La semaine dernière, le président américain Joe Biden avait autorisé l’Ukraine à utiliser les missiles ATACMS lors de frappes à longue portée dans la profondeur russe. Et dans une entrevue du 23 novembre donné à la BBC, Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères a informé que Paris « ne mettait pas de lignes rouges » dans son soutien à Kiev et que les frappes à longue portée sur le sol russe pouvaient être menées par l’Ukraine « dans la logique de l’auto-défense ».
Frappes à longue portée en Russie
La France a en effet fourni à l’Ukraine un nombre (inconnu) de missiles de croisière Scalp-EG, que Kiev utilise déjà pour des attaques contre des cibles en Crimée et les quatre régions réunifiés à la Russie en 2022. Le Scalp-EG, connu sous le nom de Storm Shadow au Royaume-Uni, est un missile de croisière air-sol franco-Britannique d’une portée maximale de 550 km.
Les commentaires de Barrot sont venus un jour après que l’armée ukrainienne a confirmé que ces types d’armes ont été utilisés par les forces armées ukrainiennes contre les régions russes de Koursk et Briansk. Le 19 novembre, 6 missiles balistiques américains ATACMS avec une tête à sous-munitions à shrapnels sont tirés sur un dépôt de munitions de Bryansk qui avait déjà été détruit le mois précédent par des drones de Kiev. Et le 20 novembre, 12 missiles de croisière franco-anglais Scalp sont tirés sur un petit bâtiment semi-abandonné à Koursk.
Réplique balistique à portée intermédiaire non-nucléaire russe
La réplique russe aux frappes d’ATACMS et de Storm Shadow ne s’est pas faite attendre et les forces aérospatiales russes ont ciblé une installation militaro-industrielle, l’usine Yuzhmash, dans la ville ukrainienne de Dnipro avec un nouveau missile balistique intercontinental à portée intermédiaire, un missile hypersonique (capable de transporter une arme nucléaire), appelé « Oreshnik », dont les 6 ogives ont délivré 6 projectiles chacune sur l’installation militaro-industrielle.
Les 6 ogives ont été larguées à un rythme régulier provoquant l’arrivée successivement de chaque groupe de 6 munitions, créant un fort effet pyrotechnique lors de leur entrée dans l’atmosphère. Les défenses aériennes en Ukraine n’ont pas été en mesure d’intercepter le vecteur ni les charges.
Il s’agit de la première utilisation réussie au combat d’un tel système d’armes dans l’histoire des conflits militaires même si les ogives utilisées n’étaient pas porteuses de charges nucléaires.
À noter, l’armée russe avait prévenu à l’avance l’OTAN (de quelques minutes à quelques jours avant, selon les sources), indiquant vraisemblablement le pays ciblé et que les charges seraient conventionnelles, utilisant les canaux de dialogue habituels en cas de tir d’essai de missiles intercontinentaux capables d’emporter des charges nucléaires. Ce qui explique l’évacuation des représentations de l’OTAN à Kiev le 20 novembre, craignant que la capitale en soit la cible.
Rhétorique des représailles russes
Le président russe, dans un message télévisé, a confirmé la première utilisation d’une telle arme, qui n’est pas une arme de destruction massive mais une arme de haute précision, disponible dans l’arsenal russe, et qui sera désormais produite en masse. Il a revendiqué le droit pour la Russie d’utiliser ces armes contre les installations militaires des pays qui permettent l’utilisation de leurs armes à longue portée pour des frappes sur le territoire russe. C’est un signal clair aux sponsors du pouvoir à Kiev.
Vladimir Poutine a rappelé que l’escalade délibérée est le fait des États-Unis et des pays occidentaux membres de l’OTAN et a affirmé que la Russie atteindrait tous ses objectifs militaires, quels que soient les systèmes d’armes utilisés par Kiev. D’autres attaques avec des armes occidentales conduiront à des frappes de représailles sur des cibles choisies par Moscou, a-t-il avertit dans un discours télévisé, concluant : il y aura toujours une réponse de la la Russie, de manière décisive et à l’identique, et les cibles seront choisies en fonction des menaces pour la sécurité du pays.
