Les gazettes, les radios et les télévisions en ont vraiment fait des tonnes à propos de la mort à vingt-quatre heures d’intervalle de Jean d’Ormesson le 5 décembre et de Johnny Halliday le jour de la Saint Nicolas. Editions spéciales, hors-série, soirées exceptionnelles, l’on n’a reculé devant aucune démesure, aucun dithyrambe, aucun excès. Drucker y est allé de sa larme à l’œil à la fin de son émission en forme de panégyrique, et place de la Madeleine, le jour des obsèques où, contrairement à ce qu’ont dit les media, il n’y eut pas de messe mais seulement une cérémonie d’hommage, l’on a pu voir une banderole avec pour inscription « Johnny notre Dieu », signe manifeste d’une impressionnante idolâtrie et parallèlement témoignage de la profonde et totale déchristianisation de la quasi-totalité des Français.
Autrefois on honorait les saints, les héros, les martyrs dont la vie exemplaire, les vertus exceptionnelles et les hauts faits étaient un modèle à même d’enthousiasmer les intelligences, d’enflammer les âmes, d’embraser les cœurs. L’on contait les exploits du chevalier Bayard sans peur et sans reproche, l’on relatait par le menu la destinée extraordinaire de sainte Jeanne d’Arc, l’on évoquait avec fougue la mémoire des quarante rois qui ont fait la France, l’on vénérait tous les saints patrons de notre patrie, de saint Martin dont la chape, dans les temps anciens, trônait en tête des armées, à saint Louis, qui rendait la justice sous son chêne, fit construire la Sainte Chapelle et partit en croisade pour délivrer le tombeau du Christ. On évoquait saint Roch et son chien, saint François parlant avec ses amis les oiseaux, sainte Jeanne d’Arc conversant avec saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite. On célébrait avec faste chaque 28 janvier la saint Charlemagne pour rendre hommage à ce grand empereur. On donnait en exemple à l’école, dans la famille la vie et les œuvres des personnages illustres et des grands hommes.
Aujourd’hui, puisqu’on honore plus ni les rois ni les saints ni les martyrs, puisque l’on n’a plus d’idéal spirituel et national, puisqu’il n’y a plus ni convictions ni certitudes ni foi ni colonne vertébrale, il ne reste que la société du spectacle et de l’argent-roi. Le monde moderne repose sur le vide et sur le règne de Mammon, c’est pourquoi l’on divinise des milliardaires dégénérés, des sportifs dopés, des saltimbanques cocaïnomanes, américanisés et multidivorcés, des écrivains habitués du petit écran qui ne font qu’enfoncer des portes ouvertes, des carpettes infatuées d’elles-mêmes qui cochent méticuleusement toutes les cases du conformisme et de la bien-pensance. Ce monde ne propose au public que des héros fatigués, des marchandises avariées, des personnages frelatés, des individus faisandés. Les hommes, il est vrai, ont les héros et les chefs qu’ils méritent.
Dans ce déluge d’hommages, l’information est passée quasiment inaperçue, mais au moment même où la France pleurait son Johnny, qui adopta deux enfants non européens, se maria cinq fois, refusa toujours de chanter aux BBR alors qu’il se rendait régulièrement à la Fête de l’Huma et participa activement cinq ans durant à l’américanisation du pays et à la révolution des goûts musicaux, Laurent Wauquiez était triomphalement élu à la présidence des Républicains. Ce qui n’est pas un événement politique totalement anodin, même s’il était attendu. Le 10 décembre, l’homme de 42 ans a en effet obtenu 74,64 % des voix, devant la filloniste Florence Portelli (16,11 % des voix) et le juppéiste Maël de Calan (9,25 %). Alors que les dirigeants du parti craignaient une participation famélique, entre 50 000 et 80 000 votants, 99 597 militants se sont officiellement exprimés sur les 234 556 adhérents à jour de cotisation, soit 42,46 % de participation. « Ce soir, c’est le début d’une nouvelle ère pour la droite », s’est félicité l’heureux élu selon lequel « la droite est de retour », formule qui était d’ailleurs son slogan de campagne. « Il faut reconstruire la droite », a également déclaré le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Désormais à la tête d’un camp dont tous les anciens chefs sont tombés à la primaire puis à la présidentielle, Wauquiez avait vu un boulevard s’ouvrir devant lui avant l’été, ses principaux concurrents (Valérie Pécresse et Xavier Bertrand) ayant renoncé à l’affronter, sachant qu’ils n’avaient aucune chance de le battre.
