Au cours de l’été 1945, alors que les villes allemandes n’étaient plus que des monceaux de ruines encore fumantes et que les gens vivaient terrés dans les caves comme des rats, les Juifs qui avaient fui dans les années trente revenaient en masse, pour certains, assoiffés de vengeance. Plan A n’est pas seulement basé sur « une histoire vraie », il est réalisé par des Israéliens, les frères Doron et Yoav Paz, et il met en scène un épisode étonnant de l’histoire de l’Holocauste : un projet d’attentat monstrueux d’un groupuscule juif visant à empoisonner le réseau d’eau potable de Nuremberg.
Les « juifs qui empoisonnent les puits », c’est un canard de l’antisémitisme. On se demande alors ce qui a bien pu pousser les frères Paz à faire ce film en le déclarant, qui plus est, « tiré d’une histoire vraie ». Est-ce parce qu’ils ressentiraient le besoin de justifier leurs actes ? Le financement allemand de ce film est plus logique : les fonctionnaires du ministère bavarois de la culture ont dû bien rire de l’aubaine dans le dos des Israéliens : ils leur demandaient de financer un film qui présentait les Juifs sous un jour accablant, voilà un petit acte de résistance passive qu’on aurait tort de ne pas s’offrir…
[NdT : Il y a au moins un second projet documenté d’empoisonnement du réseau d’eau, cette fois à Londres, par le groupe Lahi, une branche de l’Irgun, voir l’article sur Robert Misrahi, extrait : «Le chef de la cellule – groupe Lehi (également appelé « groupe Stern ») – Yaacov Eliav, avait projeté ce qui aurait pu être la pire atrocité terroriste de tous les temps, c’était peu après l’arrestation de Misrahi. Par des contacts à l’Institut Pasteur, il avait réussi à se procurer des souches actives du choléra. Un ingénieur des eaux était dépêché à Londres pour voir la meilleure façon d’instiller le bacille dans le réseau d’eau de la ville. Ce n’est que du fait du succès obtenu par les sionistes à l’ONU en 1947 que le projet a été abandonné. »]
Cela dit, tout comme le projet d’attentat n’a jamais vu le jour, Plan A tarde à sortir dans les salles obscures, c’était en principe prévu pour août 2021.
« Se pourrait-il qu’un distributeur, un coreligionnaire, s’il en existe dans la profession, ait pris les frères Paz entre quatre yeux pour leur faire comprendre qu’empoisonner des Allemands sans défense ne peut pas donner une bonne image des Juifs – même si c’est présenté comme une vengeance de l’Holocauste ? » (Michael Jones, The Holocaust Narrative (2023), pp. 105-107)
J’aimerais partager l’optimisme de M. Jones concernant le ministère bavarois de la culture, mais j’ai de bonnes nouvelles : Plan A est sorti depuis longtemps et est disponible, selon votre pays, en streaming ou en DVD et Blu-ray.
[NdT : Cette résistance passive dont Clarissa Schanbel semble douter existe bel et bien, voir ce que fait l’inspecteur Derrick de la confession d’Alfred Naujocks, le SS qui aurait monté le faux-drapeau de Glewitz, dans l’épisode Naujocks Traurig Ende, se rappeler que le scénariste de la série, Herbert Reinecker, était un SS protégé de Goebbels, auteur d’un livre sur la campagne de Pologne, Panzer Nach Vorn]
Sa page Wikipédia en anglais est peu fournie, contrairement à celle en allemand qui est, elle, très complète et qui va jusqu’à donner cette précision passablement hilarante: «À ne pas confondre avec Plan B (film de 2021)»: ce n’est effectivement pas le même genre, nous y reviendrons.
Voici des extraits de la page allemande que je traduis en y insérant mes réflexions.
Le film montre les activités du Nakam qui voulait tuer des millions d’Allemands après la guerre pour se venger de l’Holocauste mais qui finit par croiser la route de la Brigade juive qui lui fait abandonner son projet. La première en Israël a eu lieu en septembre 2021 au festival du film d’Haïfa. Le film est sorti dans les salles de cinéma allemandes le 9 décembre 2021 et est disponible en tant que Sky Original sur la chaîne de télévision payante depuis le 10 juin 2022. Il est sorti en DVD le 29 novembre 2022.
