Cette année est une date anniversaire pour plusieurs publications du mouvement nationaliste en France. Notre revue mensuelle Ecrits de Paris a fêté ses soixante-dix printemps en janvier 2017, le mensuel Lectures françaises fondé, dix ans plus tard, en mars 1957 par feu Henry Coston, a fêté ses soixante ans et nous avons donné la parole à ses rédacteurs dans le cadre d’une longue interview à cette occasion (voir RIV. du 15 juin 2017, pages 4 et 5). Et en ce mois de décembre 2017, la revue Militant fête son demi-siècle d’existence, son premier numéro ronéotypé datant du 1er décembre 1967.
Nous donnons la parole à son actuel directeur, qui est aussi le président du Parti nationaliste français (PNF) créé en décembre 1983 par des anciens du Front national, Jean-François Simon, fils de feu Henri Simon, qui fut l’un des principaux rédacteurs de cette revue nationaliste fondée par des anciens d’Europe-Action après que feu Dominique Venner eut publiquement annoncé son abandon définitif de l’action politique en novembre 1967 après l’échec quelques mois plus tôt, aux législatives, de son mouvement, le REL (Rassemblement européen de la Liberté) qui lui-même succédait au Mouvement nationaliste du Progrès (MNP).
RIVAROL : Militant fête en cette fin d’année 2017 ses 50 ans d’existence et va publier son 700e numéro. Il est assez rare qu’une revue nationaliste fasse preuve d’une telle longévité. Combien de publications nationalistes ont-elles été lancées au cours de ce dernier demi-siècle et ont disparu au bout de quelques mois, au mieux de quelques années. Quel est le secret de votre longue existence ?
Jean-François SIMON : Depuis sa création, la revue Militant a toujours été dirigée, administrée par des militants nationalistes qui n’ont jamais compté leur temps ni les sacrifices qu’impose la lutte sans concession contre un régime ploutocratique qui, pour reprendre le mot de Maurras, gouverne mal mais se défend bien. Les collaborateurs de la revue sont tous des bénévoles dont le seul objectif consiste à publier des analyses des événements de l’actualité sous l’éclairage de la doctrine nationaliste qui n’est rien d’autre qu’une méthode d’analyse, nourrie de l’expérience de l’histoire, des problèmes qui se posent à la vie de la nation et de leur résolution par rapport à celle-ci. Je pense que la recherche de la vérité, sans concession aucune aux modes du moment, et le fait que nos analyses soient corroborées (malheureusement) par les événements que nous vivons ont aidé au succès de notre revue. Mais, peut-être tout autant, j’ajouterais que nous ne nous contentons pas de disséquer l’actualité et de la commenter : nous proposons en même temps des solutions et développons au fil des numéros un programme politique apte à rétablir la France et notre civilisation. Militant est, au sens strict du mot, une revue de combat et de doctrine, ce qui est aujourd’hui assez rare dans le milieu nationaliste.
R : Quelles ont été les origines de votre revue ?
J.-F. S. : La revue a été créée, pour ses premiers numéros, sous forme de quatre pages dactylographiées, par un groupe de militants nationalistes qui avaient auparavant milité au Parti Populaire Français, au Parti franciste, à Jeune Nation dans les années 1950 puis à Europe- Action. Parmi les fondateurs, figuraient des hommes qui, conscients du danger communiste mais aussi de celui que constitue le judaïsme politique, avaient joint l’action à la parole et s’étaient engagés dans la LVF, puis dans la Division Charlemagne. Ils avaient payé leur engagement de plusieurs années de prison après 1945. Je citerais les noms de Pierre Bousquet, Jean Castrillo et celui de mon père Henri Simon.
R : Si je comprends bien, vous avez pris la succession de votre père ?
J.-F. S. : Mon père rédigeait des articles, organisait des réunions. Je n’ai rejoint l’équipe de Militant que très tardivement, m’étant tenu à l’écart de tout engagement politique pendant de très nombreuses années. Je dois ajouter que mon père ne m’a jamais “endoctriné”. Nous parlions très peu de son action avant et pendant la guerre 1939-1945 et nos conversations politiques se limitaient aux commentaires de l’actualité. Moi-même j’ai un temps, très court il est vrai, été intéressé par le Parti communiste… vers 16-17 ans. C’est au fil des ans, constatant que les propos de mon père collaient à la réalité, que je me suis rendu compte que la doctrine nationaliste nous donnait la clé de compréhension des événements que nous vivions mais aussi les éléments de réponse aux problèmes de notre temps. Je me suis alors formé doctrinalement et j’ai participé à diverses activités politiques nationalistes. J’ai ensuite rejoint l’équipe du journal à la demande des membres de sa rédaction. Maurice Barrès disait que le nationalisme est une amitié. A Militant, nous vivons cette maxime.