Cette forte rhétorique de Vladimir Poutine sur le thème des représailles à l’égard des Occidentaux résulte des processus d’usage des missiles à longue portée ATACMS, Scalp ou Storm Shadow qui diffèrent sensiblement de nature avec les autres armes envoyées au forces armées ukrainiennes.
Selon la représentante du ministère russe des affaires étrangères, Maria zakharova : « L’armée ukrainienne n’est pas en mesure de frapper avec des systèmes modernes de haute précision de production occidentale… Cela n’est possible qu’avec l’utilisation de renseignements provenant de satellites, que l’Ukraine n’a pas, et ce sont des données provenant des satellites de l’Union européenne ou des États-Unis, en général des satellites de l’OTAN. » Et Vladimir Poutine avait rappelé le 12 septembre dernier que « seuls les militaires de l’OTAN peuvent réellement contribuer à ces systèmes de missiles. Les militaires ukrainiens ne peuvent pas le faire ».
Participation directe de l’OTAN au conflit russo-ukrainien
Alors qu’armes légères, roquettes et autres bombes et véhicules blindés sont directement opérés par les Ukrainiens sur le champ de bataille, les missiles cités ci-dessus, pour atteindre la profondeur russe, ne peuvent vraisemblablement être manœuvrés que par des opérateurs militaires occidentaux. Cette conclusion découle directement à la fois de la procédure d’obtention d’informations de renseignement et du processus de création de missions de vol pour ces missiles, qui sont directement aux mains occidentales de bout en bout !
La participation occidentale commence évidemment par la reconnaissance : la constellation de satellites militaires américains comprend plus de 400 véhicules spatiaux, alors que l’Ukraine n’en possède aucun… L’Ukraine dépend donc entièrement des informations de renseignement provenant de l’Occident.
Les images en résultant nécessitent un décodage et une interprétation dans des centres de traitement de données spéciaux. Aux États-Unis, il s’agit de la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA). Il en existe également dans les structures de l’OTAN, ainsi qu’au Royaume-Uni (Defence Intelligence Organisation) et en France (Centre d’expert de la défense). Tous sont interconnectés par des lignes de communication numériques dupliquées et les informations traitées deviennent une base de données pour acquérir les coordonnées précises des cibles.
Un portrait radar ou une modélisation 3D de la zone est également créée, ce qui est parfois nécessaire pour définir la trajectoire du missile jusqu’à sa cible désignée.
Ainsi, pour le travail de calcul du système HIMARS par exemple, si le commandant d’un de ces équipages qui appuie sur le « bouton rouge » pour lancer l’ATACMS peut être « ukrainien », en revanche les missions de vol pour celui-ci sont créées par les centres ci-dessus au terme d’une procédure complexe qui exige la participation de nombreux spécialistes de divers profils. Et le même schéma est applicable pour le lancement de missiles depuis un Su-24 ou un F-16.
Le véritable contrôle de la sélection des cibles et de la préparation des missions de vol revient au personnel militaire occidental, ce qui constitue à n’en pas douter une participation directe de l’OTAN au conflit russo-ukrainien. Baroud du déshonneur de l’administration américaine moribonde de Joe Biden (qui d’ici deux mois n’aura plus à assumer les conséquences), suivi par l’irresponsable Emmanuel Macron qui entraîne la France – puissance dotée en Europe – dans cette fuite en avant porteuse de tous les risques de l’escalade…
Je trouve que vladimir poutine temporise avec un sang froid remarquable c est un joueur d echec qui joue la montre.
Article très documenté et instructif dont on ne peut que tirer le plus grand profit.
Mais qui date un peu quant à l’analyse, dans la mesure où la supériorité aérienne et balistique, décisive au XXème siècle, est désormais en retrait par rapport à la domination de la stratosphère, où évoluent les satellites.
Contrôler la stratosphère, tel est le prochain défi à relever !
Le premier qui aura la maîtrise de la stratosphère, aveuglant et réduisant au silence les satellites adverses, gagnera le prochain conflit.
Je rappelle que Poutine avait dit lui-même, il y a quelques semaines à peine : « Nous ne laisserons pas les missiles occidentaux à longue portée pénétrer en Ukraine ».
La réaction russe : un missile Oreshnik tiré.
On perd son temps à vouloir discuter de ce qui se passe en Ukraine.