Le synopsis suit. Je me contenterai de citer les premiers paragraphes et de les compléter, car il y a plusieurs points que j’aimerais aborder concernant ce texte :
Max, un Juif, [interprété par l’acteur allemand August Diehl] a survécu à l’Holocauste et retourne dans sa maison après la guerre pour chercher sa femme Ruth et son fils Benjamin. Il est battu et menacé par le nazi qui y vit désormais à sa place après l’avoir trahi, lui et sa famille.
Quelle vraisemblance à ce début ? Honnêtement, je doute qu’un « nazi » aurait osé frapper un Juif à ce stade des événements. Il suffisait à Max de se plaindre aux autorités pour que le nazi soit expulsé : la réquisition des logements par les Alliés était alors monnaie courante et expéditive.
Cela dit, la scène se déroule en fait un peu différemment. Elle commence avec la femme du « nazi » dans sa cuisine, alertée par son enfant qu’un étranger se tient à l’extérieur. Elle essuie la buée de la vitre et aperçoit un clochard qui se tient là et fixe la maison, alors elle appelle son mari.
Ce qui domine toute la scène, c’est l’énorme crucifix suspendu au-dessus de la porte de la cuisine. On aurait donc affaires à de bons chrétiens, n’est-ce pas ? On comprend vite que non en entendant le mari parler de tous ces mendiants qui rôdent sans arrêt – et le vernis de charité va s’effacer définitivement lorsque le mari, reconnaissant le vagabond, va chercher son arme.
Et voilà, c’est ainsi que tous les stéréotypes antichrétiens et antigermaniques nous sont infligés avant même que Max ne nous soit présenté. On s’attendrait presque à une réplique du mari du genre « Non mais, ce n’est quand même pas parce que nous avons perdu la guerre qu’on ne peut plus tuer de juifs ». Aussi, c’est avec un certain soulagement qu’on passe à la scène suivante, en territoire exclusivement juif.
Dans les ruines de la synagogue de son quartier, là où à l’époque il avait épousé Ruth, il rencontre le vieil Avram.
Avram est l’un des rares personnages sympathiques du film. C’est un vieux fou qui trimbale partout avec lui un paquet qui ne doit en aucun cas être ouvert car une grande malédiction s’en échapperait. Je ne sais pas s’il existe une équivalence dans la mythologie juive, mais il s’agit clairement d’une référence à la boîte de Pandore qui jouera un rôle plus tard.
Max et Avram – qui, soit dit en passant, porte des vêtements à rayures, ce qui nous rappelle évidemment un uniforme de prisonnier – partent à la recherche d’un camp de réfugiés dont Avram a entendu parler et où les Juifs se rassemblent pour partir en Palestine, ou « Palaestina », comme ils l’appellent tout au long du film. Il s’agit du nom latin original de la région, qui est toujours le nom allemand et, apparemment, le nom en ivrit (l’hébreu moderne) de la région. (August Diehl prononce d’ailleurs correctement « Ruth », qui est identique en allemand et en hébreu : « Rut »).
Avram a des répliques qui montrent clairement que les Juifs, il en est profondément convaincu, doivent « quitter ce sacré pays » dont le « sol est décidément maudit, imprégné de notre sang ». Max se contente d’abord de suivre vers ce camp car il pense que c’est sa meilleure chance de retrouver sa famille.
En chemin, ils tombent sur un camp de l’armée britannique dans les bois et Avram décide d’y voler de la nourriture. Bien entendu, ils se font attraper, et bien entendu, par des membres de la Brigade juive qui, comme par magie, les reconnaissent immédiatement comme des membres de leur ethnie. La Brigade est théoriquement sous le commandement d’un officier britannique, ce qui donne lieu à un échange intéressant pendant que le groupe escorte Max et Avram jusqu’au camp de réfugiés. « Une fois que la méfiance des Britanniques sera endormie, nous pourrons agir à notre guise sous leur nez » assurent les Juifs de la brigade avec un brin de vantardise. Max n’allait pas tarder à comprendre ce que cela pouvait signifier.
