
Et en ce mois de décembre 1941 donc, Churchill gratifiait Roosevelt de son «ordre du bain» en le faisant Compagnon. Churchill avait fait chercher Roosevelt pour qu’il vienne le voir dans son appartement. Le président a été introduit dans sa chaise toute grinçante avec la fine fleur de la Maison-Blanche et se retrouvait nez à nez devant un Churchill nu comme un ver. Roosevelt était maintenant mouillé jusqu’au cou dans le même bain que Winston Churchill.
Tant que des lacunes subsisteront dans les archives, nous ne serons pas entièrement certains des vilains tours que nous avons joués pour le mettre dans le bain, mais je vous aurais au moins donné un avant-goût de ce qui se trouve dans le volume II de Churchill’s War.
David Irving, février 1989
Traduction : Francis Goumain
Source : iHR Churchill and U.S. Entry Into World War II (ihr.org) (This is an edited text of an address by David Irving at the Ninth IHR Conference, February 1989, in Huntington Beach, southern California – From The Journal of Historical Review, Fall 1989 (Vol. 9, No. 3), pp. 261-286).
Il est regrettable que « CHURCHILL’S WAR » ne soit pas traduit et édité en France.
Pourtant, l’ancien Hauptsturmfüher de la Waffen SS Charlemagne, Henri Fenet, en avait effectué la traduction, au début des années 1990, pour une Maison d’Editions dont je tairai le nom et dans laquelle Jean-Mabire disposait d’une certaine influence.
J’ai apporté personnellement le manuscrit de notre ami Fenet au directeur d’une autre maison d’édition, un certain Alain Lefebvre, éditant notamment Magazine Hebdo et Biba, mais l’individu a prétendu avoir égaré notre manuscrit !
Responsable, à l’époque du service d’ordre de la nouvelle droite, j’avais décidé de lui faire éclater les rotules… C’était un minimum… Mais certains responsables de cette nouvelle droite, arguant de l’utilité de ce Lefebvre, proche à l’époque de Jacques Chirac, m’en ont dissuadé… Ce dont je garde encore aujourd’hui le regret.
Il est également regrettable que le texte de Gourmain ne mette pas en évidence à quel point Churchill était objet de mépris, y compris par ceux qui le contrôlaient et l’utilisaient en fonction de ses vices.
Alcoolique au dernier degré, débauché couvert de dettes, la question s’est même posée de savoir s’il n’avait pas hâté la mort de sa mère pour dilapider l’héritage familial.
Parler de la haine de Churchill contre les Allemands est puéril.
La seule motivation de cette épave éthylique corrompue était la cupidité par laquelle ses banquiers le tenaient à leur merci.
Les motivations attribuées par Gourmain à Churchill sont celles des apatrides de la City Londonienne, rejoignant celles des mêmes apatrides de Wall Street dans leur haine de l’Allemagne Nationale Socialiste. L’ivrogne n’a jamais été qu’une marionnette docile entre leurs mains…