R : Néanmoins, l’image de Militant reste celle d’une revue d’obédience national-socialiste et nostalgique du IIIe Reich.
J.-F. S. : Nos ennemis ont intérêt à nous présenter comme tels, à donner une image caricaturale de Militant. Aucun des membres de l’équipe rédactionnelle n’est nostalgique de quelque époque que ce soit, y compris de celle du IIIe Reich. Mon père, Henri Simon, se fâchait tout de go lorsqu’il était qualifié de nostalgique du IIIe Reich. Il disait que son engagement ne pouvait se comprendre que dans le contexte de l’époque où il a revêtu l’uniforme des Waffen SS et que cela ne regardait que son histoire et ne concernait que l’histoire. Dans les années 1970-1990 (il est décédé en 1997), il ne cessait de répéter que ce qui comptait c’était la situation présente, et qu’il fallait agir dans le contexte présent, tourné vers l’avenir, en proposant des solutions pour le monde présent et à venir, aller de l’avant. Je me souviens aussi de Jean Castrillo, qui a été le rédacteur en chef de Militant jusqu’à son décès en 2012, partageant cette tâche avec André Gandillon depuis 2004, qui s’irritait, lors des banquets organisés par Militant, de ces gens qui venaient pour voir une relique, participer à une sorte de folklore en « levant le bras » sans pour autant mener un combat politique constructif hic et nunc. Pour lui aussi, son passé lui était personnel et il travaillait pour le présent et les générations à venir, sans rien renier, évidemment de ce passé.
R : Ainsi, vous ne pouvez pas nier qu’il existe une continuité entre les mouvements fascistes des années 1930-1940 et le combat nationaliste actuel.
J.-F. S. : La continuité est la suivante : la défense et la promotion de notre civilisation française et européenne, dans la fidélité à sa tradition millénaire, conjointement au refus de toute soumission à quelque puissance ou coterie étrangère. Les mouvements et gouvernements que l’on désigne sous l’appellation de fascismes ont été, dans les années 1930, une tentative des éléments sains des peuples d’Europe de vouloir rétablir l’Europe, mutilée par quatre années d’une guerre terrible, en proie à la décadence morale et à la prise en main de ses affaires politiques et économiques par ce que nous appelons aujourd’hui les coteries mondialistes, avec entre autres, les sectes maçonniques, à l’origine de la rupture de 1789 et le judaïsme politique qui, fondé sur le projet messianique du noachisme, vise à l’asservissement des peuples d’Europe. Ce sont d’ailleurs eux qu’il faut combattre pour que cessent des maux comme l’invasion migratoire que nous subissons. Ne nous trompons pas d’ennemi principal. Et personne ne peut nier que la défaite allemande de 1945, obtenue avec le concours des forces communistes, a assuré pour longtemps la victoire des forces susnommées.
R : Mais aujourd’hui le communisme, du moins sous sa forme traditionnelle, n’existe quasiment plus.
J.-F. S. : Des trois grands courants politiques qui ont marqué le XXe siècle, un seul subsiste aujourd’hui : le courant libéral mondialiste. Les fascismes ont été écrasés en 1945 ; le communisme s’est effacé en 1991, avec toutefois cette nuance qu’il s’est répandu dans l’Ouest européen avec la dissolution des mœurs et accessoirement — mais c’est important — la bureaucratie soviétoïde de Bruxelles. Cela dit, le communisme, tel qu’il s’est développé en Russie sous sa forme bolchevique, est un produit du judaïsme politique. Il n’y a aucune obsession dans mes propos mais un simple constat : les dirigeants du Parti bolchevique étaient tous juifs à l’exception de Lénine (et encore, une de ses aïeules l’était) et du Géorgien Staline. Les Russes ont été peut-être le peuple qui a eu le plus à souffrir, dans sa chair, des menées du judaïsme politique sous l’aspect du marxisme-léninisme.
R : Cependant, aujourd’hui, Staline est considéré par de nombreux Russes comme un héros russe et Lénine est toujours dans son mausolée et les nationalistes héritiers des fascismes sont personae non gratae en Russie.
J.-F. S. : L’affaire est évidemment complexe dans la mesure où Staline a su identifier le régime communiste et le patriotisme russe. Si la guerre de 1812 s’appelle la « Guerre patriotique », celle de 1941-1945 ne s’appellent- elle pas la « Grande Guerre patriotique » ? Le phénomène est identique à celui que nous connaissons en France où des victoires comme Fleurus, Jemmapes, qui, pour être des victoires des armées révolutionnaires, sont néanmoins des victoires à mettre à l’actif du peuple français et constituent des faits glorieux de notre histoire.