Michael [1], le chef de la Brigade, a la conscience rongée par le remords («Nous aurions dû vous aider. Nous n’avons rien fait»), pour tenter de se racheter, il laisse Max assister avec lui à un « interrogatoire ». Le but est d’obtenir des noms de membres de la SS de la part de quelqu’un qui serait un ancien fonctionnaire allemand. Il refuse de parler et est sur le point d’être étranglé mais Max intervient à ce moment-là pour tenter une approche en douceur, il demande à Michael de faire miroiter au prisonnier l’espoir qu’il pourrait revoir ses enfants. On ne sait pas trop pourquoi, mis à part que c’est nécessaire à la progression du film, mais ça marche, l’homme devient soudain très coopératif et loquace, donne les noms et les adresses, et se fait quand même étrangler. La scène est extrêmement dérangeante, elle m’a fait penser au chapitre du Dr Jones sur le film Munich de Steven Spielberg dans son livre The Holocaust Narrative :
On touche ici au nœud du conflit qui ronge Spielberg et dont la contradiction insoluble traverse tout le film. Munich est un film de propagande juive qui a mauvaise conscience. . . .
Confronté à la prise de conscience, après Auschwitz, que des Juifs font bel et bien du tort à autrui, Spielberg tente de résoudre le dilemme moral grâce à une interprétation puissante et à une cinématographie intelligente, à la limite du sentimentalisme. . . . Mais finalement, quand on enlève tout ça, la théologie morale de Spielberg peut se résumer à ceci: le bon juif, c’est celui qui éprouve des remords après vous avoir abattu de sang-froid, tandis que le mauvais juif est celui qui n’en éprouve aucun. . . .
Munich est à bien des égards la révolte de Spielberg contre la dialectique intrinsèquement violente de la morale juive, mais il s’y laisse néanmoins prendre [2].
C’est exactement ce à quoi nous assistons ici et dans plusieurs des scènes suivantes, où, dans une débauche de violence, la Brigade juive se livre à des assassinats d’hommes et femmes après d’expéditifs simulacres de procès. Il est virtuellement impossible d’avoir la moindre sympathie pour ce qu’ils font, d’autant qu’on ne nous donne jamais les détails de l’affaire. Nous sommes simplement censés accepter que ces personnes se sont rendues coupables de quelque chose.
Max abandonne définitivement son projet [d’émigration] lorsqu’une femme lui parle d’une tuerie nazie, dont Ruth et Benjamin ont été les victimes.
Cette scène – je croyais entendre du Devon Stack dans le texte: «ça, c’est une survivante de l’Holocauste !». Elle raconte à Max comment elle et les autres ont été conduits à leur lieu d’exécution, fusillés jusqu’à épuisement des balles, passés à la baïonnette et finalement enterrés vivants – mais elle, elle « s’en est tirée » !
Je suis désolé, je sais que cette scène est censée atteindre au paroxysme émotionnel, être le clou du film, mais c’était tout simplement trop ridicule. Les scénaristes n’essaient même pas de nous expliquer le « comment » de l’évasion. C’est comme ça.
Désormais animé par la vengeance, Max se sent obligé de suivre la Brigade juive. Ses membres poursuivent et tuent les membres de la Schutzstaffel à l’insu de l’armée britannique, mais veillent à ce que leur implication dans l’Holocauste soit toujours confirmée au préalable par deux sources indépendantes afin qu’aucun innocent ne soit tué.
Très bien. D’où la torture et le meurtre de l’ancien fonctionnaire que nous avons vu plus tôt. On se demande toutefois ce qu’ils appellent une « source indépendante ».
J’ai récemment lu le livre d’Heinrich Pflanz, un historien de Landsberg, sur le tristement célèbre cimetière des «criminels de guerre» que compte cette ville. Pflanz a mené des recherches approfondies sur les procès au terme desquels ces hommes ont été exécutés, souvent de manière assez brutale, achevés lorsque la pendaison avait échoué.
