Le dernier des fusillés
Dans sa cellule, on vient réveiller le colonel Bastien-Thiry. Il dort profondément. Dès qu’il a ouvert les yeux, il a compris. Ses premières paroles sont pour ses amis : Quel est leur sort ? On le rassure : ils ont été graciés. Alors il s’habille posément, revêt par-dessus ses vêtements civils une capote bleue de l’armée de l’air, sans galons. Il ne dit rien. Déjà, il se détache du monde.
Le condamné entend alors la messe, reçoit la communion. Ceux qui assistèrent à ces derniers instants ont rapporté à quel point ils avaient été frappés par le rayonnement intérieur qui émanait alors de l’homme qui allait mourir.
Bastien-Thiry prend place dans un fourgon cellulaire. Pendant le trajet, il prie. Le convoi parvient au Fort d’Ivry. Le condamné marche vers le poteau en tenant toujours son chapelet entre ses doigts. On l’attache, on veut lui bander les yeux. Il refuse, comme l’avaient fait avant lui Piegts, Dovecar et Degueldre.
A 6 h 46, la salve retentit, puis le coup qu’on appelle « de grâce », le lieutenant-colonel Bastien-Thiry est mort. Il est le dernier condamné à mort par une cour militaire, le dernier homme à être fusillé en France.
On emporte son corps à Thiais. On l’enfouit dans le carré des suppliciés, à la sauvette, comme ces voleurs pendus jadis à Montfaucon que l’on entassait dans les fosses communes. Autour de cette tombe sans croix, quelques gendarmes, garde dérisoire.
Son corps fut ensuite transféré au cimetière de Bourg-la-Reine le Samedi Saint (13 avril 1963) suivant son exécution.
« Nous n’avons pas à nous justifier, devant votre juridiction, d’avoir accompli l’un des devoirs les plus sacrés de l’homme, le devoir de défendre des victimes d’une politique barbare et insensée. »
« Devant l’Histoire, devant nos concitoyens et devant nos enfants, nous proclamons notre innocence, car nous n’avons fait que mettre en pratique la grande et éternelle loi de solidarité entre les hommes. » (Jean-Marie Bastien-Thiry)
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