Emmanuel Macron a atterri le lundi 23 avril sur la base aérienne d’Andrews près de Washington aux Etats-Unis pour une visite d’État de trois jours, à l’invitation de son homologue américain Donald Trump. « Cette visite est très importante dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, avec beaucoup d’incertitudes, beaucoup de troubles et parfois beaucoup de menaces », a déclaré le chef de l’État français à son arrivée sur le sol américain. Le président Macron est le premier dirigeant étranger auquel Donald Trump accorde l’honneur d’une visite d’Etat. Après un dîner avec le couple Trump dans la résidence champêtre de George Washington, la visite s’est poursuivie le 24 avril par un entretien dans le bureau Ovale, un déjeuner au département d’État, une rencontre avec des PDG français et américains, une visite au cimetière d’Arlington et le dîner d’État à la Maison-Blanche. « Après des mois de préparation, le président américain et moi-même sommes impatients d’accueillir notre premier dîner d’État avec la France », a écrit Melania Trump sur son compte Twitter le lundi 23 avril. La visite d’Etat s’achèvera le mercredi par un discours de Macron devant le Congrès où le chef de l’Etat français parlera de “valeurs” et de “démocratie” (tout un programme !) avant de rencontrer des étudiants.
C’est la sixième rencontre entre les présidents Trump et Macron depuis leurs élections respectives en 2017. A peine élu, le successeur de Hollande avait tenu à ce que le président américain fût présent le 14 juillet sur les Champs-Elysées pour la parade militaire célébrant notamment les cent ans de l’entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés de la France et du Royaume-Uni en 1917. Alors qu’en apparence au moins les personnalités et les options politiques des deux hommes sont à des années-lumière, Trump ayant tenu pendant toute sa campagne présidentielle un discours populiste et très droitier contre l’immigration, les élites, le libre-échange, l’Union européenne, à l’opposé de Macron qui était par excellence le candidat de l’Etablissement, défenseur de l’Europe de Bruxelles, hostile au protectionnisme, favorable à l’ouverture des frontières aux hommes, aux marchandises et aux capitaux, les deux hommes semblent s’apprécier. Certes, dans les compliments qu’ils s’échangent, il y a certainement la part de politesse et de diplomatie qui est requise dans ce genre de rencontres au sommet entre chefs d’Etat. Toutefois, il serait sans doute erroné de ne voir dans l’attitude très enthousiaste du président Trump à l’égard de son homologue français qu’un simple égard diplomatique.
Aussi différents en effet que soient les profils et les générations de ces deux dirigeants occidentaux, ils ont finalement beaucoup plus en commun qu’une approche superficielle pourrait le laisser à penser. Avant d’embrasser la vie politique, les deux ont fait fortune dans les affaires, l’un dans l’immobilier, l’autre dans la finance. Cela crée des liens, des réflexes en commun. Ils n’ont pas été toute leur vie dans le sérail politique, cela incontestablement les rapproche. Par ailleurs, les deux sont fondamentalement des libéraux. Politiquement, économiquement et philosophiquement. Macron a quasiment supprimé l’ISF, quelques mois seulement après son entrée en fonctions, ce qu’aucun de ses prédécesseurs de droite ni de gauche n’avait fait jusque-là. Il s’en prend pareillement au régime spécial des cheminots, veut remettre en question certains avantages de la fonction publique, il veut baisser l’impôt sur les sociétés (mais hélas pas celui des particuliers, en dehors de la suppression graduelle de la taxe d’habitation), bref il s’inscrit clairement dans le camp libéral. Trump a, quant à lui, baissé fortement les impôts des particuliers et des entreprises et a redynamisé l’économie américaine.