Encore et encore, les documents qu’il cite font état d’aveux arrachés sous la torture et de condamnations à mort prononcées grâce à des « sources indépendantes » – pour la plupart des « témoins professionnels», comme les appellent les documents : de petits criminels, allemands et étrangers, qui gagnaient rapidement de l’argent en racontant des mensonges éhontés devant un tribunal contre des hommes qu’ils n’avaient jamais vus auparavant.
Tout comme Spielberg dans Munich – et, soyons honnêtes, tout comme d’autres dans d’innombrables films, séries télévisées et jeux vidéo – les frères Paz tentent de faire passer la pilule au spectateur – sidéré face à ce à quoi il assiste – en insérant une ultime réplique du nazi irrécupérable qui les traite de sales juifs avant de se faire exploser la cervelle. Un à qui on demande d’avouer sa culpabilité, répond : « Personne n’est innocent. Ni vous, ni moi. »
Une des victimes pendues, portait au cou un écriteau sur lequel on pouvait lire « Nakam ».
Sauf que le gars n’est pas encore tout à fait mort, comme ils le découvrent dans une scène digne d’un film d’horreur bon marché avant d’abréger ses souffrances.
La Brigade juive a déjà entendu parler du « sinistre et dangereux » Nakam, un groupe de vengeurs qui opère en dehors de ce que même la Brigade considère comme être la loi. Contrairement à la Brigade, le Nakam ne fait pas de distinction entre la culpabilité et l’innocence, mais considère tous les Allemands comme également coupables.
Un Allemand qui devait penser que la Brigade juive n’était pas si claire que ça dans ses intentions, se rebiffe, les attaque avec la pelle qu’on lui avait fournie pour creuser sa propre tombe, et tente de s’enfuir. Max est sauvé par une silhouette opportunément surgie de nulle part, qui s’attaque au type et l’étrangle à mains nues – et qui s’avère être une femme deux fois plus petite que lui. S’il vous plaît.
Anna (Sylvia Hoek) fait partie du Nakam, et se présente comme telle à la Brigade juive. Leur chef est Abba Kovner, interprété par Ishai Golan, qui ne ressemble en rien à la personne réelle. Kovner était à l’époque un jeune homme au visage de fouine, tandis que Golan est un acteur plus âgé.
Peu après, Michael annonce à Max que la Brigade est envoyée en Belgique, car les Britanniques sont au courant de leurs activités en Allemagne. Michael se résigne au fait que ce que la Brigade a fait n’est qu’une « goutte d’eau dans l’océan. On ne les aura jamais tous ». Mais alors que Michael rejoint la Haganah pour enfin se mettre en accord avec ses convictions, voilà qu’il est chargé d’arrêter le Nakam. Max pense que les membres de Nakam pourraient lui faire confiance et propose d’aider Michael à les localiser et à découvrir leurs plans.
L’action se déplace ensuite dans le Nuremberg de l’après-guerre. Étrangement, la majorité des personnes que l’on voit déblayer les décombres sont des hommes, et non des femmes. Or, en réalité, les hommes, pour la plupart, étaient encore en captivité, et c’est pour ça que les Trümmerfrauen sont devenues les icônes de l’époque que prétend dépeindre Plan A.
Max entame sa mission sans grande subtilité : Il écrit « Nakam » sur un mur et reste à attendre que ça vienne. Au bout de quelques jours, il remarque qu’une femme s’intéresse au graffiti. Il s’agit bien sûr d’Anna, sa sauveuse dans les bois. Lorsque Max la suit jusqu’à un immeuble à moitié détruit où se trouve le repaire de Nakam, il est capturé et interrogé. Les vengeurs lui font suffisamment confiance pour le laisser passer la nuit chez eux, mais lui disent qu’il doit partir le lendemain matin.
Pas si facilement découragé, Max suit quelques membres de Nakam dans la matinée jusqu’à l’unité de production d’eau potable de Nuremberg et parvient à se faire passer pour un plombier et un ingénieur hydraulique afin d’obtenir un emploi. Cette scène est ridiculement exagérée. La responsable soupçonne Max, à juste titre, de mentir sur ses qualifications. Alors qu’elle s’apprête à le renvoyer, il se lance dans un baratin sur le fait qu’il s’est battu au service du Reich, pour protéger la race – et bien sûr, cela fait l’affaire.
