C’est une nouvelle stupéfiante dont on n’a pas fini d’entendre parler. Nicolas Sarkozy, qui dirigea la France de mai 2007 à mai 2012, après avoir occupé plusieurs fonctions ministérielles, aussi prestigieuses que rémunératrices, a été condamné ce lundi 1er mars par la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris à trois ans de prison, dont un an ferme, pour « corruption et trafic d’influence » dans l’affaire dite des “écoutes”, qui avait éclaté en 2014, deux ans après son départ de l’Elysée. « Merci à la salle de ne pas réagir », avait prévenu au début de l’audience la présidente du tribunal, Christine Mée, qui, pendant trois quarts d’heure, a énuméré les charges qui pèsent sur Nicolas Sarkozy, sur son avocat Thierry Herzog et sur l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert, ces deux derniers ayant été condamnés à la même peine que l’ex-président de la République. Une interdiction d’exercer la profession d’avocat pendant cinq ans a également été prononcé à l’encontre de Thierry Herzog. Le tribunal n’a pas mâché ses mots dans son délibéré. Les faits commis sont d’une « particulière gravité ayant été commis par un ancien président de la République ». Lequel « s’est servi de son statut et de ses relations politiques et diplomatiques pour gratifier un magistrat ayant servi ses intérêts personnels », a fait valoir la présidente du tribunal correctionnel, face à un Nicolas Sarkozy livide, sans réaction, épaules basses, qui a quitté la salle sans faire aucune déclaration.
Cette condamnation à de la prison ferme est une première sous la Ve République pour un ex-chef de l’Etat, feu Jacques Chirac ayant, lui, été condamné en 2014 à deux ans de prison, mais avec sursis, dans l’affaire des emplois fictifs à la mairie de Paris au temps où il dirigeait l’hôtel de ville de la capitale de la France. Le « pacte de corruption », c’est l’expression très forte utilisée par les magistrats, conclu et caractérisé par les écoutes téléphoniques entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog sur des lignes téléphoniques secrètes, “exige”, selon la présidente, « une réponse pénale ferme ». Cette affaire a porté « gravement atteinte à la confiance publique », a estimé le tribunal, « en laissant penser que les procédures devant la Cour de cassation ne procèdent pas toujours d’un débat contradictoire devant des magistrats indépendants mais peuvent faire l’objet d’arrangements occultes destinés à satisfaire des intérêts. »
Un petit rappel des faits est ici nécessaire : Nicolas Sarkozy était jugé pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite Paul Bismuth. Le parquet national financier (PNF) avait requis quatre ans de prison, dont deux ans ferme, à l’encontre de l’ancien chef de l’Etat, estimant que l’image présidentielle avait été “abîmée” par cette affaire aux « effets dévastateurs ». La même peine avait été réclamée pour Thierry Herzog et Gilbert Azibert. Une interdiction d’exercer le métier d’avocat avait également été demandée pour le premier. Tout l’enjeu de ce procès reposait sur l’existence ou non d’un pacte de corruption. Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si Nicolas Sarkozy avait tenté, par l’intermédiaire de Thierry Herzog, d’aider le haut magistrat Gilbert Azibert à obtenir un poste prestigieux en échange d’informations le concernant dans l’affaire Bettencourt. Cette affaire dite « des écoutes » remonte à 2014. A l’époque, le PNF enquête sur les soupçons de financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy.
Les enquêteurs découvrent alors une ligne officieuse, secrète, ouverte au nom de Paul Bismuth sur laquelle Nicolas Sarkozy et son avocat et ami Thierry Herzog échangent. Pour l’accusation, certaines conversations prouvent qu’il y a eu un pacte de corruption entre les trois hommes. De quoi s’agit-il ? Gilbert Azibert, alors magistrat à la Cour de cassation, a transmis des informations couvertes par le secret, en échange d’un soutien de Nicolas Sarkozy pour l’obtention d’un poste à Monaco. Poste qu’il n’avait finalement pas obtenu. En l’espèce, « la preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d’amitié noués entre les protagonistes, des relations d’affaires renforçant ces lien », estime le tribunal correctionnel dans son jugement.