Le passé est le passé et tout nationaliste doit assumer ce passé quel qu’il soit puisqu’il a produit le présent dans lequel nous sommes. C’est une donnée et il faut partir de cette donnée pour construire notre avenir.
Notre seul souci, je le répète, consiste à mettre fin à la décadence et à la putréfaction civilisationnelles actuelles. Certes, il ne dépend pas de nous que le système s’effondre. Mais ce qui dépend de nous est de préparer les forces qui, demain, évacueront les décombres du monde démocratique et cosmopolite et engageront ce redressement. Il n’y a pas de solution possible dans le régime démocratique, lequel n’est pas réformable. C’est d’ailleurs l’erreur de mouvements tels que le Front National qui pensent le transformer de l’intérieur mais en fait y perdent leur âme et deviennent à la fois des éléments et des jouets du système en place. Il n’y a pas de compromis possible entre les idéaux des Lumières et de 1789 et les principes naturels et traditionnels, portés en Europe par l’helléno-christianisme qui subit d’ailleurs une crise majeure dans la mesure où il est infesté par 1789 et par des problèmes théologiques plus anciens non clairement résolus, telle la relation nature-grâce.
Nous approchons de l’aboutissement du processus pluriséculaire qui a vicié, corrompu l’âme de l’Europe ; et deux siècles ne peuvent prévaloir sur deux millénaires, voire trois, si l’on remonte à l’Antiquité grecque et à Homère. Militant offre, de ce point de vue, des « munitions intellectuelles », sinon spirituelles, sachant que l’avenir de l’Europe ne peut se fonder que sur l’héritage gréco-romain christianisé. Les peuples d’Europe se redresseront, certes, par leurs efforts personnels, car il ne faut d’abord compter que sur soi-même, mais l’ensemble des peuples d’Europe ne se sauvera qu’en travaillant ensemble et les forces nationalistes doivent s’entendre sur un projet d’avenir. Pour cela, il faut intelligemment savoir taire les querelles et les rancœurs du passé, quelles qu’aient pu être leur intensité. Bien entendu, j’en sais la difficulté.
R : Militant a toutefois une spécificité : il insiste beaucoup sur les questions économiques et il est quasiment le seul media nationaliste à le faire.
J.-F. S. : Si les objectifs politiques, les idées politiques et la doctrine sont primordiaux pour indiquer le chemin à suivre et fixer le but à atteindre, rien ne peut se faire sans une économie forte, sans un système économique et financier qui assure la prospérité économique et permette de satisfaire les besoins des populations. Sans l’intendance, les meilleures idées, les meilleures intentions sont vouées à l’échec. Nous publions donc régulièrement des articles qui analysent l’actualité économique, les doctrines économiques en vogue, comme l’ultra-libéralisme et nous proposons la solution de l’économie orientée avec la maîtrise des circuits financiers fondée sur la souveraineté monétaire des Etats et non plus des banques privées qui créent de la monnaie ex nihilo avec des taux d’intérêts.
R : Quels sont vos projets ?
R J.-F. S. : Tout d’abord, continuer à exister. Comme toute la presse nationaliste, nous ne vivons que des abonnements et des quelques ventes au numéro que nous pouvons faire dans des librairies amies. Nous avons peu de moyens de faire connaître notre existence. En outre, comme la presse écrite, nous sommes confrontés à un désintérêt marqué pour la lecture, et surtout pour les lectures de fond, caractéristique de l’époque actuelle. Aujourd’hui, les gens tendent à lire des textes brefs, aisés à lire et à comprendre, s’intéressent à ce qui se passe à court terme, voire dans l’instant. Il y a aussi la concurrence d’Internet. Mais ce canal médiatique présente là encore l’inconvénient de favoriser l’évanescent et le fugitif : on lit sur un écran mais on passe à autre chose et on ne conserve pas. L’avantage d’une revue éditée sur papier est de se conserver. Longtemps après la parution d’un numéro, il est toujours possible de s’y reporter, de relire des articles de fond et d’y trouver des informations souvent difficiles à retrouver dans le fouillis d’Internet. Une revue sur papier est un outil de formation irremplaçable.
A l’occasion de nos 50 ans d’existence, nous offrons aux personnes qui le souhaitent l’envoi gratuit d’un numéro de Militant (1) et, pour ceux, nous découvrant, qui souhaiteraient s’abonner, un « abonnement découverte » de 40 euros pour un an, soit une économie de 19 euros sur l’abonnement normal.
Propos recueillis par Jérôme BOURBON
(1) Militant : BP 154, 75463 Paris cedex 10. Chèque à l’ordre de Militant.
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Source : Rivarol n°3310 du 20 décembre 2017
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