À l’époque, les Allemands s’entraidaient, en particulier les soldats, et même les soi-disant criminels de guerre. Il y a une anecdote que m’a racontée mon père, qui a dû l’entendre de sa mère, car il était encore très jeune à la fin de la guerre. Un soldat de la Waffen-SS essayait d’échapper aux troupes américaines qui occupaient ma ville natale afin de rentrer chez lui et de retrouver sa famille. Un fermier du coin lui a fourni des vêtements civils et a enfoui son uniforme dans la fosse d’aisances où il était certain qu’aucune patrouille n’irait le rechercher. « N’importe qui d’autre aurait fait la même chose », disait mon père. Cela montre que la grande majorité des Allemands de l’époque, si ce n’est tous, s’entraidaient face aux Alliés. Mais ils n’allaient certainement pas jusqu’à chanter la « race ».
Le ridicule grandiloquent se poursuit avec un discours du contremaître de la station sur la restauration de l’accès à l’eau potable dans une « grande nation ». Les membres de Nakam se rendent compte que Max a désormais accès au centre de captage et de filtration de l’eau et ils le gardent donc à portée de mains. Il découvre peu à peu que Nakam projette d’empoisonner l’eau potable non seulement de Nuremberg, mais aussi d’autres grandes villes d’Allemagne. Michael est consterné en l’apprenant ; il presse Max d’arrêter le plan, car s’il réussit, « le monde nous verra d’un autre œil et nous n’aurons jamais notre pays ». J’ai très envie de faire un commentaire, mais passons.
Max, toujours déchiré entre la vengeance et la morale, révèle ses propres démons en se remémorant une scène dans laquelle un membre de la Brigade juive lui demande pourquoi les Juifs d’Europe ne s’étaient pas défendu. Il se met à réfléchir au rôle qu’il jouait à Auschwitz, celui de « greeter » [réceptionniste] pour les nouveaux arrivants. Il leur souriait, disait-il à Michael, il les rassurait en leur disant qu’il s’occuperait de leurs valises et ils partaient pour les chambres à gaz. Et Max pillait leurs bagages en quête de nourriture. Pourquoi il ne les avait pas prévenus ? Pourquoi ne leur a-t-il pas dit de fuir ?
Le film se focalise ensuite davantage sur les histoires personnelles. Nous apprenons à connaître Anna et ses cauchemars, obsédée par la vision de son fils mort noyé dans les égouts du ghetto alors qu’elle tentait de fuir avec lui, il avait sept ans. Un autre membre du Nakam a perdu la foi (le « Dieu est mort à Auschwitz » du Dr Jones). Max se lie d’amitié avec un collègue de travail, un ancien soldat qui exprime son dégoût pour Hitler lorsqu’il apprend que Max a été « stationné » à Auschwitz. À un moment donné, les membres du Nakam remarquent une agitation à l’extérieur et sont informés par leurs voisins qu’ « ils commencent à revenir». Lorsqu’on leur demande de qui il s’agit, ils répondent bien sûr « les Juifs. Ils pensent que tout leur appartient ». Naturellement, les Juifs se font tabasser par les habitants, du moins c’est ce que laisse supposer la scène, mais c’est peut-être le contraire en fin de compte.
Cette scène n’est surpassée dans la glauque que par une autre qui pourrait bien entrer, elle, dans la catégorie du « porno Holocaustique », mais avec un petit quelque chose en plus. Max et Anna vont au cinéma où les actualités parlent des camps de concentration et de plus de cinq millions de prisonniers gazés. Alors que Max la pousse à regarder, Anna n’en peut plus et s’enfuit. Max la rattrape et ils sont tous les deux tellement bouleversés qu’ils font l’amour sur-le-champ. Je ne veux même pas déchiffrer le sens de cette histoire.