Est-ce à dire que Nicolas Sarkozy ira réellement un jour en prison ? C’est peu probable. D’abord parce que l’ancien président a aussitôt fait appel, ce qui suspend la condamnation et ses conséquences. Ensuite, les juges ont précisé explicitement dans leur délibéré que sa condamnation pourra être aménagée avec le port d’un bracelet électronique. Une hypothèse à envisager lorsque cette condamnation sera définitive, ce qui prendra vraisemblablement plusieurs années entre le procès d’appel et le pourvoi en cassation. Reste que cette condamnation à de la prison ferme est tout sauf anodine et qu’elle n’est pas sans signification. Elle prouve d’abord que les magistrats, contrairement à ce qu’ils faisaient ordinairement dans le passé, sont moins soucieux désormais de ménager les politiques, les décideurs, même quand ceux-ci ont occupé les fonctions les plus élevées en République. On l’avait déjà remarqué dans l’affaire Fillon. Le fait que ce dernier fut Premier ministre n’a pas empêché une condamnation à de la prison ferme en première instance, avec un délibéré là aussi extrêmement sévère dans ses attendus. Reste toutefois à savoir si Thémis serait aussi peu encline à la clémence à l’égard de politiciens marqués à gauche car pour l’instant, si on excepte le socialiste Cahuzac qui finalement ne s’en est pas si mal sorti compte tenu de la gravité des infractions pénales qu’il avait commises, ce sont essentiellement des personnalités classées à droite (même s’il y aurait beaucoup à dire et à redire sur leurs convictions réelles et plus encore sur la politique qu’elles ont menée lorsqu’elles étaient aux responsabilités) qui ont été dans le collimateur du Parquet national financier, puis des magistrats du siège.
L’actuel chef de l’Etat doit voir plutôt d’un bon œil cette condamnation car, devant l’incapacité des différents dirigeants des Républicains à apparaître comme de crédibles présidentiables, de plus en plus de voix, à “droite”, appelaient de leurs vœux le retour au premier plan de Nicolas Sarkozy dont le bilan à l’Elysée fut certes très mauvais (adoption du traité de Lisbonne qui trahissait le non des Français au référendum sur la Constitution européenne, guerre illégitime en Libye et renversement de Kadhafi, ce qui favorisa le torrent migratoire à destination du Vieux Continent, concept pervers d’“immigration choisie” qui s’ajouta à l’immigration subie, éloge du métissage que Sarkozy entendit rendre obligatoire dans un discours à l’Ecole Polytechnique en 2008, etc.), mais qui reste une personnalité politique encore appréciée de beaucoup d’électeurs de droite naïfs et amnésiques et dont on ne peut par ailleurs nier le talent oratoire, l’aisance verbale et l’habileté manœuvrière, ce qui est le cas de tous les aigrefins qui séduisent et illusionnent avec d’autant plus d’efficacité qu’ils apparaissent sympathiques, souriants, chaleureux et sans complexes. Sarkozy désormais mis sur le côté, Macron peut rêver à nouveau d’une finale avec Marine Le Pen dont il espère qu’elle débouchera sur le même résultat qu’en mai 2017, ce qui lui permettrait de se succéder à lui-même et d’imposer cinq ans de Macronie supplémentaire à une France qu’il conduit chaque jour davantage au tombeau.
Jérôme BOURBON, RIVAROL
Sarkozy condamné à trois ans de bracelet électronique, dont un ferme.
Et est-ce que Rolex fait des bracelets électronique?
Je suis un admirateur quasi-inconditionnel (quasi car l’exagérons rien) de Jérôme Bourbon. Mais là, on sent pointer une « tolérance » ou une hiérarchie dans le négatif entre Macron et Sarkozy, qui ne me parait pas de mise.
à 60 ans, si t’as pas ton bracelet électronique, c’est que t’as foiré ta vie.