Le président américain est plus conservateur que Macron sur les questions dites sociétales mais cela tient davantage, semble-t-il, à des spécificités de la politique américaine qu’à des convictions profondes. Trump a en effet divorcé plusieurs fois et pendant longtemps il n’était pas connu pour être un militant actif contre l’avortement mais comme il a besoin du soutien de la base du parti républicain il a relativement durci son discours sur ces questions, même s’il affirme toujours ne pas être opposé au “mariage” homosexuel. Macron le double certes nettement sur sa gauche en étant favorable à l’extension de la PMA.
Autres points d’accord entre les deux chefs d’Etat, la Syrie. Ils ont participé au bombardement, certes heureusement limité pour le moment et n’ayant pas fait de morts, du pays de Bachar el-Assad. Les deux hommes sont pareillement très soumis au lobby juif et sioniste : Macron a présidé récemment le dîner du CRIF, tenant un discours israélophile et favorable à une lutte renforcée contre toutes les formes d’antisémitisme. Trump est soutenu par l’AIPAC, le puissant lobby juif et sioniste états-unien, et par Netanyahu. Tout cela n’est pas négligeable.
On a souvent répété ici et là, de manière polémique, que Macron est le fils politique de Hollande. C’est finalement inexact car s’il est vrai que Macron fut à un moment un conseiller élyséen du président socialiste, jamais l’ex-premier secrétaire du PS n’aurait pour ainsi dire supprimé l’ISF ni touché au statut des cheminots, ne serait-ce que pour ne pas s’aliéner l’aile gauche du Parti socialiste. Si l’on devait politiquement définir Macron, il faudrait dire avec plus de justesse qu’il est l’enfant naturel de Giscard. La première année de présidence de Macron ressemble à bien des égards au début du septennat de VGE qui, à peine élu, avait cru bon de tenir un discours en anglais, ce que l’actuel président français fait continûment. Giscard avait fait de Simone Veil son ministre de la Santé légalisant l’avortement selon les canons du « libéralisme avancé » dont il se faisait le héraut et le promoteur (c’était l’IVG de VGE, l’IVGE !), Macron a décidé de panthéoniser la même Simone Veil et a déjà prononcé un discours dithyrambique à son égard au moment de son décès l’année dernière. Nul doute qu’il en fera de même le 1er juillet lors de son entrée solennelle au Panthéon.
Giscard avait fait de la même Veil la tête de liste de l’UDF aux élections européennes de juin 1979 pour occuper tout l’espace politique du centre gauche au centre droit et ainsi placer la liste de la majorité présidentielle largement en tête du scrutin, de même Macron recherche-t-il quarante ans plus tard pour les européennes de mai 2019 une personnalité d’ouverture, suffisamment consensuelle pour séduire, de l’aile droite du parti socialiste jusqu’aux éléments les plus modérés des Républicains, pour aller de Strauss-Kahn à Juppé. Macron a réussi à rassembler derrière lui les deux bourgeoisies, celles de droite et de gauche, celles du Marais et du septième arrondissement de Paris. Il veut rassembler comme Giscard deux Français sur trois (titre d’un des livres de l’ancien président), comme il le fit au second tour de la présidentielle face à Marine Le Pen. A ceci près que c’est plus difficile à accomplir aujourd’hui qu’hier, les gagnants de la mondialisation étant électoralement moins nombreux que les perdants, bien qu’ils soient plus influents, plus riches et donc plus puissants.
On a eu tort de sous-estimer Macron. L’homme assurément ne manque pas d’habileté, d’intelligence ni d’entregent. Jean-Marie Le Pen a lui-même reconnu récemment dans son journal de bord vidéo un réel talent d’exposition et de conviction, ce qui rend l’homme d’autant plus dangereux. Le problème, c’est qu’il ne se sert pas de ses qualités indéniables pour servir la France, lutter contre les maux qui la menacent, à commencer par la déferlante migratoire, le délitement de l’institution familiale et la perte des repères moraux et spirituels, mais pour être le zélé serviteur des cénacles mondialistes et européistes. C’est tout le drame.
Jérôme BOURBON
Editorial du numéro 3327 de RIVAROL daté du 25 avril 2018
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