Erreur, car pour le film, l’épisode a une utilité, Michael se servant de cette rencontre pour faire pressions sur Max afin qu’il termine la mission : « L’Allemagne n’est pas un endroit sûr pour les Juifs », lui dit-il, ajoutant qu’il serait dommage qu’il arrive quelque chose à Anna.
Pendant ce temps, Kovner se rend en Palestine pour se procurer le poison nécessaire au plan de Nakam. Le groupe s’est rendu compte qu’il ne fallait que les forces d’occupation périssent avec les Allemands et ils marquent les tuyaux menant aux quartiers des Alliés afin de pouvoir les bloquer lorsque les choses auront démarré. La lampe de poche d’Anna s’éteint pendant l’opération et elle s’effondre en hurlant, submergée par les souvenirs de la mort de son fils qui refont surface dans l’obscurité. Lorsque Max et un autre prétendant à l’affection d’Anna la ramènent à la maison, ils tombent sur une foule de voisins furieux qui ont découvert qu’ils vivaient sous le même toit que des Juifs et qui sont bien sûr prêts à empoigner les fourches.
Mais le Nakam ne va pas tomber victime d’un pogrom, c’est Michael et la Haganah qui prennent d’assaut l’appartement. Le groupe tente de s’enfuir, mais se fait prendre. Max piège alors Michael avec une vieille lettre de Kovner, disant que personne en Palestine n’est prêt à fournir du poison à Nakam. (Curieusement, le synopsis de Wikipédia place la scène dans un contexte totalement différent, affirmant que Max trompe le Nakam avec une fausse lettre et empêche ainsi le plan A d’être exécuté, ce qui n’est absolument pas le cas). Michael avale le mensonge et se fend d’un discours émouvant sur le nouveau départ en Palestine, où les laboureurs tracent des sillons et où des enfants naissent : « une toute nouvelle génération qui ne connaît pas la peur. C’est ça la vraie revanche ».
Les membres du Nakam hochent la tête, mais dès que Michael et ses hommes ont tourné le dos, poursuivent leur plan. Il s’avère que Kovner a réussi à se procurer le poison et qu’il est sur le chemin du retour. Mais Anna en a assez. Après sa dépression, elle ne peut plus supporter l’idée que des enfants meurent, même des enfants allemands. Elle part pour la Palestine, « là où est notre place », dit-elle à Max, «et il n’y aura plus de morts». Elle lui demande de l’accompagner, mais il refuse.
Les deux autres membres de leur cellule étant partis accueillir Kovner à son retour, c’est à Max de garder l’appartement. Et c’est là que nous entrons dans ce que le Dr Jones – je sais que je le cite abondement – appelle « le trope du rêve… ». Tout cela était-il vraiment réel ? Livré à lui-même et ne sachant toujours pas quel chemin emprunter, Max ouvre enfin le paquet d’Avram : la boîte de Pandore.
Kovner revient avec le poison et ils se dirigent vers la station d’eau potable. Il semble que ce soit la veille du Nouvel An, car il y a des feux d’artifice et des gens qui courent avec des fusées éclairantes, ce qui donne l’impression d’un bon vieux défilé nazi. C’est probablement intentionnel. Michael et ses hommes arrivent ; Kovner réussit à passer le poison à Max avant d’être arrêté, et Max descend au puits. Michael tente une nouvelle fois de l’arrêter ; il se bat et Max l’étrangle. Il verse ensuite le poison – une substance noire ressemblant à du goudron – dans l’eau avant de s’y noyer.
Ce n’est bien sûr pas ainsi que le plan A s’est déroulé dans la réalité, et c’est pourquoi, après cette sorte de mort symbolique, nous retrouvons Max à l’appartement, fixant le vide noir du baluchon vide d’Avram. L’image est très intéressante.
En réalité, nous dit la voix off de Max, Kovner a été arrêté alors qu’il rentrait en Allemagne. Et si Max a souvent imaginé « le poison s’écoulant dans les veines de l’Allemagne », pour lui, c’était la fin. Il a fait son aliyah pour mener une vie paisible dans le nouvel État d’Israël : « C’était ma revanche ». Nous voyons ensuite certains des membres réels de Nakam dans leur vieillesse en Israël.