Cette victoire est objectivement une très mauvaise nouvelle, une de plus, pour Marine Le Pen tant Wauquiez, reproduisant la stratégie de Sarkozy en 2007, a choisi de droitiser son discours. Au cours d’une campagne active où il a sillonné toute la France (plus de 70 déplacements contre 11 seulement pour la présidente du FN jusqu’au congrès de Lille en mars 2018 !), Wauquiez a choisi de séduire l’électorat le plus droitier en utilisant les codes, les formules, les thèmes susceptibles de le faire tomber dans son escarcelle. Se voulant le héraut d’une « droite qui ne s’excuse pas d’être de droite », le sémillant quadragénaire a évoqué la question de l’immigration, a loué « une majorité silencieuse » méprisée par le pouvoir en place et a appelé à un référendum sur un nouveau traité européen permettant de retrouver la maîtrise des flux migratoires. Il s’agit là évidemment de promesses démagogiques qui ne seront jamais tenues mais cette stratégie de séduction de l’électorat frontiste peut à nouveau fonctionner, dix ans après, compte tenu du discrédit personnel et politique de Marine Le Pen.
La benjamine de Jean-Marie Le Pen, en plus des problèmes financiers, des offensives judiciaires, du désarroi voire du départ de nombreux cadres et militants continue contre tout bon sens la guerre contre son père. Le 11 décembre la cour d’appel de Versailles (qui rendra son arrêt le 9 février 2018), a ainsi réexaminé, à la demande du Front national, la question de la présidence d’honneur et de l’exclusion du fondateur du mouvement. L’avocat choisi par Marine Le Pen, Me Georges Sauveur, qui fut le défenseur du MRAP, n’a pas fait dans la dentelle pour attaquer le Menhir. « Quand on a été condamné (pour l’affaire du “détail”), que l’on est repris de justice, l’honneur eût été de rester taisant », a accusé Me Sauveur, qui a assimilé Jean-Marie Le Pen à un “clown” et à « Christophe Rocancourt, dépeint comme l’escroc des stars ». Marine Le Pen choisit pour plaider contre son père un avocat d’extrême gauche qui traite le fondateur du FN d’“escroc”, de “clown” et de « repris de justice ».
On admirera une nouvelle fois l’élégance, la piété filiale et la force des convictions politiques de l’actuelle présidente du Front national. Me Frédéric Joachim, le brillant et talentueux avocat de Jean-Marie Le Pen, n’eut aucun mal à stigmatiser ce « déballage d’insanités ». « Comme il y a des Etats voyous, il y a des partis voyous, et le FN est devenu un parti voyou » a dénoncé Me Joachim. La raison ? « Un parti qui se fait justice lui-même, qui fait fi des décisions qui ont été rendues par la justice », argue l’avocat. Puisque la justice a validé la présidence d’honneur du FN à Jean-Marie Le Pen, qu’à quatre reprises (sur quatre !), Thémis lui a donné raison, le Menhir devrait jouir de tous les droits liés à cette présidence d’honneur, notamment la participation aux bureaux politiques du FN. « Nous n’avons jamais été convoqués à la moindre réunion. C’est par la presse que nous apprenons qu’il y a un bureau politique qui se tient en ce moment même, et auquel Jean-Marie Le Pen n’a pas été convoqué », a ajouté Me Frédéric Joachim qui a dénoncé « un règlement de comptes et un assassinat politique ».
Pendant que les plaidoiries avaient lieu, un bureau politique élargi du FN se tenait à Nanterre avec pour ordre du jour la modification des statuts du FN et la suppression définitive de la présidence d’honneur lors du congrès de Lille les 10 et 11 mars prochains. Marine Le Pen veut non seulement enterrer son père mais la parricide quinquagénaire veut elle-même planter les clous dans le cercueil de son géniteur. Décidément Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre !
Éditorial de Rivarol n°3309 du 13/12/2017
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Bonjour
Quand je mourrai, les gens de la télé ne diront rien sur moi
je n’aurai pas d’hommage de leur part
mais je serai avec le saint Christ le Roi du ciel
et avec tous les gens que j’aime
et avec mes gentils animaux dans le royaume de Dieu Jésus,
le merveilleux paradis céleste
où je vivrai éternellement heureuse…
Vendredi 15 décembre 2017