Et c’est ainsi, selon le film, que tout s’est terminé. Il n’est pas fait mention du fait que Kovner a essayé une deuxième fois, qu’il a été arrêté une deuxième fois et qu’il a été enfermé en Égypte pendant deux mois. Il n’est pas fait mention du fait que, comme l’a remarqué Wikipédia, lorsqu’il y a un plan A, il y a un plan B.
Mais avant d’en arriver là, poursuivons avec le reste de la page Wikipédia en allemand :
Le tournage a eu lieu à Marktredwitz, dans le Fichtelgebirge et dans le Steinwald du 25 octobre 2019 au 15 novembre 2019. Le tournage a également eu lieu en Ukraine et en Israël. Le budget de la production s’élevait 4,4 millions d’euros. Plan A a reçu un financement de 750 000 euros du FilmFernsehFonds Bayern. Le financement de la distribution par le même fonds et l’Office fédéral allemand du film s’est élevé à 95 000 euros.
Dina Porat, l’historienne en chef du mémorial de Yad Vashem, a été associée à la production du film en tant que consultante. Son livre sur le Nakam, Vengeance and Retribution Are Mine, a servi de base au film. Global Screen et Verve ont vendu les droits à Menemsha Films pour la distribution aux États-Unis et au Canada, et à Signature Entertainment pour les droits de diffusion au Royaume-Uni, en Irlande, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Je vous épargnerai les citations, il y aurait tant à dire à leur sujet, mais je ne veux pas risquer d’avoir l’air de verser dans le dénigrement.
Ce qui m’a probablement le plus frappé dans plan A, c’est la devise « Plus jamais ça » prêtée à la cellule Nakam de Max. J’ai été élevé dans l’idée – et un certain nombre de témoins juifs que je crois sincères (certains d’entre eux ayant défendu les Palestiniens) l’attestent – que ce slogan avait une signification beaucoup plus universelle et pacifiste : Plus jamais de génocide. Bien évidemment, ce n’est pas le sens que Nakam et ses semblables lui donnaient. Pour eux, cela signifiait plutôt « Plus jamais nous n’irons comme des moutons à l’abattoir ». Mais même comme ça, cela ne pouvait pas vouloir dire qu’il fallait passer – pour le plus jamais ça – par l’assassinat après-coup du Tätervolk [peuple bourreau], mais il semble que la logique et le terrorisme n’aillent jamais de pair.
Plan A n’est-il que de la propagande ? Je n’en suis pas certaine. Il y a autant de propagande que dans Munich, mais ce n’est pas l’essentiel, ni ce qu’il y a de plus réussi. Certes il y a très peu d’exemples d’Allemands qui n’apparaissent pas en nazis invétérés, mais les personnages juifs ne sont guère plus sympathiques. Il serait plus juste de dire que le film veut plaider les « circonstances atténuantes » [pour les Juifs]. C’est exactement ce qu’il tente de faire dans la bande-annonce en reprenant les paroles de Max au début du film : « Et si je vous disais que votre famille a été assassinée sans aucune raison ? Demandez-vous maintenant : que feriez-vous ?» En réalité, très peu de gens iraient éliminer la famille de l’auteur du crime ainsi que d’autres personnes, mais cette question vise uniquement à susciter une réaction émotionnelle. En fin de compte, la réponse de Max n’est pas non plus un meurtre.
Ce qui nous amène enfin au plan B. Au lieu d’empoisonner indistinctement les habitants des principales villes allemandes, Nakam a dû passer à un autre plan parce que Kovner n’a pas pu livrer le poison nécessaire. La cellule de Nuremberg, évoquée dans Plan A, a concentré ses efforts sur les anciens membres de la SS et les soldats de la Wehrmacht détenus dans les camps de prisonniers de guerre. Le poison est produit plus près de chez nous, à Paris, et introduit clandestinement en Allemagne. Comme le pain destiné au camp provenait d’une seule boulangerie, la Nakam a réussi à placer plusieurs de ses membres à la fois dans la boulangerie et dans le camp. Il a été décidé d’étendre le poison sur le pain noir distribué aux prisonniers. En raison de circonstances imprévues – les ouvriers de la boulangerie se sont mis en grève – Nakam n’a eu ni le temps ni les agents internes nécessaires pour mener à bien le plan ; au lieu de 14 000 pains, ils n’ont réussi à empoisonner « que » 2 000 à 3 000 pains.
Selon le New York Times, 2 283 prisonniers de guerre allemands sont tombés malades à la suite de l’empoisonnement et 207 ont été hospitalisés. On ne sait pas combien d’hommes sont morts. Wikipédia cite l’ouvrage de Stephen Fritz, Endkampf : Soldiers, Civilians, and the Death of the Third Reich (Soldats, civils et la mort du Troisième Reich) de Stephen Fritz, qui affirme que « l’opération n’a finalement causé aucun décès suspect ». E. Michael Jones, quant à lui, citant The Avengers de Michael Bar-Zohar, affirme que « 700 ou 800 personnes sont mortes dans les jours qui ont suivi ». Heureusement – si on s’en tient du point de vue des terroristes juifs – « d’autres se sont retrouvés paralysés et sont morts au cours de l’année », ce qui porte le bilan final à environ « 1 000 morts au total » [3].
Il est intéressant de noter que, selon Wikipédia,
En 1999, Harmatz et Distel sont apparus dans un documentaire et ont discuté de leur rôle dans Nakam. Distel a soutenu que les actions de Nakam étaient morales et que les Juifs « avaient le droit de se venger des Allemands ». Les procureurs allemands ont ouvert une enquête contre eux pour tentative de meurtre, mais ont interrompu l’enquête préliminaire en 2000 en raison de « circonstances inhabituelles ».
Nous pouvons tous imaginer comment cette décision a été prise, néanmoins, je suis déjà impressionnée que les procureurs aient osé aller aussi loin à l’époque. Qui à la CPi aura le courage d’ouvrir une procédure en 2023 pour Gaza ?
[NdT: mais les eaux de Nuremberg ne sont-elles pas de toute façon à jamais contaminées ?]
Clarissa Schnabel 22 décembre 2023
Traduction : Francis Goumain
Source : Plan A | Counter-Currents
Notes :
[1] His spelling in German Wikipedia is “Mikhail,” weirdly enough. Germans are quite capable of pronouncing the faucal spelled as “kh” in English and “ch” in German. So if anyone wanted to make it clear that “Michael” is not pronounced in the English way here, but rather in the Hebrew way (mi-cha-el, “who [is] like God”), they should have done so in the English Wikipedia. [2] E. Michael Jones, The Holocaust Narrative, pp. 383-287. [3] Ibid. p. 108.Notes du traducteur
1 – Derrick contre Nuremberg, la fin tragique d’Alfred Naujocks
2 – La France, qui a toujours refusé d’extrader l’activiste sioniste Misrahi vers l’Angleterre, exige que Reynouard lui soit livré
« Le chef de la cellule – groupe Lehi (également appelé « groupe Stern ») – Yaacov Eliav, avait projeté ce qui aurait pu être la pire atrocité terroriste de tous les temps, c’était peu après l’arrestation de Misrahi. Par des contacts à l’Institut Pasteur, il avait réussi à se procurer des souches actives du choléra. Un ingénieur des eaux était dépêché à Londres pour voir la meilleure façon d’instiller le bacille dans le réseau d’eau de la ville. Ce n’est que du fait du succès obtenu par les sionistes à l’ONU en 1947 que le projet a été abandonné. »
Je ne me souviens pas que l’OLP ou le Hamas aient jamais planifié d’intoxiquer les canalisations d’eau potable.
« » »« Se pourrait-il qu’un distributeur, un coreligionnaire, s’il en existe dans la profession, ait pris les frères Paz entre quatre yeux pour leur faire comprendre qu’empoisonner des Allemands sans défense ne peut pas donner une bonne image des Juifs – même si c’est présenté comme une vengeance de l’Holocauste ? » » »
Je ne crois pas. C’est du billard à deux bandes, comme le génocide de Gaza. Les juifs ont tellement souffert, que tout ce qu’ils peuvent faire leur sera pardonné.